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Un virage bien négocié

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/21/2008 -  
Ludwig van Beethoven : Quatuor n° 4, opus 18 n° 4
Igor Stravinski : Trois pièces – Concertino
Franz Schubert : Quintette à deux violoncelles, D. 956

Quatuor Artemis: Natalia Prishepenko, Gregor Sigl (violon), Friedemann Weigle (alto), Eckart Runge (violoncelle) – David Geringas (violoncelle)


Certains quatuors jouent par cœur (Zehetmair), d’autres debout (Artis), d’autres encore pratiquent l’alternance entre les pupitres de premier et second violon (Diotima), et plus nombreux sont ceux qui préfèrent placer l’altiste au premier plan côté cour: comme le Quatuor Emerson, le Quatuor Artemis réunit ces trois dernières particularités. Une semaine après que le Quatuor Alban Berg a tiré sa révérence (voir ici), l’ensemble allemand, qui est parfois présenté comme l’un des plus sérieux candidats à la succession de ses prestigieux aînés, se présente à son tour à Paris, également à l’invitation de Jeanine Roze, dans un programme qui aurait pu porter leur signature.


Sa mission est toutefois lourde à assumer, au regard non seulement de l’aura et de l’influence qui furent celles des Berg, bien sûr, mais aussi parce que les temps ont changé: l’époque n’est plus à ces formations de référence sur lesquelles les ans et les vicissitudes de l’existence ne semblaient pas avoir prise. De fait, fondé en 1989, le Quatuor Artemis a été renouvelé de moitié en juillet dernier, avec la violoniste Natalia Prishepenko et le violoncelliste Eckart Runge pour seuls rescapés de la formation antérieure. Un virage difficile, après dix-huit années d’existence, mais dont ce concert démontre qu’il a été bien négocié.


Force est d’abord de constater qu’il demeure l’un des rares à pouvoir remplir sur son nom le Théâtre des Champs-Elysées et, à la fin de la soirée, recueillir une ovation aussi chaleureuse et prolongée. Mais l’essentiel tenait aux interrogations que suscitait la relève de Heime Müller et Volker Jacobsen: l’altiste Friedemann Weigle paraît certes un peu en retrait, mais Gregor Sigl, dont la stature imposante donne l’impression de broyer son violon qui a l’air si minuscule entre ses mains, a quant à lui déjà pris toute sa place. Et, surtout, le niveau de cohésion qu’ont atteint les quatre musiciens en moins d’un an laisse admiratif, ce qu’illustre d’emblée un Quatrième quatuor (1800) de Beethoven impeccablement conduit, équilibré mais sans fadeur. Les contrastes de climats sont clairement soulignés, mais ne font jamais perdre le souci d’élégance et de finition instrumentale, même dans le Prestissimo final: un contrôle absolu, jusque dans quelques fugaces ralentis expressifs, et des effets toujours très calculés, tel, après le Trio, ce retour plus rapide du Scherzo (d’ailleurs à nouveau nanti de ses deux reprises).


Les Artemis introduisent une violente rupture en passant ensuite à Stravinski, dont la contribution au genre du quatuor reste aussi négligée que quantitativement mineure dans son œuvre. S’ils ont voulu ainsi prouver qu’ils savaient faire tout autre chose, le défi est relevé avec brio, tant leur jeu et leur sonorité sont métamorphosés: une laideur délibérée et d’une diabolique précision dans les Trois pièces (1914), avec cependant un «Cantique» final plus lugubre que pieux, et un Concertino (1920) tour à tour rugueux et lancinant.


C’est avec Truls Mork que les Artemis ont enregistré le Quintette (1828) de Schubert, qui vient de paraître chez Virgin. Mais le violoncelliste norvégien, «souffrant d’une blessure à la main», a dû être remplacé par David Geringas pour cette brève tournée européenne entamée dans la salle de musique de chambre de la Philharmonie de Berlin à la veille d’un incendie qui n’a heureusement endommagé que le toit du bâtiment. Davantage dans l’esprit de l’Octuor que d’un caractère crépusculaire ou testamentaire, leur interprétation chante la vie, de façon volontiers théâtrale, adoptant des tempi allants, même dans l’Adagio, plus lyrique que méditatif ou contemplatif, ou dans l’Andante sostenuto qui interrompt un Scherzo presque virtuose, pleinement fidèle à l’indication Presto. Marqué Allegretto et abordé comme tel, le finale prend congé à la manière d’un divertissement léger, s’autorisant ici ou là quelques clins d’œil un peu appuyés.


Le site du Quatuor Artemis
Le site de David Geringas



Simon Corley

 

 

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