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Un Rossini seria peu connu

Paris
Salle Pleyel
04/13/2008 -  
Gioacchino Rosssini : Elisabetta, regina d'Inghilterra
Marguerite Krull (Elisabetta), Gregory Kunde (Norfolk), Annamaria Dell’Oste (Matilde), Blandine Staskiewicz (Enrico), Antonino Siragusa (Norfolk), Yves Saelens (Guglielmo)
Chœurs de la Monnaie (Piers Maxim (direction), Orchestre symphonique de la Monnaie, Julian Reynolds (direction)


Il est toujours surprenant, voire gênant, d’entendre, dans Elisabetta, regina d’Inghilterra, des passages qui passeront ensuite dans Le Barbier de Séville, à commencer par l’Ouverture et la première cabalette de l’héroïne : empruntée à Aureliano in Palmira, celle-ci deviendra le pétulant « Ma se mi toccano » de Rosine. La relation tumultueuse entre la souveraine anglaise et son favori, que Donizetti reprendra dans Elisabetta al castello di Kenilworth, avant de s’intéresser de nouveau à elle dans Maria Stuarda et Roberto Devereux, n’a pourtant guère à voir avec les amours du jeune comte Almaviva. Mais tel était l’usage, avant que Wagner sacralise l’opéra. Dans ce dramma per musica de 1815, Rossini, qui abandonne définitivement le recitativo secco, montre que la permanence du bel canto peut aller de pair avec une grande puissance dramatique, en particulier dans les finales. Il est vrai qu’il disposait, à Naples, d’une troupe exceptionnelle dont il pouvait tout exiger : Elisabetta, Leicester et Norfolk furent créés par Isabel Colbran, qu’il allait épouser, Andrea Nozzari et Manuel Garcia. Aujourd’hui, l’œuvre reste peu donnée, malgré sa résurrection au festival d’Aix-en-Provence de 1971, avec Montserrat Caballé – qui l’a enregistrée pour Philips.


La Salle Pleyel porterait-elle malheur aux chanteurs ? Défections dans le Requiem de Verdi, dans le Stabat Mater de Dvořák. Défection, ici, d’Anna Caterina Antonacci – elle a d’ailleurs reporté puis annulé son récital prévu le 23 février aux Champs-Elysées -, remplacée par Marguerite Krull, dont le répertoire est aussi étonnant qu’hétéroclite. Le rôle d’Elisabetta rossinienne, en tout cas, ne lui convient pas. Destinée à la voix assez centrale de la Colbran, il n’appelle aucunement ce soprano pointu que l’on verrait plutôt dans des rôles de soubrette. La chanteuse n’incarne nullement une reine, malgré la sincérité de certains accents et un réel investissement dans le personnage. Les couleurs sont rares et certains types de vocalises trahissent un manque total de technique. La scène finale met à nu ces qualités et ces défauts : la cavatine s’avère assez jolie, la cabalette la dépasse totalement. Cela dit, elle a sauvé le concert. Annamaria Dell’Oste, dans le rôle de Mathilde, chante tout à fait honnêtement, plus orthodoxe vocalement que sa consœur, plus respectueuse aussi du style de l’œuvre, sans toutefois marquer les esprits. Joliment ciselé, le duo qui inaugure le second acte, où l’on croit déjà entendre Norma et Adalgise, ne constitue pas pour autant un instant belcantiste privilégié.


Les ténors retiennent davantage l’attention. Gregory Kunde n’a plus la voix pour aborder des rôles très aigus comme l’Idreno de Sémiramis, où il brilla naguère : le timbre s’est assombri, la tessiture s’est centralisée, l’aigu s’est un peu induré. Leicester, qui demande un baryténor comme Nozzari, le créateur du rôle, lui sied donc parfaitement. Il y déploie une science exemplaire du chant rossinien, qu’il s’agisse des couleurs, de la vocalisation ou du legato, sans jamais sacrifier l’interprétation à un pur hédonisme vocal : la scène où Leicester rêve dans sa prison, au second acte, est remarquable, par l’élégance raffinée de la ligne et la force de l’interprétation. Dans le rôle plus aigu de Norfolk, Antonino Siragusa laisse, lui, une impression mitigée : la voix claironne dans le nez et le phrasé s’avère peu soigné, mais la technique impressionne, tant par la gestion des registres que parla vocalisation, littéralement stupéfiante, valant au ténor un triomphe après la cabalette périlleusement ornée de l’air du second acte. Un peu plus tard, les deux ténors doivent bisser celle de leur duetto, où ils rivalisent de vaillance et de virtuosité, avec un contre-ut lancé à l’unisson. Si Blandine Staskiewicz fait honneur au travesti Enrico, Yves Saelens, le troisième ténor, mérite une mention toute particulière : les récitatifs auxquels se trouve cantonné Guglielmo sont chantés avec un style et une imagination remarquables, faisant chaque fois regretter que le rôle ne comporte pas d’air.


Julian Reynolds ne constitue certes pas une référence en matière d’authenticité rossinienne. Sa direction, aussi peu philologique que possible, confond souvent Elisabetta de Rossini et Otello de Verdi, déchaînant des tempêtes de passion fiévreuse. Mais elle galvanise l’Orchestre de la Monnaie et transforme cette version de concert en vrai moment de théâtre : cela compense finalement l’absence de mise en scène.



Didier van Moere

 

 

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