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Passerelles

Paris
Palais Garnier
07/01/2007 -  
Joseph Haydn : She never told her love, Hob.XXVIa.34 – Fidelity, Hob.XXVIa.30 – O tuneful voice, Hob.XXVIa.42 – The spirit’s song, Hob.XXVIa.41
Wolfgang Amadeus Mozart : Adagio et Rondo, K. 617
George Crumb : Apparition
Anton Webern : Cinq lieder, opus 3 – Trois lieder, opus 25
Karlheinz Stockhausen : Lion, Bélier, Capricorne, Verseau, Gémeaux et Vierge extraits de «Tierkreis»
Hugo Wolf : Agnes – Zitronenfalter im April – In der Frühe – Auf einer Wanderung – Das verlassene Mägdlein – Im Frühling – Der Feuerreiter (extraits des Mörike-Lieder)

Christine Schäfer (soprano), Frédéric Chatoux (flûte), Jacques Tys (hautbois), Diederik Suys (alto), Martine Bailly (violoncelle), Sascha Reckert, Alexander Marguerre (harmonica de verre), Pierre-Laurent Aimard (piano)


Le cycle «La passion du chant selon Pierre-Laurent Aimard», consistant en cinq concerts au Palais Garnier étalés sur deux saisons, est parvenu à mi-chemin: après Susan Graham (voir ici) et Mireille Delunsch (voir ), c’est autour de Christine Schäfer, entre deux représentations de La Traviata sur cette même scène (voir ici), que le pianiste français a une nouvelle fois offert un programme sortant des sentiers battus mais toujours aussi généreux et soigneusement construit et, ainsi que le souligne le pianiste français dans son introduction, d’un éclectisme à la mesure de la curiosité de sa partenaire.


Toutefois, à la différence des deux premières soirées de cette série, non seulement le livret distribué aux spectateurs reproduit les textes originaux (en anglais et en allemand) des poèmes et pas seulement leur traduction (malgré un fâcheux «s» qui vient compléter le nom de Hildegard Jone), mais la chanteuse invitée n’est pas associée aux musiciens de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris. Conformément à l’objectif que s’est fixé Pierre-Laurent Aimard pour les différentes étapes de cette «carte blanche», le traditionnel récital voix et piano s’articule cependant de manière très travaillée avec des pièces instrumentales qui, en l’espèce, font office de «passerelles» entre les différentes pages vocales.


Pourquoi les quatorze mélodies écrites par Haydn lors de son séjour à Londres (1794-1795) ne bénéficient-elles pas d’une plus large diffusion? A l’audition de quatre d’entre elles, la question se pose d’autant plus qu’Aimard met en valeur une riche partie de piano, avec ses exordes et péroraisons très développés, qui atteignent le niveau d’inspiration des ultimes Sonates contemporaines (She never told her love, O tuneful voice), tandis que Schäfer, qui peine parfois à trouver ses marques, n’en rend pas moins justice au caractère dramatique de ces scènes (Fidelity, The spirit’s song).


Crumb a dédié Apparition (1979) à Jan de Gaetani, sur des vers de Walt Whitman: une alternance de mélodies et de vocalises, enveloppées par le halo du piano amplifié, dont il tire un maximum de possibilités en recourant fréquemment à des interventions directes sur les cordes. Vingt-deux minutes où, comme à son habitude, le compositeur américain parvient à suspendre le temps – une impression tenant également à ce que l’œuvre se referme sur les mêmes mots et dans le même climat qu’à son début – et, comme dans ses Ancient voices of children, à mêler de façon aussi poignante qu’allusive élégie et mysticisme. Faisant fi des tousseurs et autres impatients, Schäfer et Aimard livrent ici un moment d’exception.


De Haydn à Crumb, la «passerelle» avait été assurée par l’Adagio et Rondo pour harmonica de verre (1791) de Mozart: parenté stylistique d’un côté, sonorités rares de l’autre. Avec les solistes de l’Opéra, c’est un duo allemand qui tient la partie de glassharmonica: Sascha Reckert, facteur de cet instrument qui se présente sous la forme deux «claviers» autonomes, et Alexander Marguerre. Gruppetti et gammes n’effrayent nullement les deux artistes, qui fascinent le public par leurs sons immatériels et flûtés.


Univers anglophone pour la première partie, germanophone pour la seconde. Dans deux cycles de lieder de Webern datant de périodes fort différentes – l’opus 3 (1909) et l’opus 25 (1934) – on retrouve avec bonheur la grande spécialiste de la musique du XXe siècle, en outre visiblement plus à l’aise dans cet environnement linguistique. Concluant par sept des cinquante-trois Mörike-Lieder (1888) de Wolf, elle semble se libérer complètement, sans partition, et s’impose par un souci de la nuance davantage que de la couleur, en harmonie avec une sélection privilégiant il est vrai les teintes sombres et les atmosphères méditatives. Même le fameux Feuerreiter conclusif, que l’on a sans doute connu plus exubérant, ne s’en révèle que plus saisissant.


De Webern à Wolf, ce sont six extraits du Tierkreis (1975) de Stockhausen qui font cette fois-ci office de «passerelle»: fermeté de la construction du premier, sens mélodique du second. C’est l’occasion de réentendre, l’un après l’autre, les protagonistes du diptyque mozartien de la première partie – y compris à nouveau l’insolite harmonica de verre – dans ces pièces dédiées chacune à un signe du zodiaque et laissant aux interprètes une grande liberté de jeu.


Une soirée exemplaire mettant l’exigence de la démarche et la qualité de la prestation au service de la satisfaction de l’intellect et des sens.


Le site de Sascha Reckert



Simon Corley

 

 

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