About us / Contact

The Classical Music Network

Montpellier

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Aldo Ciccolini au cœur du mystère schumannien

Montpellier
Opéra Berlioz-Le Corum
07/19/2007 -  
Robert Schumann : Scènes d’enfants, opus 15 – Fantasiestücke, opus 111 – Carnaval de Vienne, opus 26 – Sonate n° 3 en fa mineur, opus 14
Aldo Ciccolini (piano)

Fabuleux, Aldo Ciccolini. A 82 ans, le pianiste garde une santé digitale confondante, comme en témoignent les finales du Carnaval de Vienne ou - Prestissimo possibile, rappelons-le - de la Troisième Sonate de Schumann. C’est à Schumann qu’il a en effet exclusivement consacré son récital montpelliérain, lui qui, depuis quelques années, est l’hôte régulier du festival de Radio France. Le compositeur allemand ne figurait pas jadis, à l’inverse de Schubert par exemple, parmi ceux qu’il fréquentait le plus : sans doute craignait-il de ne pas en percer encore tous les secrets. Aujourd’hui, c’est chose faite, Aldo Ciccolini pénètre au plus profond du mystère schumannien. Cela passe d’abord par une maîtrise parfaite des partitions, en particulier de la polyphonie, Schumann étant aussi, au-delà des élans passionnés caractéristiques de son romantisme, l’héritier de la grande tradition allemande. Avec le pianiste italien, tout reste lisible, jusqu’aux pages les plus touffues et les plus emportées. On découvre aussi, grâce à lui, un Schumann musicien de la couleur, magicien des timbres, créateur de mondes sonores, ce que peu de pianistes font valoir. On peut donc le jouer en belcantiste, galber ses mélodies d’un rubato subtil, garder dans la puissance une rondeur charnue.


Les Scènes d’enfants sont très personnelles. Ni fausse naïveté ni fausse fraîcheur : Ciccolini n’associe jamais l’enfance et l’enfantillage. Il y a dans son interprétation quelque chose de presque sombre, voire de tragique, comme s’il s’agissait plutôt d’un regard nostalgique, attendri mais pessimiste, sur l’enfance, ici plutôt passé lointain et irréversible. Pris lentement, avec une grande liberté agogique, « Gens et pays étrangers » semble émerger d’un ailleurs immémorial, où nous replonge « L’enfant s’endort », dont les accords ont la majesté de l’orgue. Du coup, l’enchaînement avec les tardifs Fantasiestücke op. 111 se fait naturellement, une partition où le pianiste préserve le caractère crépusculaire des derniers sursauts du romantisme schumannien. Dans le Carnaval de Vienne la jubilation est aussi authentique que contrôlée, avec un Allegro initial conçu comme une grande arche alors que beaucoup se contentent d’en enchaîner les sections, avec une Romance se rapprochant de Chopin et de Bellini. La Troisième Sonate enfin, la plus difficile - et la plus problématique - des trois de Schumann, ne tourne jamais à la démonstration et acquiert sous de tels doigts une cohérence que la virtuosité de ce « Concert sans orchestre » a parfois tendance à étouffer. Où l’on voit bien qu’il est loin d’être seulement cet esthète hédoniste épris de beau son que certains s’obstinent à nous présenter.


Trois bis, superbes : l’Intermezzo en la majeur de l’opus 118 de Brahms, où se mesure l’étendue de l’abîme séparant un Ciccolini d’un Kissin, qui l’avait donné l’avant-veille, « L’Oiseau prophète » des Scènes de la forêt de Schumann, d’un raffinement sonore anticipant sur Debussy, le quatrième des Impromptus op. 90 de Schubert, d’une beauté plastique, d’une limpidité extraordinaires.



Didier van Moere

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com