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Une maison qui tourne bien

Berlin
Deutsche Oper
12/28/2005 -  
Donizetti : Don Pasquale
Alberto Rinaldi (Don Pasquale), Markus Brück (Malatesta), Ofelia Sala (Norina), Kenneth Tarver (Ernesto), Yves Abel (direction), Jean-Louis Martinoty (mise en scène), Bernard Arnould (décors), Daniel Ogier (costumes)

Reprise d’un spectacle qui date de l’automne 2003, ce Don Pasquale du Deutsche Oper Berlin surprend par son excellent état de conservation. Loin de l’éclat des premières représentations, la bonne santé d’une maison de répertoire en Allemagne se juge en définitive surtout à l’aune de ce genre de quotidien : la viabilité d’une production après quelques années d’usage. Et ici tout fonctionne encore à merveille, y compris une direction d’acteurs qui ne laisse pas grand place à l’improvisation (on peut compter sur Jean-Louis Martinoty pour y avoir minutieusement veillé, au moins au départ).


La persistance de cet état de grâce s’explique peut-être par la stabilité de la distribution (le chef et trois des quatre titulaires principaux sont encore présents), mais aussi par la complexité du projet initial : une imbrication des gestes et des postures tellement sophistiquée qu’elle se trouve condamnée à fonctionner impeccablement, sous peine de catastrophes. Parfois la foule qui se bouscule sur le plateau est telle que le moindre geste en retard ferait tout tomber à plat, notamment dans l’air d’entrée de Norina, véritable chorégraphie de music-hall. Et de toute façon Martinoty ne laisse jamais un chanteur seul, convoquant au besoin les solistes de l’orchestre (tel l’excellent trompettiste de l’air Povero Ernesto, devenu partenaire scénique à part entière): un excellent moyen d’empêcher la résurgence des automatismes gestuels habituels, fatalité quasiment imparable quand un chanteur italien se retrouve livré à lui-même face aux obstacles de sa partie vocale.


Une telle agitation ne va pas sans quelques impairs musicaux, mais l’excellent Yves Abel reste remarquablement vigilant en fosse, toujours présent pour rattraper au doigt et à l’œil les errements de son petit monde. Reste le problème d’une relative surcharge, péché mignon qui guette toujours Martinoty dans les mises en scènes comiques. Mais la légèreté d’écriture de Donizetti s’accommode en définitive plutôt bien de cette sur-sollicitation visuelle et la soirée passe à toute vitesse.


On apprécie beaucoup aussi le dispositif scénique de Bernard Arnould et les costumes de Daniel Ogier, bourrés de clins d’œil et de trouvailles, qui concourent certainement à l’atmosphère particulière de la production : une impression de vieillerie poussiéreuse et baroque en tous points conforme à l’idée qu’on peut se faire de l’existence quotidienne de Don Pasquale, vieux garçon aigri et collectionneur maniaque (avec ici quelques obsessions drôlatiques : les tableaux de Vierge à l’enfant, les grimoires et les curiosités zoologiques, mais aussi l’omniprésence d’une mort forcément proche, sous forme de « vanités » dont les crânes menaçants acquièrent de plus en plus d’importance au cours du spectacle). Tout cela d’une vivacité et d’une intelligence qui semble avoir échappé aux critiques allemands des premières représentations, acclamées par le public mais éreintées par la presse, apparemment fâchée de ne trouver ici ni néons ni plexiglas ni argumentaires fumeux mais simplement l’excellent travail de grands professionnels de la scène.


Très bon niveau d’ensemble de la distribution, du moins si l’on accepte le Don Pasquale d’Alberto Rinaldi, vétéran désormais usé jusqu’à la corde mais comédien toujours très engagé. Le conséquent Markus Brück, déjà remarqué à Bregenz l’été dernier dans l’étincelant Maskerade de Nielsen mis en scène par David Pountney, incarne un Malatesta scéniquement truculent tout en restant relativement flexible vocalement. La jeune chanteuse espagnole Ofelia Sala prend un plaisir manifeste à aligner des aigus précis, parfois menus, jamais stridents, et Kenneth Tarver confirme ses qualités de ténor belcantiste, toujours fin musicien en dépit d’un timbre métallique.


Remarquable soirée, donc, que l’on espère représentative du niveau général d’une maison qui tourne bien. Car une telle qualité s’avère bien indispensable au quotidien, pour faire oublier la tristesse des locaux du Deutsche Oper, salle très fonctionnelle mais qui date de la période de reconstruction de Berlin Ouest et dont la modernité d’un autre âge devient d’année en année plus lugubre.



Laurent Barthel

 

 

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