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Benjamin, ses aînés et son cadet

Paris
Amphithéâtre Bastille
11/27/2006 -   et 1er (Frankfurt/Main), 4 (Madrid) décembre 2006
George Benjamin : At first light – Three inventions
Wolfgang Rihm : Gedrängte Form
Oliver Knussen : Songs without voices, opus 26
Luke Bedford : Or voit tout en aventure

Anu Komsi (soprano)
Ensemble Modern, George Benjamin (direction)


Après la création de son conte lyrique Into the Little Hill (voir ici) et avant un concert symphonique pour lequel il sera placé à la tête de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris (19 décembre), George Benjamin retrouvait l’Ensemble Modern pour le volet central de l’hommage en trois temps que lui rend le Festival d’automne. Dans ce programme soigneusement agencé, deux de ses œuvres pour orchestre de chambre entouraient des pièces de trois de ses amis, ses aînés Wolfgang Rihm et Oliver Knussen (tous deux nés en 1952), mais aussi son cadet Luke Bedford (né en 1978).


Dirigée par Simon Rattle, son aîné de cinq ans, la création de At first light (1982) avait réuni deux grands espoirs de la scène britannique: alors seulement âgé de vingt-deux ans, l’élève de Messiaen parachevait ainsi une série de compositions qui avait étonné le monde musical par la précocité du talent qui s’y faisait jour. Si ce triptyque inspiré par Turner requiert un effectif évoquant celui de la Première symphonie de chambre de Schönberg, le travail sur le matériau sonore renvoie davantage à Varèse. Quelques éléments extérieurs viennent toutefois nuancer cette influence et contribuer à un style déjà très personnel: des gestes hérités des années 1960 et 1970 (papiers déchirés et froissés, balle de ping-pong rebondissant dans un verre) mais surtout un hédonisme qui s’épanouit plus particulièrement dans le dernier mouvement.


Intégrée depuis dans le vaste flux de Jagden und Formen, Gedrängte Form (1998) de Rihm, dont Benjamin – le dédicataire – et l’Ensemble Modern avaient donné en son temps la première, fait également référence à la Kammersymphonie de Schönberg et s’apparente aussi à une «pile [électrique] brève et chargée d’énergie». C’est en effet la notion de «forme compressée» qui donne son titre à ces sept minutes d’une virtuosité provocante, animées par un cor anglais et un alto extraordinairement volubiles.


Les quatre brèves Songs without voices (1992) de Knussen, «mélodies imaginaires» sur des poèmes de Whitman, font évoluer la soirée vers un climat plus lyrique et apaisé, mais aussi vers une écriture plus traditionnelle par son souci de continuité, notamment la dernière (Elegiac arabesques), qui est aussi la plus développée, in memoriam Andrzej Panufnik.


La seconde partie permet d’abord à Benjamin de faire découvrir au public parisien Luke Bedford, dont les dons se sont manifestés presque aussi tôt que ceux de son mentor. Présent pour l’occasion, le jeune Britannique a fondé Or voit tout en aventure (2005) sur les textes de trois chansons française et italiennes du XIVe siècle relatives à la musique, qu’il mêle tout au long de six mouvements enchaînés. Nulle volonté archaïsante dans ce quart d’heure idéalement servi par la voix de la soprano finlandaise Anu Komsi, mais un métier très sûr, où les «effets sonores» (accordéon, éoliphone) ne deviennent pas de purs gadgets et où la volupté ne perd jamais ses droits – superbe progression du quatrième mouvement, du grave vers l’aigu, immobilisme berceur du mouvement final.


Destinées à l’Ensemble Modern, les Trois inventions (1995) offrent une conclusion spectaculaire. Car si elles adoptent une construction comparable à celle de At first light, en trois temps de durée croissante, elles sont peut-être plus immédiatement séduisantes: plus extériorisées, sans doute, mais pas extérieures ni superficielles, tant s’en faut. Si le concept («invention») suggère une recherche, ce n’est certainement pas d’expérimentation qu’il s’agit ici, tant la maîtrise des moyens employés force l’admiration. Visiblement heureux de déclencher ces explosions de timbres, Benjamin donne l’impression de revivre à la baguette les sensations qu’il a éprouvées crayon en main, malgré le caractère cauchemardesque de la troisième partie, où le contrebasson puis l’euphonium conduisent une sorte de sabbat berliozien qui aurait été revu par Berg.



Simon Corley

 

 

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