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Opéra parlé

Strasbourg
Opéra National du Rhin
10/05/2007 -  et 6 (Strasbourg), 14 (Mulhouse) octobre
Michael Jarrell : Cassandre
Astrid Bas (récitante)
Ensemble Intercontemporain, Jean Deroyer (direction)
Georges Lavaudant (mise en scène et lumières), Jean-Pierre Vergier (décor et costumes)

En matière de création lyrique contemporaine, que l’on trouve intérêt à reprendre sur scène un ouvrage qui date de plus de dix ans est déjà a priori un vrai signe. Créer un opéra est une activité à laquelle tout théâtre doté d’un budget raisonnable finit par s’atteler, ne serait-ce que pour les retours médiatiques intéressants que cela peut lui valoir. Reprendre, en revanche, relève beaucoup plus de l’affirmation volontariste d’une possible lucidité : la conscience diffuse de la valeur d’une œuvre déjà oubliée, que l’on a envie de faire revivre. A ce titre, autant on se méfie personnellement des créations sans lendemain, dont la fonction alimentaire, autant pour le compositeur lui-même que pour le théâtre, voire pour le public mondain qui juge gratifiant de s’y montrer, est malheureusement patente, autant la perspective d’une reprise stimule immédiatement la curiosité.


Cassandre, monodrame créé par Marthe Keller au Théâtre du Châtelet en 1994, valait-il tant d’égards ? Dans une certaine mesure oui. Michael Jarrell, compositeur intéressant et économe de ses moyens, qui excelle dans les petits effectifs et les ambiances relativement confidentielles, a su tisser pendant cette heure de musique les éléments d’une ambiance prenante, avec ses longs moments étales qui mettent d’autant mieux en valeur quelques instants d’ébullition forts, encore qu’à petit bruit. C’est incontestablement de la belle ouvrage, dont quelques années de recul soulignent encore la prudente neutralité esthétique : rien de tranché, rien de vraiment dérangeant, mais rien qui mette complètement à l’aise non plus. C’est là sans doute la vraie qualité d’une pièce qui paraît échapper aux catégorisations, imposant, et même si le mot paraît presque incongru dans un contexte aussi diaphane, sa petite forme d’originalité.


Que se passe-t-il ici pendant une heure (et heureusement pas davantage) : une comédienne dit un beau texte de Christa Wolf en respectant la sobriété d’une écriture pas vraiment simple d’accès (une narration linéaire, de belles images, mais aussi de curieux télescopages déstabilisants, qui rendent parfois certains paragraphes hermétiques lors d’une première perception). Derrière elle un petit orchestre discrètement retraité par l’électronique de rigueur sert de décor, toute l’ambition de la pièce paraissant finalement se résumer à l’intrication de la voix parlée et de cette ambiance sonore, tantôt indépendants, tantôt en symbiose, tantôt antagonistes. Astrid Bas est une comédienne prodigieuse d’engagement et d’apparente neutralité. Autour d’elle Georges Lavaudant met en place quelques images et creuse une myriade de petits riens dont la minutie stimule indéniablement l’intellect, voire la sensibilité. Cela dit, il faut vraiment que l’on soit en septembre/octobre, mois traditionnellement dévolus à la musique contemporaine à Strasbourg, pour que l’Opéra National du Rhin se sente autorisé à proposer une telle miniature comme production d’opéra à part entière. Dans l’absolu c’est beaucoup trop léger : au mieux un lever de rideau pour une pièce lyrique de résistance à trouver, au pire une petite soirée dramatique pour théâtre subventionné décentralisé, en tout cas un objet impossible à caser. Quant à la terminologie...


Fallait-il privilégier le terme de Monodrame (la référence à Erwartung paraît impossible à faire fonctionner), ou recourir à celui plus évocateur et classifiant de Mélodrame? On aurait pu en revanche éviter celui d’Opéra parlé, concept absurde. En d’autres temps on aurait simplement appelé cela du Théâtre musical, mais là le genre est, pour le coup, complètement oublié. Il y en aurait pourtant, de ce côté-là, des œuvres autrement plus fortes à exhumer…



Laurent Barthel

 

 

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