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Charmant rossignol

Strasbourg
Opéra National du Rhin
03/23/2007 -  et les 25 (15h) et 27 mars, 2 et 4 avril à Strasbourg; les 13 et 15 avril (15h) à Mulhouse (La Filature)
Igor Stravinsky : Le Rossignol – Œdipus Rex
Mélanie Boisvert (Le Rossignol : chant), Christelle Molard (Le Rossignol : danse), Isabelle Cals (La Cuisinière), Kresimir Spicer (Le Pêcheur), Michael Schelomianski (L’Empereur de Chine : chant), Boyd Lau (L’Empereur de Chine : danse), David Bizic (Le Chambellan), Patrick Bolleire (Le Bonze), Nadia Bieber (La Mort), Roger Padullés/ Carlos Aguirre/ Chae-Hoon Baek (Trois envoyés japonais), Karine Bergamelli (Soprano solo), Simona Ivas (Alto solo), Jian Wang (Ténor solo), Kresimir Spicer (Œdipe : chant), Sylvain Boruel (Œdipe : danse), Sylvie Brunet (Jocaste : chant), Stéphanie Madec (Jocaste : danse), David Bizic (Créon), Michael Schelomianski (Tirésias), Roger Padullés (Le Berger), Patrick Bolleire (Le Messager), Claude Duparfait (Récitant)
Orchestre symphonique de Mulhouse, Ballet de l'Opéra national du Rhin, Chœurs de l’Opéra national du Rhin, Daniel Klajner (Direction musicale)
Lucinda Childs (Chorégraphie et mise en scène), Rudy Sabounghi (Scénographie et costumes), Christophe Forey (Lumières)



Une mise en scène du Rossignol de Stravinsky requiert en principe la participation d’un chorégraphe, du moins si l’on se réfère à la création parisienne de l’œuvre, en 1914, où les rôles principaux étaient confiés conjointement à des chanteurs et à des danseurs/mimes. C’est là sans doute l’une des idées directrices qui ont conduit l’Opéra du Rhin à la conception de cette soirée pluridisciplinaire mêlant étroitement chant et danse, confiée à une chorégraphe de renom qui assure également des mises en scène lyriques depuis plusieurs années. Belle occasion aussi de réunir les forces strasbourgeoises de l’Opéra du Rhin avec celles du Ballet du Rhin, basé à Mulhouse, à l’occasion d’un projet ambitieux et motivant.


Pour Le Rossignol le résultat dépasse nos espérances, teintées initialement de scepticisme compte tenu de la personnalité même de Lucinda Childs. Les chorégraphies de cette collaboratrice de Phil Glass, John Adams ou Bob Wilson ont écrit des chapitres importants de l’histoire de la danse contemporaine, mais d’une abstraction calculée a priori difficilement compatible avec la narrativité d’ouvrages plus conventionnels. Et pourtant, grâce à l’apport décisif des costumes et décors de Rudy Sabounghi, la production fonctionne et toutes ses originalités paraissent justifiées : les chœurs alignés très haut sur un étroit praticable, le Pêcheur suspendu dans une sorte de nacelle-barque qui descend à intervalles réguliers, le Rossignol chanteur se déplaçant lui aussi en suspension, alors que son double dansé évolue au sol, sur un tapis brillant d’un bel effet visuel… Pas trop de références appuyées à une Chine de fantaisie mais des couleurs franches sur fond de reflets noirs qui créent un exotisme de bon aloi. Des propositions qui font crânement oublier les ruptures de style de ce bref Rossignol (commencé en 1908 l’ouvrage n’a été achevé qu’en 1913, après le Sacre du Printemps), voire gomment les petits problèmes d’une mise en musique qui n’affecte pas toujours aux évènements une durée proportionnelle à leur importance dramatique (notamment la fin, très brusque). Côtoyant les chanteurs sur le plateau, les danseurs du Ballet du Rhin s’insèrent harmonieusement dans le spectacle, avec peut-être une prépondérance trop marquée dans une Marche chinoise plutôt abstraite (les longues évolutions de plusieurs couples de danseurs en tenues noires, attitudes plastiquement belles mais qui semblent assombrir avec trop d’austérité la rutilance de la musique qui leur est associée). En revanche, la personnification du rossignol mécanique est une jolie trouvaille (une jeune danseuse/gymnaste qui accomplit des prouesses physiques soigneusement calibrées sur des barres asymétriques). Vocalement, le plateau est homogène, y compris les vocalises précises et le joli timbre de Mélanie Boisvert dans le rôle vétilleux du Rossignol, avec quelques réserves pour le Pêcheur de Kresimir Spicer, qui ne parvient au bout de son rôle qu’au prix d’une émission forcée et d’une intonation pas toujours juste. Quant à l’Orchestre de Mulhouse, il réussit un très présentable parcours sous la baguette précise de Daniel Klajner.


Œdipus Rex pose davantage de problèmes, mais la partition est moins ludique et bien plus exigeante dramatiquement. Déjà sous sa forme originale d’«opéra-oratorio» l’ouvrage n’est pas aisé à mettre en scène, à moins de jouer à fond la carte de la distanciation stravinskienne (chanteurs figés et masqués), au risque alors de n’obtenir qu’un spectacle désincarné et froid, qui tient moins du marbre intemporel que du plâtre académique. Alors dès qu'il s’agit d’introduire de surcroît la danse dans ce musée lapidaire… on s’expose à quelques déconvenues. A notre avis Lucinda Childs ne parvient pas à justifier l’encombrement du plateau par une cohorte de danseurs en tenues streetwear rouges dépareillées, qui déclinent trop longuement une série de mouvement stéréotypés, en faisant de surcroît pas mal de bruit. La savante déstructuration des mouvements d’ensemble crée parfois de belles compositions fugaces, mais les danseurs ne peuvent éviter l’épuisement du potentiel d’étonnement d’une base gestuelle trop réduite. De surcroît la nécessité de réserver l’avant de la scène au ballet relègue la masse chorale à l’arrière, en partie cachée derrière un grand péristyle qui dessert terriblement les voix sur le plan acoustique (les ténors paraissent criards et surexposés, les basses caverneuses et détimbrées : quand il est enfin permis à tout ce monde de s’avancer, on découvre tardivement un ensemble très différent, et surtout bien meilleur…). Emergeant un à un des torses de colonne du péristyle médian, masqués et raides comme des statues, les chanteurs sont cantonnés à quelques attitudes longuement soutenues et ne peuvent compter que sur leur voix pour convaincre. Aucune crainte avec Sylvie Brunet, dont les phrasés larges et les couleurs somptueuses font regretter qu’elle n’ait qu’un air à chanter. Malheureusement les titulaires de Tiresias et Creon paraissent insuffisants et Kresimir Spicer affronte sans succès la tessiture d’Œdipe, un rôle de toute façon guère facile à chanter en gardant constamment les bras figés en l’air. Deux membres de la troupe des Jeunes Voix du Rhin assument en revanche dignement les rôles du Messager et du Berger. En fosse les premiers pupitres de l’Orchestre de Mulhouse assument des soli redoutables sans toujours réussir à garder la dignité à l’antique de rigueur. Quant au récitant de Daniel Duparfait, sa simplicité plutôt confidentielle fait regretter l’aplomb des derniers grands acteurs classiques qui ont marqué ce rôle important. Une seconde partie plus mitigée, dont on retiendra surtout la magistrale prise de rôle de Sylvie Brunet.



Laurent Barthel

 

 

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