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Mot(et)s cachés

Paris
Centre Pompidou (Grande salle)
05/05/2008 -  
Thomas Tallis : Gaude gloriosa Dei Mater – In manus tuas – Salvator mundi – Loquebantur variis linguis
Brian Ferneyhough : Stelæ for failed time – Missa brevis

Ensemble vocal Exaudi, James Weeks (direction), Gilbert Nouno (réalisation informatique musicale Ircam)


Du 4 au 20 juin prochain, l’Ircam présentera la onzième édition de son Festival Agora, intitulée cette année «l’icône, la voix», mais ce concert qu’elle proposait au Centre Pompidou s’inscrivait d’ores et déjà dans cette thématique. Il permettait en même temps de faire connaissance avec l’ensemble vocal britannique Exaudi: fondée en 2002, cette formation à «géométrie variable» (de trois à seize voix) s’est spécialisée dans la musique de notre temps, qu’elle se plaît à faire dialoguer, dans une démarche qui s’est trop banalisée pour pouvoir désormais apparaître comme iconoclaste, avec des univers en apparence très éloignés, pour ne pas dire opposés.


Ainsi de cette confrontation, à plus de quatre siècle de distance, entre Tallis et Ferneyhough, sous le titre «Mot(et)s cachés», une description certes plaisante mais surtout porteuse de sens. Car Ferneyhough a été influencé par la Renaissance anglaise, quoique peut-être à un moindre degré que les deux générations précédentes dans son pays, et, au sein d’un catalogue qui privilégie l’instrumental sur le vocal, il manifeste son peu de goût pour le texte, qu’il s’ingénie à déconstruire et à enfouir sous les sons. On pourra toutefois trouver, chez l’un comme chez l’autre, une prédilection pour les constructions complexes, à l’image du fameux Spem in alium à quarante voix réelles.


Court en même temps que véritablement paritaire, le programme, faisant alterner les œuvres des deux compositeurs, offrait au total vingt-six minutes à chacun d’eux. Dans la vaste antienne votive Gaude gloriosa Dei mater de Tallis, l’acoustique sèche de la grande salle met en valeur la clarté de la polyphonie mais aussi le moindre défaut d’intonation des chanteurs britanniques, menés de façon résolument expressive par leur directeur musical, James Weeks, soucieux d’arrondir les courbes jusqu’à une jubilatoire péroraison.


Dans Stelæ for failed time (2001), section finale d’une pièce de théâtre musical de l’écrivain américain Charles Bernstein inspirée par les écrits ainsi que par les circonstances de la mort du philosophe Walter Benjamin, Ferneyhough adjoint l’électronique aux douze voix solistes: un «échec du temps» qui se conjugue avec la volonté, comme dans les «stèles» antiques, de «représenter ceux qu’elles commémorent comme des vivants pleinement engagés dans des activités emblématiques». Alternant très rapidement des atmosphères contrastées, la musique rend bien compte de cette dualité, une électroacoustique tour à tour fracassante et planante, réalisée à l’Ircam par Gilbert Nouno, entourant des voix dont chacune semble suivre son cours indépendamment des autres.


Retour à Tallis pour trois brèves pages à cinq (In manus tuas, Salvator mundi) puis à sept voix (Loquebantur variis linguis): progressant vers de retentissants alléluias, la dernière, destinée à la Pentecôte, fait ainsi référence au don des langues que le Saint-Esprit confère aux disciples de Jésus. En revanche, les douze voix (en trois groupes distincts) de la Missa brevis (1969), bien qu’en même nombre que les apôtres, s’attachent à rendre quasiment inintelligible le texte de l’ordinaire de la messe (sans le Credo). Mais on n’en comprend pas moins en quoi il s’agit ici de l’une des partitions qui révéla Ferneyhough lors du Festival de Royan en 1974: le florilège de techniques vocales évoque certes les conquêtes de Penderecki ou Ligeti, mêlant le chanté et le parlé, les cris et les glissandi, mais le propos n’en demeure pas moins d’une grande originalité et d’une étonnante véhémence, comme un témoin de ces temps contestataires. Après la virulence du Kyrie et du Gloria, le Benedictus en paraîtrait presque sensuel, de même que l’Agnus Dei dans lequel le «Dona nobis pacem» adopte cependant le ton d’une injonction.


Le site de l’ensemble vocal Exaudi



Simon Corley

 

 

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