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Riccardo triumphans

Paris
Salle Pleyel
06/07/2008 -  et 29, 30 mai (Leipzig), 1er (Milano), 3 (Wien), 5 (Glasgow), 6 (London) juin 2008
Johannes Brahms : Concerto pour violon en ré majeur, op. 77
Arvo Pärt : Cantus in memoriam Benjamin Britten
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Symphonie n° 4 en fa mineur, op. 36

Leonidas Kavakos (violon)
Gewandhausorchester Leipzig, Riccardo Chailly (direction)


Après les orchestres symphoniques de Boston, de Chicago et de Los Angeles, la Philharmonie de Saint-Pétersbourg, celles de Berlin, de Vienne et de Munich, l’Orchestre de la Radio bavaroise, la Staatskapelle de Dresde, le Concertgebouw d’Amsterdam, l’Orchestre symphonique de Londres, voici le Gewandhaus de Leipzig : Paris serait-elle devenue, la concurrence entre Pleyel et les Champs-Elysées aidant, la capitale des grandes phalanges ? C’est le mondial des orchestres, où les Français, malheureusement, n’auraient guère de chance de se retrouver en finale. Celui de Mendelssohn, dirigé ensuite par des chefs aussi prestigieux que Nikisch, Furtwängler, Walter, offrait avant tout, sous la direction d’un Masur ou d’un Blomstedt, l’image d’une formation à la rigueur et au professionnalisme exemplaires. L’arrivée de Riccardo Chailly, comme vient de le prouver le concert donné à Pleyel, a donné un nouvel élan à une formation qui peut désormais prétendre se situer au sommet.


Dès l’Allegro initial, le Concerto pour violon de Brahms est superbe, très différent de celui entendu récemment aux Champs-Elysées avec Gil Shaham et Christian Thielemann (lire ici). Chailly propose une approche plus latine, plus solaire, à l’opposé d’une certaine tradition germanique – que n’incarnait certainement pas Mendelssohn -, toute en souplesse et en finesse, tant pour le tempo que pour les nuances. Très construite, l’interprétation n’en assimile pas moins le Concerto à une sorte de ballade, avec des variations constantes d’atmosphères et de couleurs, notamment quand l’orchestre accompagne – le point faible de Thielemann. Chailly accompagne sans cesser d’être partenaire, en phase avec le violon charnu, presque sensuel, d’une grande richesse de timbres, de Leonidas Kavakos, qui déploie un magnifique éventail dynamique – les nuances du Bach donné en bis sont impressionnantes. Cela nous réserve des moments de grâce, comme lorsque l’orchestre reprend la parole après la cadence. Dans l’Adagio, d’un intense lyrisme, Chailly semble se souvenir du chef d’opéra qu’il est aussi, en particulier d’opéra italien, tant l’orchestre chante, à l’image du soliste, s’abandonnant au plaisir de l’instant, à la beauté des mélodies et des timbres – quelles superbes sonorités. L’Allegro giocoso final, ensuite, est léger, presque dansant, mais toujours tenu, notamment dans la coda, où personne ne se laisse emporter.


Entre Brahms et Tchaïkovski, le bref et très modal Cantus in memoriam Benjamin Britten paraît étrangement situé, même s’il permet d’admirer l’homogénéité parfaite des cordes : on l’aurait plutôt imaginé en ouverture du concert. Après ces quelques minutes, la Quatrième Symphonie de Tchaïkovski confirme l’extraordinaire maîtrise atteinte par l’orchestre, en termes de virtuosité et d’homogénéité, dans une œuvre où il faut sans cesse préserver l’équilibre entre les pupitres. La petite harmonie et les violons sonnent admirablement. Fidèle à lui-même, le chef italien diffuse sur les pages les plus tourmentées de la partition une clarté lumineuse, à l’opposé aussi d’une certaine tradition slave, bannissant tout effet de masse grâce une transparence parfaite des lignes, sans pour autant se départir d’une approche très dramatique, voire théâtrale – au meilleur sens du terme – de ce corps-à-corps avec le fatum : celui-ci n’est-il pas, après tout, le ressort essentiel de la tragédie ? Chailly apparaît vraiment comme l’antithèse de Thielemann – ce qui n’enlève rien à celui-ci : il assoit beaucoup moins son orchestre sur les cordes, surtout pas sur les cordes graves, moins soucieux de pâte sonore que de fluidité instrumentale, avec un travail scrupuleux sur les nuances, en particulier pour les crescendos. Comme dans Brahms, certains passages sont d’un raffinement sonore et expressif étonnant, à l’instar de l’exposition du second thème, grâce à la qualité des bois. L’opéra perce également dans les effusions de l’Andantino, où sont dévoilées toutes les affinités de Tchaïkovski avec le répertoire italien et où toutes les voix chantent, avec, dès le début, des contre-chants subtilement tissés. Si le Scherzo fait toujours de l’effet, il se signale ici par une précision exemplaire dans les nuances et l’articulation – le pizzicato n’assèche jamais les timbres : il acquiert ainsi, à travers les contrastes et les variations d’intensité, cette dimension fantomatique - schattenhaft, aurait dit Mahler – que voulait le compositeur, rendant d’autant plus abrupte, voire dérisoire, l’opposition avec le caquetage populaire du Trio, où l’on entend un piccolo assez stupéfiant. Dans le finale, Chailly évite tous les pièges : celui de l’emballement inutile, celui du débraillement forain – cette Quatrième n’est pas Petrouchka -, celui de la massification par les cuivres. Le théâtre, une fois encore, en toute liberté… surveillée par une baguette contrôlant rigoureusement tous ses élans.


Généreux dans leurs triomphe, chef et orchestre donnent deux bis : le célèbre Intermezzo de Manon Lescaut de Puccini, incandescent, la non moins célèbre « Bataille » de Roméo et Juliette de Prokofiev, éblouissante. Guère éloigné de Dresde, Leipzig n’est pas non plus très loin de Berlin…



Didier van Moere

 

 

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