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Magie des sortilèges

Montpellier
Opéra-Comédie
02/02/1999 -  

Francis Poulenc : Les Mamelles de Tirésias
Marie Devellereau (Thérèse-Tirésias), Svetlana Lifar (La marchande de journaux), Mireille Dufour (une dame élégante), Laurence François (une dame), Jean-Paul Fouchécourt (le mari), Olivier Grand (le directeur, le gendarme), Franck Bard (Lacouf, Le fils), Gilles Hubert (Presto), Ivan Matiakh (le journaliste), René Laryea (un monsieur barbu) Jean-Marc Forêt (mise en scène)
Maurice Ravel : L'enfant et les sortilèges
Ethel Guéret (l'enfant), Joane Bellavance (le feu, la princesse, le rossignol), Ivan Matiakh (le petit vieillard, la théière, la rainette), Elodie Méchain (Maman, la tasse chinoise, la libellule), Mireille Dufour (La chatte, l'écureuil), Svetlana Lifar (un pâtre), Christine Rigaud (une pastoure, la chauve-souris), Laurence François (la bergère, la chouette), Gilles Hubert (l'horloge comtoise, le chat), René Laryea (le fauteuil, l'arbre)
Yaël Bacry (mise en scène)
Orchestre Philharmonique de Montpellier Languedoc-Roussillon, Choeurs des Opéras de Montpellier, Martyn Brabbins (direction)

Si Les Mamelles de Tirésias avait été un grand succès en son temps, on aurait pu penser que l'oeuvre a beaucoup vieilli. Comme ce n'est pas le cas, on peut penser (même en pleine année Poulenc) que cette farce poussive - qui cligne de l'oeil du côté de Chabrier quand elle ne le fait pas du côté du public - est d'un intérêt somme toute limité. Le livret très potache d'Apollinaire est moins en cause qu'on ne le dit souvent : tout est question de rythme, et les gags appuyés finissent par devenir laborieux lorsqu'ils s'étirent en longueur dans la durée spécifique au chant de l'opéra, fût-il opéra-bouffe. Le metteur en scène Jean-Marc Forêt a beau recourir aux effets les plus éprouvés du grand-guignol, il a beau nous rappeler les mises en scène des clubs de théâtre de lycée, on attend avec impatience la fin d'une oeuvre un peu courte, dont on avait oublié qu'elle était si longue. L'orchestre de Montpellier, sans doute en petite forme, n'est pas un très bon allié : il manque de liant, et reste sans cesse pataud, incapable de la moindre finesse, et notamment de jouer dans la nuance piano. Heureusement, il y a les chanteurs : Jean-Paul Fouchécourt, Marie Devellereau et Olivier Grand sont excellents - de belles voix, une excellente diction - et ils jouent le boulevard avec une rare élégance, sans états d'âme et sans en rajouter. A eux seuls, ils arrivent à rendre à peu près digeste ce long apéritif.

Avec L'Enfant et les sortilèges, un véritable chef-d'oeuvre cette fois, la seconde partie de la soirée est touchée par la grâce. Il reste bien quelques petites scories, mais ce ne sont que d'insignifiantes pécadilles, très vite oubliées. Avec ses moyens limités, l'orchestre fait de son mieux pour être à la hauteur de la partition et du spectacle, nous gratifiant, contre toute attente, d'un extraordinaire pianissimo, coloré et intense, au début de la seconde partie (entrée dans le jardin). La distribution vocale est homogène et de grande tenue, et les chanteurs se révèlent être d'excellents comédiens, sous la direction de Yaël Bacry : chaque personnage existe par une gestuelle juste et économe, et par les splendides costumes de Jean-François Gobert. La mise en scène est irréprochable, d'une intelligence et d'une beauté totales, qui souligne avec tendresse l'inquiétante étrangeté de cet opéra, à l'atmosphère souvent oppressante. Les quelques scènes comiques suffisent à dépasser en drôlerie et en absurdité Les Mamelles de Tirésias, qui n'en apparaissent que plus laborieuses encore. Il faudrait pouvoir décrire cette mise en scène d'un onirisme tout victorien, et qui fait mouche sans débauche de moyens : le jardin est dans une ambiance grise très lumineuse, qui correspond parfaitement à la musique et à l'état d'esprit de l'enfant, avec un bestiaire impressionnant, et un personnage d'"arbre" vraiment touchant. La scène du feu est tout simplement sublime : un drap qui ondule dans le fond de la scène, éclairé de couleurs rouges sombres, quelques "projections" de feu. C'est simple et cela suffit : la magie est là. Nul doute que l'on se souviendra longtemps de cette très belle production.



Stéphan Vincent-Lancrin

 

 

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