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Mozart 2006 : coup d’envoi à Berlin

Berlin
Philharmonie
12/31/2005 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Le nozze di Figaro, Ouverture ; Concerto pour piano No 9 « Jeunehomme » ; Symphonie No 38 « Prague » ; Le nozze di Figaro, Finale de l’Acte IV
Emmanuel Ax (piano), Camilla Nylund (La Comtesse), Magdalena Kozena (Cherubino), Christiane Oelze (Susanne), John Relyea (Figaro), Gerald Finley (Le Comte), Burkhard Ulrich (Basile), Konstantin Wolff (Antonio), Orchestre Philharmonique de Berlin, Simon Rattle (direction)

Un concert de l’Orchestre Philharmonique de Berlin dans ses murs reste un événement incomparable, tant l’architecture semble placer ici les musiciens et le public dans des conditions optimales. On a connu ces dernières années l’Orchestre Philharmonique de Berlin dans des formes variables, parfois à la limite de l’acceptable pour une phalange d’un tel niveau. Mais les grands soirs, quand tous les titulaires sont présents dans cette salle circulaire qui les enserre de tous côtés, et qu’un manifeste souci de bien faire émane de chaque section, au garde-à-vous derrière des chefs d’attaque qui veillent à tout, on ne peut que rester ébahi. Voir par exemple s’asseoir côte à côte des artistes de la carrure du flûtiste Emmanuel Pahud et du hautboïste Albrecht Mayer est déjà prometteur. Mais quand l’on s’aperçoit que tout au long du concert on va pouvoir entendre distinctement chacune des notes jouées, avec l'impression de pouvoir appréhender la musique comme à livre ouvert, toutes lignes de la partition superposées, force est de constater que l’on n’assiste plus ici simplement à un concert « frontal » mais à une formidable aventure au cœur du son musical. Un concept éminemment « karajanien » qui n’a pas vieilli (ni le bâtiment ni la salle, conçus par le génial Hans Scharoun, en collaboration étroite avec Herbert von Karajan, ne font leur âge) et qui peut encore fonctionner aujourd’hui, où la recherche quotidienne de la plus belle sonorité possible ne fait pourtant plus partie des priorités essentielles d’un orchestre qui a beaucoup évolué en quinze ans.


Après quelques saisons de familiarisation, Simon Rattle semble en tout cas réussir à mieux concilier ses préoccupations de transparence et de vivacité avec la tradition naturellement plus lourde de l’orchestre, même dynamisé (voire déstabilisé) par la période Abbado. Persistent quelques coups de boutoir mal venus (l’Ouverture des Noces de Figaro, précise et aérée, souffre encore de décharges d’énergie pas vraiment justifiées), quelques aigreurs inutilement soulignées (les hautbois à la fin du 9e Concerto « Jeunehomme »), mais dans l’ensemble le discours est devenu plus homogène et fluide, les musiciens pouvant laisser s’épanouir plus à l’aise leur sonorité. En fait, il nous a semblé assister ce soir-là, ni plus ni moins, à la victoire d’une certaine tradition berlinoise sur les déclarations d’intention d’un chef qui a appris maintenant à écouter avant d’imposer.


Les acquis récents, indéniables, de l’ère Rattle ? Essentiellement des détails, dans l’expressivité des attaques, dans la ductilité de sonorité des cordes aussi, qui parviennent à présent à une musicalité qui ne se borne pas à un homogénéité parfaite. Reste qu’il s’agit-là d’outils supplémentaires, à mettre au service d’une conception architecturale d’ensemble, et que sur ce plan là Simon Rattle nous a semblé une fois de plus relativement limité. Trouver dans l’Andante du 9e Concerto une sonorité de cordes très particulière, classiquement « con sordino » mais ici d’une inquiétude sourde, glaciale comme un jour d’hiver, est une idée intéressante, mais qui n’est pas assortie à un soliste de la trempe d’Emmanuel Ax, mozartien avant tout lumineux et classique, qui ne parvient pas à s’intégrer dans une conception aussi expressionniste. Et affronter la forme plus complexe qu’il n’y paraît de la Symphonie n° 38, «Prague» avec aussi peu de hauteur de vue expose à quelques vrais passages à vide (la fin du développement, très dense, du 1er mouvement, où les musiciens ne font plus que gérer les affaires courantes). Un merveilleux orchestre quand il joue chez lui ? Assurément. Mais il mériterait un chef à sa vraie mesure, ce que Simon Rattle n’est pas encore.


Au demeurant l’évènement reste majeur, et même le public un peu particulier de cette fin après-midi de Saint-Sylvestre, sur son trente et un (c’est le cas de le dire... même si l'étymologie n'est pas la même !) dans l’attente d’un réveillon qui va commencer dès la sortie de la salle (la direction de l’orchestre offre le champagne gracieusement, à qui veut bien tendre la main vers une légion de plateaux disposés à cet effet), semble très impressionné par ce concert exceptionnel, magnifique coup d’envoi d’une année Mozart que l’on souhaite pouvoir vivre aussi fréquemment que possible à ce niveau.


Il est vrai que ce soir-là les œuvres sélectionnées sont d’une qualité d’inspiration sidérante, assurément représentatives d’un génie qui n’a pas pis le moindre coup de vieux, et qu’elles sont servies avec un luxe et un raffinement mémorables. Avec de surcroît le plaisir ultime d’un Final du 4e Acte des Noces de Figaro en version de concert «semi-scénique », pour lequel on n’a pas hésité à engager des chanteurs de renom, au risque de les sous-employer (la splendide Comtesse de Camilla Nylund n’a que quelques passages à découvert, mais d’une telle beauté, il est vrai…).


En bis, les sept chanteurs présents entonneront encore un paisible et recueilli Ave verum corpus, limpide page de sérénité tardive qui fait pourtant passer à l’issue de ce programme festif comme une ombre d’inquiétude sur l’avenir, en cette période de vœux.


Quoi qu’il en soit : excellente année Mozart à tous.



Laurent Barthel

 

 

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