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Entre intériorité espagnole et fureur beethovenienne

Ambronay
Abbatiale
09/17/1999 -  

Festival d’Ambronay
Entre intériorité espagnole et fureur beethovenienne

Ambronay
Vendredi 17 septembre 1999
Abbatiale
Eclats et larmes du siècle d’or ibérique
Au temps de Lope de Vega & Velasquez (1562-1659)
La Capella Reial de Catalunya, Jordi Savall (direction)

Samedi 18 septembre 1999
Abbatiale
Johann Sebastian Bach : Motets à double choeur ; Suites pour violoncelle seul
Peter Bruns (violoncelle)
Chorus Musicus Köln, Das Neue Orchester, Christoph Spering (direction)

Dimanche 19 septembre 1999
11h00 Tour Dauphine
Deux découvertes : Le Livre de tablature de clavescin de Marc Roger Normand Couperin ; The Purcell Manuscript
Davitt Moroney (clavecin)

20h00 Abbatiale
Ludwig van Beethoven : Symphonies 6 & 5
Ensemble Anima Eterna, Jos Van Immerseel (direction)

Pour son vingtième anniversaire, le Festival propose une floraison d’interprètes fidèles à ce petit village de l’Ain. En premier lieu, bien sûr, Jordi Savall dont la venue à Ambronay coïncida avec ses premiers enregistrements. Entre deux symboles de l’époque glorieuse de la péninsule, un poète écrivain et un peintre, le chef catalan proposait un programme bien composé et parfaitement exécuté, entre la danse sacrée et la méditation séculière, avec un effectif réduit mais efficace : trois violes (Savall au dessus de viole, l’aristocratique Sergi Casademunt au ténor, et Sophie Watillon à la basse), le violone de l’explorateur des musiques baroques de l’Est, Lorenz Duftschmid, le théorbe et la guitare de Xavier Diaz, l’orgue du jeune Luca Guglielmi, le merveilleux coeur pulsatif des percussions de Pedro Estevan, et un quatuor vocal masculin où l’on remarquait la belle voix falsettisante de Carlos Mena, à côté de Lambert Climent, Francesc Garrigosa et Daniel Carnovich.

Dans l’Espagne mélangée du Siècle d’Or, entre catholicisme fervent, héritage musulman et crypto-judaïsme, le " Baroque " trouve un lieu d’élection particulièrement propice. Le " meslange ", ou miscellanées du monde, est un élément constitutif du baroque qui marie sacré et profane, naturel et artificiel, ancien et moderne, local et étranger, héroïsme et mélancolie. Au fil des pièces proposées par la Capella Reial, c’est tout ce paysage qui prend vie. Une " Romance a la muerte de Dan Manrique de Lara ", de Juan de Leyva ouvre le concert en mettant en valeur, l’autorité et la puissance naturelle de l’alto de Carlos Mena. A travers différentes stations, celui-ci, qui avait commencé à chanter dans le fond du choeur, arrive sur la scène. A la suite de cette déploration prenante, Pedro Gerrero (une " Moresca ") et Mateu Fletxa (" Cancion Que Farem del pobre Joan ") apportent une touche populaire. La grande finesse du fil sonore du dessus de viole de Savall se déploie ensuite dans trois " Glosas " de Correa de Arrauxa.

Un solo impressionnant de Carlos Mena dans l’anonyme " Angel : Deu vos salve verge imperial ", laisse place à un autre chant a cappella, extrait du Mystère d’Elche " Los apostolos : oh, poder de l’alt imperi ". Les deux ténors et la basse sont cachés dans le fond du choeur. La musique est simple mais hypnotique, prenante, portée par l’acoustique, bien meilleure qu’au centre du choeur. Trois hommes seuls, et c’est sûrement une des plus belles musiques qui aient résonné sous ces voûtes. On revient sur terre avec les virtuoses fioritures du " Tiento XVII Pange Lingua " de Joan Cabanilles qui répond au très intérieur " Tiento de falses " du même. Après d’autres pièces de Juan Vasquez, de Bernabé et une romance de Lope de Vega qui puisent l’émotion à même la finesse du trait, une danse du nouveau monde, la chaconne, termine avec Joan Aranès, ce mélange de sons, de races, de continents et de styles.

