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De l’autre côté du tunnel

Paris
Salle Pleyel
09/19/2007 -  et 20* septembre 2007
Benjamin Britten : Suite on English folk tunes, opus 90
Lord Berners : The Triumph of Neptune (Suite)
Edward Elgar : Enigma Variations, opus 36

Orchestre de Paris, Jeffrey Tate (direction)


Durant son séjour à Mogador consécutif aux travaux de rénovation de la Salle Pleyel, l’Orchestre de Paris quittait cet enfer pour le temps des fêtes de fin d’année et se repliait au purgatoire de la Salle Gaveau: c’est dans ce cadre trop discret que Jeffrey Tate avait donné en décembre 2005 l’un des concerts les plus attachants de la saison (voir ici) et l’on se réjouissait donc de le retrouver cette fois-ci pour une soirée 100% british. Une véritable aubaine, car non seulement la musique anglaise demeure trop rare de ce côté-ci du tunnel, mais le choix des œuvres promettait en outre par son originalité. Même si le public a boudé ce programme proposé à deux reprises, les auditeurs de France Musique auront pu en bénéficier en direct et, surtout, il n’en faut pas moins saluer, une fois n’est pas coutume, un courage et un effort de renouvellement qui viennent égayer des saisons où la paresse et le souci de l’équilibre financier tiennent trop souvent lieu de lignes conductrices.


Dernier ouvrage pour orchestre de Britten, la Suite sur des airs populaires anglais (1966/1974) pour orchestre de chambre, sous-titrée A time there was… (mots empruntés à l’écrivain Thomas Hardy), mérite la découverte: les airs extraits de l’English dancing master (XVIIe) ou recueillis par un autre arrangeur de génie, Percy Grainger, à la mémoire duquel la partition est destinée, ne font pas l’objet d’une simple instrumentation folklorisante, mais trahissent nettement le style du compositeur. Les mélodies passent ainsi au filtre sans concession d’une ironie grinçante (Cakes and ale, Hankin booby) ou d’une mélancolie poignante (Lord Melbourne, pièce finale, la plus développée, lamento marquant le point culminant de cette Suite): rien de melliflu, même lorsque la harpe vient au premier plan (Bitter withy) ou lorsque l’écriture de Britten déploie ses tours de force coutumiers (Hunt the squirrel, pour les seuls premiers et seconds violons).


Gerald Hugh Tyrwhitt-Wilson (1883-1950) est plus connu – tout est relatif – comme quatorzième baron de Berners et comme l’un des deux Britanniques, avec Constant Lambert, auquel les Ballets russes ont demandé une partition. Le Triomphe de Neptune (1926), pantomime en dix scènes, est le produit de cette commande de Diaghilev: le livret de Sacheverell Sitwell, le frère d’Edith Sitwell, narre les aventures du marin Tom Tug, qui, pour se consoler de l’infidélité de sa femme, finit par épouser la fille de Neptune. Né la même année que Bax, Varèse et Webern, Berners, par ailleurs diplomate, écrivain et peintre, était un «amateur» comme Ives, et il fut sans doute aidé dans son orchestration par Lambert mais aussi par Walton (qui lui dédia ensuite son Festin de Balthazar).


Concentrant en neuf numéros et en vingt-cinq minutes les trois quarts d’heure du ballet intégral, la Suite qu’il en a tirée l’année suivant sa création dans une chorégraphie de Balanchine regarde vers cette light music si délicieusement british notamment illustrée par Eric Coates (Dance of the fairy princess), ou vers les séductions sonores d’un Korngold, jouant d’un effectif riche et coloré (bois par trois, piano, célesta, deux harpes, abondante percussion). Mais cette tendresse un peu suave se frotte parfois à des harmonies plus corsées, un peu à la manière du Groupe des Six ou du Stravinski «satiste» des Suites pour petit orchestre (Polka), l’ensemble étant finalement bien représentatif de l’insouciance et de l’insolence des années 1920, tout en ne dissimulant pas ses origines, tant par ses danses (Schottische, Hornpipe) que par son Apotheosis elgarienne.


C’est à Elgar, précisément, qu’était consacrée la seconde partie, avec une page autrement plus célèbre, fondatrice de l’ère moderne de la musique britannique. De même qu’il avait, en décembre 2005, suspendu le temps dans les Métamorphoses de Strauss, Tate, à la tête d’un Orchestre de Paris des grands soirs, exalte à nouveau des longueurs aussi divines que crépusculaires dans les Variations «Enigma» (1899), dont il porte la durée d’exécution à près de quarante minutes. Diffusant une bienfaisante chaleur brahmsienne, l’interprétation met tout particulièrement en valeur les grandes variations de caractère lyrique, dont, bien entendu, le fameux Nimrod mais aussi la Romanza. Compensant le petit nombre par un bel enthousiasme, les spectateurs font fête au chef britannique et aux musiciens, visiblement ravis de travailler avec lui.



Simon Corley

 

 

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