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Le (Johann) Strauss américain

Paris
Sorbonne (Grand Amphithéâtre)
03/20/2007 -  
George Gershwin/Robert Russell Bennett : Porgy and Bess, a symphonic picture
Dimitri Chostakovitch : Suite pour orchestre de jazz n° 2
Leroy Anderson : A trumpeter’s lullaby – Blue tango – Jazz legato – Jazz pizzicato – Serenata – The Waltzing cat – The Girl in satin – Belle of the ball – Sleigh ride – The Typewriter – Forgotten dreams

Orchestre de Paris-Sorbonne, Jacques Grimbert (direction)


Créée en 1982, l’association «Musique en Sorbonne» organise, principalement dans les prestigieux locaux du Quartier latin, une saison complète de concerts dont les fleurons sont ceux du Chœur et de l’Orchestre de l’Université Paris-Sorbonne (COUPS), fondés en 1975 par Jacques Grimbert. Celui-ci est demeuré directeur musical de l’orchestre, assisté par Johan Farjot, un pianiste qui fait actuellement partie de la classe de Zsolt Nagy au CNSMDP (voir ici), tandis que le chœur est confié à Denis Rouger.


Il ne s’agit pas ici d’ensembles universitaires au sens propre, mais plutôt de formations musicales préprofessionnelles. L’orchestre réunit ainsi essentiellement des diplômés des conservatoires et écoles de musique, dont la plupart poursuivent par ailleurs des études à l’UFR de musique et musicologie de Paris IV, auxquels viennent s’ajouter des musiciens extérieurs, amateurs de haut niveau, et, surtout, des professionnels qui assurent l’encadrement technique des différents pupitres, à commencer par le premier violon solo, Florin Szigeti, l’un des fondateurs du Quatuor Enesco.


Le rituel n’est certes pas celui des salles traditionnelles – démarrage avec un bon quart d’heure de retard, entrée de l’orchestre sous les hourras et olas des différents fan clubs, applaudissements entre les mouvements que le chef, juché sur une chaise marquée de ses initiales, encourage avec bonhomie en faisant saluer les solistes – mais les quatre ou cinq programmes proposés chaque année font preuve d’une originalité qui mériterait à elle seule d’être saluée, à l’image de celui présenté ici sous le titre «Jazz symphonique».


Originalité pas tant dans sa première partie, encore que, au lieu de la suite que Gershwin a lui-même tirée de son Porgy and Bess (1935), c’est A symphonic picture qui a été choisi, à savoir un «résumé symphonique» des principaux thème de l’opéra réalisé en 1942 par Robert Russell Bennett (1894-1981), l’orchestrateur de quelques-uns des plus grands musicals (Show boat, Oklahoma!, Carmen Jones, Kiss me Kate, South Pacific, My fair lady, The Sound of music…). Deux éléments positifs: l’œuvre est donnée dans son intégralité (vingt-cinq minutes) – alors que l’Orchestre national de France avait omis en novembre dernier de préciser que dix minutes en avaient été retranchées – et l’acoustique du Grand amphithéâtre se révèle tout à fait acceptable, alors qu’on se souvenait d’une prestation au cours de laquelle l’English concert de Trevor Pinnock avait sonné quasiment comme l’Orchestre symphonique de Londres au grand complet...


Au passif, en revanche, une interprétation dont la mise en place est indéniablement correcte et les soli généralement assurés, mais qui ne swingue pas, manque d’humour et de rebond, comme si les pâles et nonchalantes figures de Puvis de Chavannes qui dominent la scène avaient déteint sur un ensemble par trop étale, avec «It ain’t necessarily so» ou «Summertime» aussi sexy que «la physique entrouvrant ses voiles devant un essaim de jeunes» dépeinte dans cette immense fresque.


La Seconde suite (1938) «pour orchestre de jazz» de Chostakovitch bénéficie de davantage de peps, même si les premiers temps des valses sont décidément bien appuyés et les polkas et autres danses restent encore bien sages. La Seconde valse suscite le frisson habituel et une spectatrice, certainement pas la seule, s’esbaudit: «Je ne savais pas que c’était de Chostakovitch». Peu importe que le contexte puisse faire ricaner puristes, snobs et autres amateurs de jeux de massacre, cette remarque frappe au contraire par son caractère réjouissant: il faut en effet se féliciter que de telles enceintes offrent d’autres formes d’accès à la musique dite «classique», pas nécessairement du point de vue des tarifs (de 19 à 27 euros, 10 euros pour les moins de vingt-cinq ans) mais par le simple fait qu’une grande partie de l’assistance ne se rendra jamais à Pleyel ou au Théâtre des Champs-Elysées.


Ce Chostakovitch tient de la musique légère et non jazz, s’enchaînant ainsi de façon logique, en seconde partie de soirée, avec un compositeur appartenant à la même génération, quoique évidemment de moindre ambition, Leroy Anderson (1908-1975). La place qu’occupent ses brèves vignettes de forme ABA, liées à l’histoire du Boston Pops d’Arthur Fiedler, dans la mémoire collective outre-Atlantique explique sans doute la présence d’une forte représentation américaine au sein d’un public par ailleurs très nombreux.


Sous l’intitulé «Jazz serenade», onze d’entre elles ont été regroupées, montrant qu’Anderson peut être considéré comme le «(Johann) Strauss américain», dans ces instants sans nuages, non exempts de poésie – Rêves oubliés (1954) – et témoignant d’un autre âge d’or pour lequel, par delà les décennies, bon nombre des procédés de la famille viennoise avaient conservé leur efficacité: humour – Une berceuse pour le trompettiste (1945); modes de jeu – Jazz pizzicato (1938), qui possède son pendant Jazz legato (1939) – ou percussions pittoresques – castagnettes obligées de la Seranata (1947), grelots et fouet de la Promenade en traîneau (1948) – au service d’une intention souvent imitative ou descriptive – miaulements du Chat qui valse (1950) et Machine à écrire (1950) rendue célèbre par Jerry Lewis; couleur locale pas trop regardante – Tango bleu (1951) passé par Broadway, habanera de La fille en satin (1950); participation ludique des musiciens (claquements de doigts, aboiements, violoncelles qui font faire un tour sur lui-même à leur instrument). Même la valse, avec un fort accent new-yorkais y a ses droits – Belle du bal (1951)!


Heureuse initiative que de faire découvrir cette musique dans la capitale: même si le défi, pour un orchestre français, tient à peu près de celui consistant à produire du camembert aux Etats-Unis, l’ambiance se fait néanmoins ici plus pétillante, et il faudra donc bisser Le chat qui valse.


Le site de «Musique en Sorbonne»
Le site de Leroy Anderson



Simon Corley

 

 

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