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Une leçon de chant et de courage!

Paris
Théâtre du Châtelet
04/04/2006 -  
Airs de Haendel, Verdi, Bellini,…
Sumi Jo (soprano)
Vincenzo Scalera (piano)

Après quelques passages remarqués à la Bastille, la soprano colorature coréenne Sumi Jo est assez peu venue à Paris et c’est avec encore plus de plaisir que nous la retrouvons pour un concert sur mesure au Châtelet. Cette chanteuse, très tôt remarquée par Karajan, charme par ses aigus filés, sa douceur dans le legato, sa sensibilité musicale… mais laisse un peu rêveur quant à ses qualités d’interprétation.



Sumi Jo a composé un programme très très ambitieux et il est utile de souligner que sans une technique infaillible, il serait presque inhumain d’assumer un tel répertoire. Certains airs sont plus réussis que d’autres, mais tout est chanté avec brio et assurance. Elle ouvre son récital avec un air immortalisé par Cecilia Bartoli, le fameux “Agitata da due venti” de Griselda de Vivaldi. Elle peut parfaitement soutenir la comparaison au niveau de la vocalise et elle lui apporte même une âme (ce qui très souvent fait défaut à la mezzo italienne). En revanche les graves ne sont pas assez fournis et elle est presque inaudible dans cette partie de sa tessiture. Elle aborde ensuite un air de Bajazet “Sposa, son disprezzata” qui convient mieux à sa voix et dans lequel elle apporte une émotion remarquable: ses “sposa” sont très doux, plaintifs et douloureux. Deux extraits de Jules César de Haendel viennent compléter cette partie baroque. Le premier air “Piangero la sorte mia” est assez beau, les “o” ressemblant à des larmes. Le “Da Tempeste” permet à Sumi Jo de chanter en pleine voix et donc de laisser toutes les harmoniques de sa voix se développer et c’est magnifique! La reprise est en revanche bien loin de la partition. Certes on peut ajouter des ornements dans Haendel mais pas forcément réécrire l’oeuvre! Tout est parfaitement exécuté et elle dessine une Cléopâtre joyeuse, voire euphorique. Elle enchaîne avec la Villanelle de Dell’Acqua. Autant elle se montrait en retrait dans les quatre premiers airs, autant ici elle semble prendre plaisir à chanter et à émerveiller les spectateurs. L’hirondelle devient presque réelle sous sa voix si fluide…et un rayon de lumière parcourt son phrasé. Deux mélodies suivront, Sérénade de Charles Gounod tout d’abord puis La Chanson triste de Duparc. Elle insuffle beaucoup de douceur au premier morceau et la fin, reprise en mezza-voce, est bien émouvante. Mais raconte-t-elle pour autant une histoire? La mélodie de Duparc est exécutée parfaitement mais peut-être trop bien même. En revanche il faut souligner la parfaite intelligibilité de son français. Après avoir enregistré l’opéra Le Toréador de Adam en son entier avec Richard Bonynge, Sumi Jo a porté à travers le monde l’air “Ah vous dirais-je, maman” d’après le fameux thème de Mozart. Cet air est une véritable carte de visite pour la chanteuse car elle peut vocaliser à l’excès, lancer des aigus, dévoiler un souffle extensible, etc… Avec l’air de Linda di Chamounix, la partie à proprement-parler lyrique commence et Sumi Jo est beaucoup plus à l’aise et présente que dans les autres morceaux. Elle abandonne son personnage tout entier à la folie de son amour et son enthousiasme s’entend dans les vocalises. Cet air est tout à fait charmant et elle additionne les notes piquées avec une facilité confondante.
Après l’entracte elle aborde quatre Lieder tirés des Brentano-Lieder. Son interprétation est très forte et inspirée. Ici, elle raconte beaucoup mieux une histoire et c’est moins mièvre que chez Natalie Dessay. Dans un allemand excellent, elle joue avec les mots pour leur donner de la profondeur, par exemple les “un” de “dunkel”, etc… La voix est idéale pour “Amor” et ces Lieder ne lui posant aucune difficulté, elle peut allonger les notes, soutenir les aigus avec aisance. Elle chante ensuite “Wo die Zitronen blüh’n” de Johann Strauss fils avec une élégance toute viennoise. Elle se lance dans une valse pleine de sensibilité et avec un réel sens du rythme. Un petit bijou musical! Elle aborde ensuite l’air de Giulietta des Capuleti e i Montecchi “Oh quante volte” auquel elle apporte des couleurs suaves, des nuances expressives et une beauté qui force le respect. Pour terminer le concert, elle chante le grand air de La Traviata “E Strano”. Malheureusement elle n’est pas vraiment Violetta et on ne sent pas une réelle évolution dans le personnage. Les “ e strano” et les “folie” se suivent et se ressemblent, les vocalises sont là mais n’ont aucun intérêt dramatique. C’est bien dommage car Sumi Jo semble réellement vouloir donner corps au personnage!
Devant un public très enthousiaste, Sumi Jo revient pour donner quatre bis. Le premier est le fameux “O mio babbino” de Gianni Schicchi auquel, il faut bien l’avouer, elle apporte une grande émotion notamment quand elle chante le premier “babbo pieta”. A noter aussi le délicat crescendo et decrescendo sur le “pieta”. Ensuite elle chante avec humour et facilité le “Il Baccio” de Arditi. Vient un chant coréen superbe et délicat. Pour conclure son concert, elle s’adresse au public pour dédier cette soirée à son père enterré le matin même et pour lui chanter l’Ave Maria de Schubert. L’émotion étreint le public qui, succombant à son charme, à sa voix, à son courage et à sa dignité, lui offre une standing ovation!


Le piano de Vincenzo Scalera est tout à fait honnête et il se montre attentif aux tempi de la chanteuse, à ses intentions…Il se montre particulièrement fin dans la mélodie de Duparc et il dessine des vagues de musique.



Même si Sumi Jo n’incarne pas à la perfection tous les personnages, si elle n’habite pas tous les morceaux qu’elle interprète, elle n’en est pas une chanteuse dotée d’une très belle voix, aux multiples nuances. Mais un souci de trop bien faire l’empêche parfois de se laisser prendre par l’émotion et de se montrer généreuse vocalement. Mais toutes ces réserves s’évanouissent face à l’immense courage qu’a eu cette artiste de chanter dans des conditions aussi douloureuses! Et elle l’exprimait si bien dans son Ave Maria




A noter:
- Sumi Jo retrouvera le théâtre des Champs-Elysées le 12 décembre 2006 pour un récital: Donizetti, Bellini, Offenbach…


Manon Ardouin

 

 

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