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Titan au sommet

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
03/09/2008 -  
Richard Wagner : Prélude de Lohengrin – Wesendonck-Lieder ; Gustav Mahler : Symphonie n°1 "Titan".
Mihoko Fujimura (mezzo-soprano)
Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise, Mariss Jansons (direction)


Il est dur de commencer un concert par le Prélude de Lohengrin, surtout quand les instruments, à cause d’une grève des ferries, arrivent in extremis. L’Orchestre de la Radio bavaroise atteint un tel niveau d’excellence qu’il lui en faudrait plus pour rater son entrée, surtout dirigé par un Mariss Jansons souverain : les pianissimi diaphanes sont bien là, notamment du côté des cordes au début, pour suggérer un Graal inaccessible, sans que jamais les couleurs ne s’affadissent dans une évanescence sulpicienne. Les Wesendonck Lieder, en revanche, surprennent et déçoivent. Non que l’orchestre s’y montre moins bon : c’est lui qu’on écoute d’abord. Mais Mihoko Fujimura chante le cycle comme elle chanterait – et Dieu sait si elle y excelle – Brangäne, Waltraute ou Fricka, déclamant trop son texte, hachant ses phrases, négligeant le legato, rien moins que la Liedersängerin au timbre chaud et sensuel qu’on attend ici, sans parler d’une justesse parfois approximative dans les aigus. Oui, ces Wesendonck Lieder, c’est l’orchestre qui les chante, avec des cordes superbes dans « Im Treibhaus », un grand raffinement du son et des nuances dans « Traüme ».


Livré à lui-même et à son chef dans la Titan de Mahler, l’orchestre atteint des sommets. De quoi relativiser l’interprétation, entendue quelques heures auparavant salle Pleyel, de la Septième par Valery Gergiev. Si ce dernier reste un chef instinctif, qui sent la musique et s’abandonne à l’inspiration du moment, Jansons est un chef qui pense la musique, fouillant la partition dans ses moindres détails, la mettant à nu, dirigeant ses musiciens d’une baguette très précise. Exempt de charme viennois, son Mahler sonne volontiers âpre, vert, très proche finalement de ce Chostakovitch qu’il connaît si bien – on pense à Kondrachine hier - : rarement la filiation aura paru si évidente. Cela n’exclut pas le mystère, comme le montre le Naturlaut des premières mesures, inaugurant un premier mouvement dont le chef préserve la franchise de ton, pour mieux progresser jusqu’à l’explosion dionysiaque de la fin. La maîtrise de la forme ne va jamais sans celle des timbres : le chef letton décompose les plans, prouvant que la modernité prophétique de Mahler se manifeste dès cette Première Symphonie. Le Ländler du « Kräftig, bewegt » a des accents terriens d’une rudesse assumée, tandis que les aspérités et les vulgarités de la valse du Trio ne s’édulcorent jamais dans une Gemütlichkeit de façade. Et toujours cette clarté, cette attention aux timbres qui, dans le mouvement lent, donne parfois l’impression d’entendre un orchestre de – remarquables - solistes, auxquels le chef ne lâche jamais la bride : les passages parodiques ne tombent pas dans l’outrance, la Volksweise ne se départit pas de sa simplicité. Tenu de bout en bout, jamais décousu, le problématique finale, retrouve une cohérence dont on le prive parfois, avec des progressions savamment dosées, des lignes parfaitement dégagées : dans les dernières mesures, les cuivres ne couvrent jamais les cordes graves et les bassons, tant le chef donne de l’air à son orchestre, ce qui n’est pas toujours le cas, justifiant le bien-fondé de la lecture polyphonique qu’il a proposée pour l’ensemble de la Symphonie.


C’est le second concert des Bavarois aux Champs-Elysées : il est au moins aussi beau que le premier.



Didier van Moere

 

 

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