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D’un Paavo à l’autre

Paris
Salle Pleyel
06/01/2007 -  
Johannes Brahms : Concerto pour violon, opus 77
Jean Sibelius : Symphonie n° 4, opus 63

Christian Tetzlaff (violon)
Orchestre Philharmonique de Radio France, Paavo Berglund (direction)

Quand on le voit marcher difficilement jusqu’au podium, appuyé sur sa canne, soutenu par un régisseur, on pense un peu, malgré la différence de taille, à Otto Klemperer. On y pense aussi quand la baguette – tenue de la main gauche - se lève et que l’orchestre se met à jouer, tenu en main avec une incroyable fermeté, préparé dans les moindres détails. Le Philhar’ s’en trouve métamorphosé, comme chaque fois qu’il est dirigé par des grands : les sonorités s’arrondissent, les articulations s’assouplissent, les pupitres se libèrent et donnent le meilleur d’eux-mêmes – très belle petite harmonie dans l’Adagio du Concerto pour violon de Brahms, superbe violoncelle solo dans la Quatrième Symphonie de Sibelius.
Le Concerto pour violon de Brahms est puissamment charpenté, dramatique, voire prométhéen, la direction se montrant assez narrative, notamment dans l’Allegro non troppo initial. Mais la pâte n’est jamais lourde, l’Allegro giocoso chante et danse. De la première à la dernière note de l’œuvre on entend tout, jusqu’à des voix intermédiaires qu’on avait un peu oubliées, tant le chef veut creuser la partition, au prix parfois de flottements à peine perceptibles, dans l’orchestre ou entre l’orchestre et le soliste. Christian Tetzlaff, s’il joue sur le registre de l’expressivité exacerbée, n’en préserve pas moins la pureté de la ligne et du son, avec un éventail de nuances assez étonnant - les Bach joués en bis n’ont, eux non plus, rien à voir avec un classicisme lisse et apollinien. Si bien que le Concerto devient aussi une sorte de poème symphonique à deux voix, en rupture avec une certaine tradition à la fois compositionnelle et interprétative.
Mais c’est la Quatrième Symphonie de Sibelius qui constitue le sommet du concert, Paavo Berglund évitant les deux principaux écueils qui guettent les chefs : l’austérité et la dispersion. Il est vrai qu’il connaît son Sibelius sur le bout de la baguette, lui qui a enregistré trois intégrales des Symphonies et deux Kullervo. Même si cette Quatrième est la plus sombre des sept – Herbert von Karajan, comme le rappelle Marc Vignal dans son exemplaire présentation, disait qu’elle se terminait, comme la Sixième de Mahler, en la mineur également, sur « une totale destruction » -, il faut en restituer le lyrisme intense et douloureux. Paavo Berglund y laisse peu de place à la lumière, même dans l’Allegro molto vivace faisant office de Scherzo ; il nous fait respirer l’air de ces montagnes qui ont inspiré le compositeur, dans une tension jamais relâchée - les ostinatos sont rien moins que statiques. Aucun décousu non plus dans sa direction : il préserve l’autonomie des plans sonores et des différentes sections tout en maintenant l’unité de l’ensemble, dont il trouve le secret au-delà de la discontinuité et des ruptures apparentes – Sibelius a une façon très à lui, et très moderne, de penser la sonorité de l’orchestre et de concevoir les développements. De même que Sibelius compose en architecte, concentrant la forme dans une extraordinaire densité, Paavo Berglund dirige en architecte ; mais il dirige aussi en conteur, ne sacrifiant jamais la forme au contenu, comme s’il y avait une histoire, ou plutôt un drame intérieur, derrière les notes.
La veille, Paavo Järvi dirigeait l’Orchestre de Paris – avec une autre œuvre de Sibelius, son Concerto pour violon (lire ici) : d’un Paavo à l’autre, on n’aura guère quitté les sommets.



Didier van Moere

 

 

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