Christoph Spering était déjà venu à Ambronay pour présenter la version de Mendelssohn de la Passion selon St Matthieu (enregistrée depuis chez Opus 111). C’est également dans cet esprit qu’il présentait cinq motets à double choeur avec instruments (BWV 229, 226, Anh III 159, 228, 225). Le Chorus Musicus compte une cinquantaine de chanteurs qui déploient une grande aisance dans cette musique difficile. Les vocalises sont toujours bien modelées, l’ampleur et la puissance ne manquent pas, le style n’est pas trop sulpicien. Christoph Spering privilégie la ligne, la souplesse et la fluidité sur la distinction et les aspérités. L’énergie ne manque pas, comme dans le début et le final de " Singet dem Heern ". Toutefois, dans certains passages où la profusion des lignes de cette musique prend le dessus, la confusion s’installe. Le chef a eu la bonne idée de placer les musiciens dispersés dans chacun des deux chœurs ; toutefois cette relative osmose est gâchée par deux violoncellistes mis au premier plan qui jouent un peu trop fort et écrasent sur certaines harmoniques les pupitres masculins. Peut-être que les deux contrebasses, au fond des choeurs placés en U, auraient suffi.
En alternance, Peter Burns, remarquable violoncelliste, proposa deux suites, l’une en mi majeur et l’autre en do mineur. L’instrument est moderne, le style aussi. Malgré sa maestria, sa fougue, son engagement, on ressent un fort décalage stylistique qui ne doit pas toutefois gêner les musiciens " modernes " sortis des conservatoires.

A la grande joie du public, Davitt Moroney met autant de talent à présenter les pièces pour clavecin qu’à les jouer. Récemment découverts, ces deux recueils sont complémentaires. Le seul manuscrit autographe de pièces pour clavier du grand Henry Purcell a été découvert fortuitement par Lisa Cox en 1994, dans un lot de vente de papiers anciens, apparemment insignifiant. Après de nombreuses péripéties, racontées avec humour par Davitt Moroney, le précieux volume se trouve actuellement à la British Library (MS.Mus.1). Il renferme des pièces pédagogiques allant du plus simple au plus complexe, en détaillant toutes les difficultés de l’art de toucher le clavecin. C’est une découverte importante, et pas seulement au niveau de l’histoire de l’éducation, puisqu’il reste très peu de témoignages de ce genre de littérature, mais surtout de la main d’un aussi grand maître. Alternant une dizaine de petites pièces et deux suites (do majeur et la mineur) plus élaborées, le style passe de la France (prélude, courante) à l’Allemagne (gigue fuguée) sans oublier la danse anglaise des matelots, Hornpipe.
Dans cette Europe des influences aux identités voyageuses, Marc Roger Normand Couperin (1663-1734) a une bonne place. Découvert en 1997 dans la collection d’un palazzo de Turin, son recueil de cinquante-sept pièces, organisées par tonalités, met à jour la musique de ce Couperin dont il ne restait rien. Miroir d’un lieu et d’un temps, il met en dialogue la famille de La Pierre, musiciens et danseurs originaires d’Avignon, Le Bègue, Militon, Chambonnières, des arrangements d’Acis & Galatée de Lully (via d’Anglebert), etc. Davitt Moroney a enregistré chez Hypérion l’ensemble de ce précieux témoignage (un disque de 80 minutes). Il présentait une sélection d’une quinzaine de pièces qui firent la joie de l’époque de Victor Amédée II de Savoie. Cousin germain de François Couperin, Marc Roger arrive à Turin en 1688 pour y être organiste de la chapelle royale. Au fil du temps il se verra accorder une plus grande responsabilité. Si aujourd’hui les politiciens n’arrêtent pas de se gargariser avec l’Europe, à l’époque, l’Europe du goût et des arts existait réellement sans qu’on en parle.

