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L’Empire des K

Paris
Maison de Radio France
05/25/2007 -  
Zoltan Kodaly : Duo pour violon et violoncelle, opus 7 (+)
György Kurtag : Hommage à R. Sch., opus 15d (#)
Erich Wolfgang Korngold : Sextuor à cordes, opus 10

Jérôme Voisin (clarinette), Hélène Collerette (+), Lyodoh Kaneko (violon), Jean-Baptiste Brunier, Fanny Coupé (#) (alto), Daniel Raclot (+), Renaud Guieu (violoncelle), Catherine Cournot (piano)


Après des thématiques très larges et, pour tout dire, passe-partout («Orients», «Voix»), le dernier week-end «Portes ouvertes» de la saison de Radio France renoue avec une approche plus originale: les six concerts gratuits regroupés sous le titre de «L’Empire brûle-t-il?» visent en effet à évoquer, de Gluck à Kurtag, la tradition viennoise, depuis la suprématie de l’âge classique et romantique jusqu’à l’influence qu’elle continue d’exercer de nos jours, malgré sa remise en cause tant par les écoles nationales que par la «seconde Ecole de Vienne».


Comme de coutume, le concert d’ouverture était dévolu aux musiciens des orchestres de Radio France, en l’espèce ceux du Philharmonique, dans un programme de musique de chambre riche et remarquablement conçu. Si l’Autriche-Hongrie, à la fois kaiserlich (impériale) et königlich (royale), se définissait elle-même par ses deux K – d’où Musil forgea son vocable de «Cacanie» – ce sont trois K qui étaient à l’honneur en cette fin d’après-midi au studio Sacha Guitry, illustrant chacun à sa manière une période charnière de l’histoire musicale de l’Empire, entre derniers feux du postromantisme (Korngold), affirmation d’identités contestataires (Kodaly) et renouvellement de la tradition, au travers de l’un des lointains descendants de ce renouvellement (Kurtag).


Le Duo pour violon et violoncelle (1914) de Kodaly précède de peu l’effondrement de l’Autriche-Hongrie: parallèlement à l’affaiblissement du régime, la remise en cause de la domination musicale de Vienne n’a cessé de croître sous l’impulsion des compositeurs représentant les différentes nationalités de cette Mitteleuropa, mais sans pour autant cette impression de tabula rasa que les Viennois eux-mêmes (Schönberg et ses disciples) ont parfois pu donner à la même époque. Le Duo traduit bien cette ambivalence, les thèmes d’inspiration folklorique étant soumis à des exigences esthétiques, tant formelles qu’expressives, au moins aussi élevées que celles du modèle viennois, ce à quoi semble s’attacher l’interprétation de belle tenue technique et stylistique, plus réfléchie que spontanée, d’Hélène Collerette et Daniel Raclot.


Au même moment, Schönberg et les siens ouvrent donc de nouveaux horizons et c’est de cette nouvelle tradition viennoise que tient en partie Kurtag, dont le style partage avec celui de Webern un laconisme et une économie d’écriture évidents, à l’image des six pièces de l’Hommage à R. Sch. (1990), d’une durée totale de dix minutes (dont six pour la dernière). Hormis le recours à l’effectif instrumental de ses Märchenerzählungen, Schumann apparaît ici comme une inspiration plus littéraire – les titres des pièces font référence à Kreisler, Eusebius, Florestan et Maître Raro – que musicale. Comme souvent chez le compositeur hongrois, la distance et l’humour, grinçant ou énigmatique – tel ce discret coup de grosse caisse (donné par le clarinettiste) qui achève l’œuvre – ne parviennent pas à dissimuler l’expression d’une humeur résolument sombre en même temps que d’un tempérament profondément poétique.


Le Sextuor (1917) de Korngold ramène à l’époque du Duo de Kodaly, mais avec une toute autre perspective, celle de l’apogée du postromantisme, de ses effusions lyriques et de ses modulations travaillées. En véritable compositeur d’opéra, Korngold s’épanouit aussi bien dans le chant inextinguible de l’Adagio que dans le climat de comédie du Presto final. Quant à l’Intermezzo, esquissant notamment, con grazia, un pas de valse, comme le qualifier autrement que de… «viennois»? D’une ampleur brahmsienne (près de trente-cinq minutes), la partition s’inscrit dans la veine d’un Zemlinsky: remarquablement défendue par les cordes du Philhar’, elle devrait donc inciter à découvrir une production chambriste de grande qualité (Sonate pour violon et piano, Trio avec piano, trois Quatuors, Quintette avec piano, …).



Simon Corley

 

 

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