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Librettoc

Paris
Opéra Comique
12/07/1998 -  et 10, 13, 15, 17 décembre 1998
Hans Gefors : Clara
Avec Marie-Ange Todorovitch, Raphaëlle Farman, Ghyslaine Raphanel, Alexandra Papadjiakou, Nicolai Andrej Schukoff, Stefen Gadd, François Harismendy, Christophe Fel, Scott Emerson
Choeurs de l'Opéra Comique, Ensemble orchestral de Paris, Sian Edwards (direction)
Günter Krämer (mise en scène)

Une institution lyrique qui fête un anniversaire important, en l'occurrence son centenaire, avec une création mondiale n'est pas si courant et traduit une réjouissante foi en ses moyens et en son avenir. Mais la réussite d'une création réclame plus que des moyens et de l'enthousiasme, il faut également une lucidité et une pertinence dans le choix des différents éléments de cet alliage subtil. Malheureusement, le choix du librettiste, déjà contesté lors de sa précédente expérience (Le Dernier jour de Socrate de Graciane Finzi) s'est révélé peu adéquat et le compositeur n'a pas su dépasser un texte faible.

Jean-Claude Carrière a une vision extrêmement réductrice du livret d'opéra ("Il y a forcément dans tout livret d'opéra une simplification des situations imposée par le fait qu'on n'a pas le temps de développer un personnage, que ce soit par ses actions ou par ses paroles"), mais ce point de vue singulier néglige les spécificités du genre comme l'importance de la symbolique, absente ici, la dimension littéraire, nulle également, ou l'inclusion de monologues hors action pour caractériser les personnages principaux, etc. Le résultat est trop prosaïque et trop trivial, trop utilitaire ; n'était l'utilisation de la première personne, on a plus l'impression d'entendre le synopsis d'un livret que le livret lui-même. Sur le fond le malaise domine puisque l'assassinat du père de Clara (un riche bourgeois du sud de la France) par un vulgaire proxénète se révèle être, progressivement, une vengeance du "peuple" contre un homme qui se comportait en criminel (trafic d'armes et de drogues). Au-delà du côté très usé de la-famille-bourgeoise-qui-est-une-prison-dorée-et-qui-prospère-sur-la-misère-des-autres, cet hommage au milieu mafieu de la Côte d'Azur (la main salvatrice du proxénète !) se révèle plus que troublant pour une histoire qui se proclame ancrée dans la réalité d'aujourd'hui.

Face à un livret dépourvu de subtilité, de finesse, de second degré ou de dimension symbolique, la musique peut difficilement faire autre chose que le prendre au mot et se mettre à proférer, c'est à dire énoncer le texte (exemple :"Nous voici maintenant mon frère et moi brisés. Seuls tout à coup dans un monde assombri.") et l'accompagner d'accords sombres et graves, style Salammbô de Fénelon, en moins pire quand même. Malgré un métier certain et plusieurs opéras à son actif (citons Christina ou Der Park d'après Botho Strauss), Hans Gefors ne parvient pas à se libérer du poids du texte et sa musique ne "décolle" jamais, n'emporte pas l'auditeur et sombre même, dans le premier des deux actes, dans une lancinante monotonie de tempo. Le deuxième acte réveille un peu l'oreille sans toutefois que l'on sorte convaincu du spectacle.

Ce manque de réussite au niveau dramaturgique et musical déçoit d'autant plus que la production de cet opéra appelle tous les éloges. Un plateau parfaitement distribué révèle les qualités vocales et l'investissement dramatique de chanteurs de grande qualité : citons une irréprochable Marie-Ange Todorovitch dans le rôle titre (mezzo-soprano), son père, Christophe Fel, très convaincant, le proxénète très crédible de Stephen Gadd et sa compagne Raphaëlle Farman, sublime soprano. Le travail de Günter Kramer convainc également par le sérieux et l'intelligence de son travail, sa capacité à décrire cet univers glacé et trouble à la fois. Sian Edwards et l'Ensemble orchestral de Paris investissent également toutes leurs forces dans ce projet qui n'en méritait pas tant.



Philippe Herlin

 

 

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