C’est une véritable fureur beethovenienne que déployaient Jos Van Immerseel et son Anima Eterna. Ce concert termina le premier week-end dans un triomphe. Après les tentatives de Norrington, Harnoncourt, Minkowski et Gardiner entre autres, Immerseel se place en tête des " nouvelles " lectures du répertoire classique de ces dernières années. Une attention particulière est ainsi portée à l’organologie, à ses incidences stylistiques (par exemple pour les coups d’archet), à la disposition de l’orchestre, et à son importance – ici une cinquantaine de musiciens. De fait, les équilibres, en même temps qu’ils changent, arrivent à des solutions enthousiasmantes. Le pupitre de cinq contrebasses, placé derrière les vents, utilise à la fois la basse à quatre cordes et le Terzviolone à cinq cordes. L’articulation est privilégiée par l’emploi de frettes et d’archets Dragonnetti. La petite harmonie se fond remarquablement dans les tutti sans pour autant négliger un côté extrêmement clair et détaillé. Le fruité sonore ne contredit jamais un son ample et uni. Il faut aussi remarquer, dans cette réussite, l’excellence de la petite harmonie d’Anima Eterna.
Chez les cordes, on remarquera une articulation qui fait ressortir le phrasé sans négliger la ligne d’ensemble. L’équilibre est toujours respecté entre les deux tendances dérangeantes : l’analyse chirurgicale, et l’enthousiasme mou romantique. Entre corps et transparence, l’équilibre est parfait. Jamais le désir de distinction et d’articulation ne lèse l’ampleur et l’élan. Dans une nouvelle donne de la morphologie générale de l’orchestre beethovénien, une tension incroyable s’installe d’un bout à l’autre. L’orchestre, un seul corps où l’on entend pourtant tous les éléments, propose des alliages inattendus, il danse, chante, respire, exulte. Dans le détail comme dans la masse, l’excellence du travail de ces musiciens est évidente.

Pour la suite des événements, vous pourrez suivre le frémissant ensemble Doulce Mémoire qui propose un cabaret Renaissance " Rabelais, la dive bouteille " (22 septembre, Trévoux, Salle du Parlement). Le grand ryparographe sera accompagné par Janequin, Goudimel, Pierre Certon, Jean Planson, de Monfort, Dominique Phinot. Les 23 & 25 septembre dans la chapelle de Jujurieux, Olivier Baumont et Nicolas Vaude plaident pour l’union des arts avec Le Mariage forcé de Molière et Lully.
Pour retourner dans l’abbatiale il faudra écouter un des plus grands contre-ténors des années 90 –finissantes- Derek Lee Ragin. Il butinera la cantate BWV 170 de Bach, et des airs de Haendel (Giulio Cesare, Rinaldo, Tamerlano). Le fameux Concerto Köln qui l’accompagne jouera de son côté plusieurs concertos de J. C. F. Bach, Teleman, Dall’Abaco (24 septembre).
Edward Higginbottom couronnera, avec le Chœur New College d’Oxford et l’Académie Sainte Cécile de Philippe Couvert, le Roi Georges II le 25 septembre avec Haendel et Purcell. Il participera également à la messe dominicale et traditionnelle du festival d’Ambronay.
Dans l’après-midi, l’Europa Galante de Fabio Fiondi proposera des Invenzioni e Stavaganze du XVIIe siècle italien : Castello, Vitali, Mazzaferrata, Uccellini, Falcioneri, Legrenzi, Farina. Dans la soirée, l’Italie encore, avec Sedecia, re di Gerusalemme (Rome, 1706), d’Alessandro Scarlatti. Autour du Seminario Musicale de Gérard Lesne (Sedecia), se regrouperont Philippe Jarousski, Virgine Pochon, Joseph Cornwell, Raimonds Spogis.
Ce même dimanche 26 septembre, la fête est à l’extérieur, à 14h30 et 18h30, dans le parc de l’Hôtel de ville, jouxtant l’abbaye, l’Orchestre Barbaroque de Didier Capeille propose Les folies pastorales, des divertissements champêtres extraits des Fêtes nocturnes du Château de Grignan.

Festival d’Ambronay
Renseignements et locations : 0474387404
Fax 0474381093
email : fest.ambronay@wanadoo.fr
http://www.fest-ambronay.com



Frédéric Gabriel

 

 

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