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Affligeante vacuité

Paris
Théâtre de la Ville
05/28/2007 -  
Xploding Plastix : The Order of things
Clint Mansell : «Death is the road to awe» extrait de The Fountain (arrangement Quatuor Kronos)
Einstürzende Neubauten : Wüste (arrangement Quatuor Kronos)
Tanya Tagaq et Quatuor Kronos : Nunavut
Henryk Gorecki : Quatuor n° 3 «Piesni spiewaja», opus 67

Tanya Tagaq (voix), Quatuor Kronos: David Harrington, John Sherba (violon), Hank Dutt (alto), Jeffrey Zeigler (violoncelle)


Cinq créations françaises: sur le papier, la venue du Quatuor Kronos, fidèle du Théâtre de la Ville, était alléchante. C’était hélas sans compter sur l’incapacité de la légendaire formation californienne à faire preuve de discernement dans le renouvellement de son répertoire, incapacité d’autant plus décevante que les Kronos, pour s’en tenir à leurs seuls compatriotes, ont défendu au cours des trente-cinq dernières années des compositeurs tels qu’Adams, Cage, Crumb, Feldman, Glass, Partch, Reich ou Riley.


The Order of things (2005) est l’œuvre du duo norvégien de musique électronique Xploding Plastix, présenté comme se situant aux confins de l’acid jazz et de l’électro. Inspiré par l’expression d’un jeune hongkongais, relevée dans un magazine italien, qui avait une idée très précise de «l’ordre des choses» (à savoir «Travail, étude, jeu»), le propos se révèle d’une maigreur consternante: sur un cliquetis d’aciérie délivré par une bande, le quatuor – amplifié, comme il le sera tout au long de la soirée – répète des motifs d’un navrant simplisme.


Ancien leader d’un groupe de rock-hip hop, l’Anglais Clint Mansell (né en 1963) se consacre désormais à la musique de film, comme celle qu’il a écrite pour The Fountain (2006) de Darren Aronofsky. Les Kronos en donnent un extrait intitulé «Death is the road to awe», évoquant le Glass des mauvais jours. Les quatre instruments sonnent comme un orchestre à cordes, tandis que la musique du groupe écossais Mogwai, jouée en parallèle, ne tarde pas à saturer, guitares électriques, synthétiseurs et batterie à l’appui, le maximum d’intensité sonore étant souligné, de façon aussi didactique qu’éculée, par le déclenchement d’une forte lumière.


Blixa Bargeld («argent liquide») et N. U. Unruh («balancier»), les noms des fondateurs du groupe berlinois Einstürzende Neubauten («nouveaux immeubles s’effondrant») étaient prometteurs. Malheureusement, leur Désert ne respecte que trop les promesses de son titre : sur de lents accords de ses trois partenaires, David Harrington, qui a abandonné son violon, agite un géophone, produit des couinements en faisant glisser son index sur un plateau de plastique rouge et émet murmures et autres bruits de bouche.


Présenté ambitieusement comme une adaptation du «chant de gorge» des Inuits qui se pratique habituellement en duo, Nunavut (2006) a été conçu, avec la «contribution» d’Osvaldo Golijov et Jeremy Flower, par le Quatuor Kronos et Tanya Tagaq. Pieds nus, la chanteuse, de vagissements en grognements et cris d’animaux, entame successivement avec chacun des musiciens, qui tirent de leurs instruments des sons du même ordre, un dialogue musical dont la chorégraphie suggère en même temps un accouplement plus physique et sensuel, pour conclure dans les hurlements d’une transe on ne peut plus prévisible.


La seconde partie du programme était intégralement dédiée au Troisième quatuor «Des chants sont chantés» (1995) de Gorecki, dont le sous-titre est tiré d’un poème de Velimir Khlebnikov («Quand les gens meurent, des chants sont chantés»). Commandée par les Kronos, la partition n’a été créée qu’en octobre 2005, sans que le compositeur polonais trouve de véritable raison pour l’avoir conservée ainsi dix ans par devers lui («Je ne sais pas pourquoi»). On ne voit pas bien non plus pourquoi les Kronos persistent à utiliser une sonorisation, certes assez discrète, alors même que les autres quatuors qui se produisent dans ce même Théâtre de la Ville n’ont évidemment nul besoin d’y recourir.


Quant à Gorecki, il continue, à la manière de Penderecki, de cultiver une veine monolithique qui a au moins le mérite de ne pas décevoir ses aficionados. Cinquante-deux minutes réparties en cinq mouvements, dont un seul rapide, placé au centre, d’une durée de quatre minutes seulement: on a parfois l’impression que les cinq heures du Second quatuor de Feldman passent plus vite et l’honnêteté oblige à relever que si les spectateurs écoutent si religieusement, c’est parce que certains d’entre eux se sont endormis.


Mais comment leur en vouloir? D’une pauvreté harmonique, rythmique et mélodique absolue, se refusant à tout travail sur le timbre de même qu’à toute idée de variation, la musique reproduit en effet à l’infini le même schéma (des accords réguliers de l’alto et du violoncelle, sur lesquels s’élève le lamento des violons, signalé par une inévitable seconde mineure descendante) et s’achève, comme de bien entendu, sur un rappel du premier mouvement. Dans ce contexte, la citation d’un extrait du Second quatuor de Szymanowski, pour incongrue qu’elle soit, apporte un tant soit peu de couleur à cette grisaille délibérément entretenue.


Remerciant une salle enthousiaste, les Kronos offrent en bis la sage harmonisation d’une chanson de Fayrouz.


Le site du Quatuor Kronos
Le site d’Xploding Plastix
Le site d’Einstürzende Neubauten
Le site de Tanya Tagaq



Simon Corley

 

 

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