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L’épopée de la souffrance

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
09/28/2006 -  
Franz Schubert : Symphonie inachevée, D. 759
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n°13 « Babi Yar », opus 113

Serguei Leiferkus (baryton)
Chœur de Radio France, Vladislav Tchernouchenko (chef de chœur invité), Orchestre national de France, Kurt Masur (direction)


Si Kurt Masur n’avait guère terminé la saison précédente avec éclat, nous donnant un programme Mahler bien peu convaincant (voir ici), son concert de rentrée l’a montré sous son meilleur jour.


La Symphonie inachevée de Schubert, donnée en première partie, laisse d’abord une impression mitigée. Elle peut séduire par une grande générosité dans les phrasés – le thème des violoncelles de l’Allegro est très beau –, par un lyrisme intense, par la création d’espaces sonores et d’atmosphères variées, par une dramatisation très heureuse du propos. Le chef obtient de son orchestre un beau travail sur les nuances, notamment des cordes dans le célèbre passage du début de l’œuvre, qu’on aimerait cependant plus onctueuses. Ailleurs il n’évite pas toujours un certain prosaïsme, peut-être dû à l’ampleur de sa respiration, en particulier dans l’Andante, où la tension n’est pas également soutenue. Bref, les défauts ne sont que le revers des qualités et l’on tient là une interprétation hautement estimable.


C’est néanmoins la Treizième Symphonie « Babi Yar » de Chostakovitch qui marquera nos mémoires. Dans cette épopée de la souffrance – celle des Juifs massacrés, des femmes russes accablées, des victimes de la dictature, des artistes calomniés – Kurt Masur se surpasse. Certes il n’y renie pas son passé de chef est-allemand : on reste plus proche de Leipzig que de Moscou ou de Leningrad, il y a un côté Hanns Eisler dans ce Chostakovitch-là et « Humour » manque un peu de cette ironie typiquement russe qu’y mettait un Kondrachine. Mais la direction impressionne par sa puissance, avec des déflagrations apocalyptiques, par sa noirceur désespérée, à peine tempérée par l’ambigu « Carrière » final. L’orchestre est galvanisé, emporté dans cette implacable machine à broyer mise en route par son chef qui, d’un bout à l’autre, en tient les commandes, ne succombant jamais à la tentation du clinquant ou du bruyant. Est-ce l’œuvre ? On a rarement entendu l’orchestre et le chef communier à ce point dans la musique. Serguei Leiferkus, dont la voix accuse maintenant quelque fatigue, suscitait quelques craintes ; elles ont vite été dissipées : l’aigu et le grave tiennent bon, le chanteur russe a heureusement su éviter de jouer les tsars d’opéra et, remarquable de sobriété dans l’émotion, s’est fait la voix de tous les opprimés, l’usure de l’instrument contribuant à la rendre plus poignante encore. La Symphonie, enfin, n’aurait pas laissé une telle impression sans l’admirable prestation du chœur d’hommes de Radio France qui, grâce au travail de Vladislav Tchernouchenko, a réussi à chanter comme un ensemble russe et à nous entraîner, lui aussi, dans cette descente aux enfers de l’oppression.



Didier van Moere

 

 

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