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Le temps de Kusturica

Paris
Opéra Bastille
06/26/2007 -  et 29*, 30 juin, 2, 3, 5, 6, 8, 9, 11, 12, 14, 15 juillet 2007
Dejan Sparavalo, Nenad Jankovic et Stribor Kusturica : Le Temps des Gitans (création)

Nenad Jankovic (Ahmed), Ognjen Sucur (Brandes), Gorica Popovic (La grand-mère), Marijana Bizumic (Danira), Dejan Sparavalo (Dr. Lorenzo), Milica Todorovic (Azra), Stevan Andelkovic (Perhan), Stanko Tomic, Zlatko Sakulskil (Les joueurs), Natasa Tomic (La mère d’Azra), Katarina Mrksic, Ivana Bizumic, Dragana Stanojevic, Tatjana Nikolic, Maja Martic, Brankica Ivankovic (paysans)
Maîtrise des Hauts-de-Seine, The No Smoking Orchestra & The Garbage Serbian Philarmonia, Zoran Komadina (chef d’orchestre), Dejan Sparavalo (direction musicale)
Emir Kusturica (mise en scène), Ivana Protic (décors), Nesa Lipanovic (costumes), Michel Amathieu (lumières)


En coproduction avec le Palais des arts de Valence, l’Opéra Bastille accueille, pour quinze représentations (dont une matinée gratuite, le 14 juillet), une adaptation scénique du film Le Temps des Gitans (1988), «sur une idée de Marc di Domenico», le producteur qui a entre autres permis à Henri Salvador d’effectuer un retour triomphal en 2000 avec l’album «Chambre avec vue». Emir Kusturica, le réalisateur, n’en demeure pas moins au centre de ce projet un peu fou, c’est-à-dire bien à son image: plutôt que de reprendre la musique d’origine composée par Goran Bregovic, il a regroupé autour de lui des fidèles de «The No Smoking Orchestra», dont il fut lui-même le bassiste, qui se sont mis à trois pour écrire la partition: Nenad Jankovic (né en 1962), alias Dr. Nele Karajilic, fondateur en 1980 de ce groupe de «technorock tzigane» d’une dizaine de musiciens, également auteur du livret (en romani, «langue tzigane») et titulaire survolté du rôle d’Ahmed; Dejan Sparavalo (né en 1966), violoniste et directeur musical de cespectacle, qui joue par ailleurs le vibrionnant Dr. Lorenzo; enfin, Stribor Kusturica (né en 1979), le fils d’Emir et le batteur de l’ensemble.


On connaissait déjà depuis longtemps l’opéra rock, de Jesus Christ superstar à Starmania, mais ce passage de l’écran à la scène prend le nom de «punk opera». Davantage encore que de l’oxymore, l’expression tient de la tromperie. En effet, le résultat n’a que peu à voir avec l’opéra – même si l’on y chante furtivement Rigoletto – et ne possède pas grand-chose de punk: malgré une certaine tendance à contester l’ordre établi – notamment par la dénonciation de la superficialité d’un monde «occidental» où «San Francisco» rime avec «disco» et «Sean Penn» avec «CNN» –, on se situe plus près d’Amélie Poulain que des Sex Pistols ou The Clash.


Le caractère hybride de cette réalisation se retrouve dans la fosse, coupée en deux par une avant-scène en forme de promontoire: côté jardin, The Garbage Serbian Philarmonia (sic), une formation symphonique de taille moyenne, dirigée par Zoran Komadina, béret et tablier de cuir de rigueur; côté cour, les trublions du No Smoking Orchestra, qui rejoignent parfois le plateau pour se joindre à l’action. Le tout fait bien évidemment l’objet d’une sonorisation, ce qui n’empêche pas les chanteurs de manifester une tendance à crier, tandis que la «Philharmonie» serbe, quand elle n’est pas écrasée par les décibels de la «section non-fumeurs», n’est vraiment pas flattée par le passage au travers des micros: dommage pour ses trompettes à palettes et ses Wagner-Tuben.


Mais peu importent les catégories, car l’essentiel est que beaucoup de choses intéressantes soient données à entendre: une ébauche du thème de La Panthère rose, par exemple, mais, surtout, des chansons à la fois nostalgiques et vitaminées, enracinées dans le folklore et défendues avec une formidable énergie par une troupe parfaitement unie, qui parvient à conférer une cohérence à un spectacle hors norme, empruntant à la fois au cirque, au rock et à la musique traditionnelle. D’un doux surréalisme tout en ne laissant pas le moindre temps mort, la mise en scène de Kusturica contribue à brouiller les pistes: (faux) dindon géant, (vrai) troupeau d’oies remarquablement disciplinées, véhicules de toutes sortes (tracteurs, motocyclettes, caravanes, automobiles…), nains, acrobates, jongleurs, footballeurs, arroseur de réverbères ou de cathédrales qui croissent comme des plantes et à vitesse accélérée... Sans surprise, le septième art, depuis l’écran plat jusqu’à des toiles dissimulant tout ou partie de la scène, n’est jamais bien loin, procédant au besoin par citation, qu’il s’agisse d’un extrait de Taxi driver… ou d’un but marqué par Diego Maradona.


Si le scénario du film, bien que simplifié, est conservé, de même que son regard amusé et bienveillant sur des personnages plus ou moins recommandables et des situations souvent dramatiques, l’impression prévaut toutefois d’assister à un montage qui, si habile soit-il, ne parvient pas toujours à faire oublier que l’on a assemblé une vingtaine de numéros joyeusement bariolés et résolument ironiques. Cela étant, sans être freinée par des dialogues parlés, cette heure trois quarts est menée tambour battant: une production pêchue et revigorante, qui suscite une réaction particulièrement enthousiaste du public. «Déchanté», s’exclame d’ailleurs une spectatrice: fort accent ou lapsus, ce néologisme convient en tout cas à merveille à cet objet non identifié qui fait irruption dans une salle où l’on joue en ce moment en alternance Un bal masqué. Mais après Aida à Bercy, pourquoi pas Le Temps des Gitans à Bastille?


Le site de The No Smoking Orchestra



Simon Corley

 

 

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