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Nouvelle perspective !

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
10/12/2006 -  et le 13 octobre 2006
Johannes Brahms : Concerto pour piano n° 2 – Quatuor pour piano et cordes n° 1 (orchestré par Arnold Schoenberg)
Gerhard Oppitz (piano), Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Marc Albrecht (direction)

Cette fois, c’est parti ! L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg a enfin retrouvé un directeur musical à part entière. Marc Albrecht passe du statut nébuleux de « futur chef titulaire » à une présence régulière tout au long d’une saison 2006-2007 très attendue. Une nouvelle perspective qui coïncide avec un rajeunissement des effectifs, plusieurs titulaires de pupitres importants venant de changer. L'évolution est déjà manifeste dans la programmation, avec un retour marqué de piliers du grand répertoire international au détriment de la musique française (ce qui est dommage, même s’il est vrai que l’orchestre n’a pas prioritairement besoin de se remettre à jour dans ce secteur-là). Mais on constate aussi d’intéressantes tentatives d’ouverture, notamment en assortissant les grandes soirées symphoniques de concerts satellites (récitals assurés le lendemain par le même soliste invité, musique de chambre confiée à des instrumentistes issus de l’orchestre, musique chorale par le Chœur de l’Orchestre Philharmonique récemment fondé…). Ainsi ce concert Brahms de début de saison est-il présenté au sein d’un cycle Brahms proposant en option les soirs suivants le 1er Sextuor pour cordes, des Lieder pour chœur et piano, les Variations sur un thème de Haendel (par Gerhard Oppitz, au cours d’un récital Brahms/Debussy), le 1er Trio… Initiative intéressante, qui tente de compenser le lourd déficit en concerts de musique de chambre dont souffre Strasbourg depuis dix ans.


Espérons que le public suivra… la plupart des conversations d’abonnés portant plutôt pour l’instant sur la nouvelle couleur de la Salle Erasme du Palais de la Musique et des Congrès, repeinte d’un étonnant rouge sombre, entre carmin et sang de bœuf. On s’habitue vite à cette ambiance toute nouvelle, qui fait habilement oublier la disproportion d’une salle trop grande et focalise l’attention sur la rutilance des instruments. A peu de frais voilà ce lieu vieillissant radicalement transformé (si l’on pouvait à présent mieux régler le système de climatisation, loin d’être silencieux, ce ne serait pas inutile non plus).


Le 2e Concerto pour piano de Brahms a toujours bien réussi à l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, qui a accompagné nombre de solistes célèbres dans l’escalade de ce sommet escarpé de la littérature pianistique. Gerhard Oppitz y fait valoir un conséquent bagage d’interprète romantique, qui s’est déjà soldé au disque par une bonne intégrale de l’œuvre pour piano de Brahms, mais sans vraiment soigner son jeu, parfois entaché d'accidents. La pâte est large et sans dureté, les mains allant chercher les divers plans sonores jusqu’au fond du clavier en ménageant des équilibres justes et robustes … Reste que l’on rêverait parfois d’une conception moins continuellement pesante. Heureusement Marc Albrecht parvient à maintenir de bonnes proportions en suivant son soliste au plus près, très beau travail d’accompagnateur relayé par un orchestre en bonne forme, qui parvient vraiment à faire décoller l’œuvre à partir du 3e mouvement (pudiquement chanté par Alexandre Somov, digne successeur de Jean Deplace au pupitre de premier violoncelle).


La seconde partie suscite davantage d’interrogations, surtout quant à l’intérêt du choix de l’orchestration par Schoenberg du 1er Quatuor avec piano. Dans sa version de chambre l’œuvre est fascinante et dense, surtout quand elle est servie par un grand pianiste. En revanche son extension à l’orchestre nous a toujours semblé sonner bizarrement, et en tout cas, contrairement aux assertions de Schoenberg, pas du tout comme du Brahms. La disparition du piano pose problème, la dispersion des lignes des deux mains à l’ensemble de l’orchestre aboutissant à une sensation de compacité sonore vite saturante. L’usage d’une instrumentation moderne offre des possibilités dynamiques supplémentaires, voire quelques climats fracassants qui ont le mérite d’impressionner. Cela dit, difficile de ne pas ressentir à l’écoute de ces quatre longs mouvements une sensation de lourdeur et de manque d’aération, comme si la musique de Brahms se retrouvait prise au piège d’une sorte de gangue caoutchouteuse d’une persistante élasticité. Manque d’affinité du rédacteur de ces lignes avec ce style hybride, parfois aussi peu défendable que les orchestrations d’un Leopold Stokowski ? Peut-être. Quoiqu’il en soit de très grands chefs ont apprécié et défendu cette œuvre, et Balanchine en a même fait un ballet. Alors…
En tout cas Marc Albrecht parvient à mener à bon port un orchestre courageusement concentré, au prix de petites nervosités passagères (quelques sonorités parfois criardes réapparaissent ici ou là, alors qu’elles avaient miraculeusement disparu dans le concerto). Cela dit, dès que s’éteint le dernier accord du Finale : Rondo alla zingarese très enlevé et chaleureusement accueilli, on éprouve surtout l’irrésistible envie de réécouter l’œuvre originale.



Laurent Barthel

 

 

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