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Vous mourûtes au bord où vous fûtes laissée…

Paris
Opéra Bastille
09/13/2007 -  et les 13, 17, 21, 24 & 28 septembre, les 2 & 6 octobre
Paul Dukas : Ariane et Barbe-Bleue
Willard White (Barbe-Bleue), Deborah Polaski (Ariane), Juan Juon (la Nourrice), Diana Axentii (Sélysette), Iwona Sobotka (Ygraine), Hélène Guilmette (Mélisande), Jaël Azzaretti (Bellangère), Geneviève Motard (Alladine), Christian Tréguier (Un vieux paysan), Grzegorz Staskiewicz (Deuxième paysan), Yuri Kissin (Troisième paysan)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, Sylvain Cambreling (direction)
Anna Viebrock (mise en scène, décors et costumes)

Avant même d’avoir vu et entendu, on félicitait Gérard Mortier d’avoir ressuscité l’opéra de Dukas, un des joyaux de la musique française, qu’on n’avait pas vu à Paris depuis la production de Jacques Dupont avec Grace Bumbry, à l’Opéra en 1975, puis celle de Ruth Berghaus avec Françoise Pollet, au Châtelet en 1991. Une fois dans la salle, on a vite déchanté.


Rarement production aura d’ailleurs été aussi unanimement huée le jour d’une première. Ce n’est que justice. On se demande, en effet, ce qu’il y a à sauver dans le travail d’Anna Viebrock, à la fois metteur en scène, décoratrice et costumière. Que le château de Barbe-Bleue, dont les chambres sont séparées par des cloisons de verre en annulant l’intimité, rappelle un bureau, un atelier ? Que Barbe-Bleue ait l’air d’un vilain patron… ou d’un tenancier ? Qu’Ariane ressemble à un reporter enquêtant sur la maison du crime, ou plutôt à « une aventurière » ou « une Américaine d’après-guerre apportant la liberté et la bonne parole de par le monde », et que le « conte lyrique » frise le film policier ? Qu’on ait, à droite, un écran montrant en gros plan ce que nous voyons de trop loin sur la scène, tout se passant systématiquement au fond ? Les metteurs en scène d’opéra vont-ils un jour renoncer à l’expédient de la vidéo ? Tout cela sent aujourd’hui tellement le poncif… Anna Viebrock ne se remet visiblement pas d’être l’assistante de l’iconoclaste Christof Marthaler. Mais lui, au moins, quand il massacre une œuvre, le fait avec des idées menées impitoyablement jusqu’à leur terme, une exploitation minutieuse de l’espace et une direction d’acteurs fouillée. Rien, ici, n’est abouti, c’est du Marthaler de sous-préfecture. Anna Viebrock a tué le mystère par un naturalisme mal digéré – on n’échappe pas non plus à l’image de dessous sales traînant au fond d’un lavabo. C’est comme si Hitchcock et Agatha Christie avaient étouffé Maeterlinck. Symbolisme, avez-vous dit ?
Sylvain Cambreling, cette fois, ne languit pas. Sombre, tendue, la direction n’oublie pas qu’un drame se déroule, même si c’est à l’intérieur des âmes. Le chef refuse d’ailleurs de s’abandonner aux chatoiements impressionnistes de l’écriture, dont il préfère exalter la modernité, quitte à se montrer parfois un peu sec. Il reste qu’il peine, dans le premier acte, à trouver l’équilibre entre les pupitres : les vents écrasent les cordes et on cherche en vain les nuances. Les choses, heureusement, s’améliorent ensuite, avec un troisième acte très réussi. Mais c’est du côté des voix que le bât blesse cruellement, à commencer par le texte, qu’on ne comprend que grâce au surtitrage. Deborah Polaski n’est plus que l’ombre d’elle-même et a du mal à dissimuler sa ruine vocale. Si elle peut tuber le médium, elle ne peut contrôler une quinte aiguë de plus en plus instable et de plus en plus fausse, ce qu’on avait déjà observé dans Elektra et Les Troyens (voir ici). Le rôle d’Ariane, il est vrai est écrasant, qui exige un authentique falcon, caractéristique de la tradition française, notamment en matière de déclamation. Le monde est vaste et l’on ne nous fera pas croire qu’elle soit la seule à pouvoir chanter le rôle aujourd’hui. Tout occupée à tenir, la chanteuse ne semble guère se soucier de donner un sens au texte – on ne peut s’empêcher de sourire en lisant dans Ligne 8 qu’elle en « épouse la langue » - et de composer un personnage. Bref, Ariane n’est pas là. On est plus convaincu par la Nourrice intense, vibrante, de Julia Juon, bien que le premier acte, où elle est si exposée, la montre parfois stridente, avec des aigus arrachés. Willard White, lui, réussit à rater les quelques mesures auxquelles son rôle se limite : charbonneux, pâteux, fatigué. Rien à redire, en revanche, sur les cinq premières femmes de Barbe-Bleue, toutes parfaites – mais pas plus intelligibles que les autres.


N’était la reprise de Capriccio, la saison commence mal sur la première scène lyrique française.



Didier van Moere

 

 

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