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Destin d'une symphonie

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
12/15/2005 -  et le 16* décembre 2005
Richard Wagner : Lohengrin, Prélude de l’Acte 1
György Ligeti : Atmosphères
Dimitri Chostakovitch : Concerto n°1 pour violon et orchestre
Ludwig van Beethoven : Symphonie n°5

Christian Tetzlaff (violon), Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Marc Albrecht (direction)

À moins de compter parmi les cinq ou dix phalanges mondiales les plus sûres, aucun orchestre ne se sent vraiment à l’aise à l’idée d’une confrontation directe avec une partition aussi rebattue que la 5e Symphonie de Beethoven. Il est vrai que ces quatre mouvements ont désormais statut de patrimoine pour le plus grand nombre : au pire un signal réduit à quatre notes caricaturales, au mieux un produit de consommation courante qui défile en boucle sur CD. Depuis la toute première gravure de l’œuvre (Arthur Nikisch à Berlin, en 1913) ce sont presque deux cent versions enregistrées de cette oeuvre que l’industrie du disque aura fait circuler en un siècle, immortalisant la vision de cinq générations de chefs. Et les critiques encyclopédistes d’essayer vainement de trier et qualifier toutes ces versions (les «jusqu’au boutistes», les «classiques», les «énergiques», les «explosives», les «herculéennes»…(sic)), de les remettre en perspective (les « Toscaniniennes » et les « Furtwängleriennes », opposition simpliste mais effectivement pertinente, tant ces deux-là ont vraiment tout dit sur la question), voire de les hiérarchiser (les médiocres d’un côté, et celles avec lesquelles il faut impérativement vivre de l’autre - Furtwängler/43, Kleiber père et fils, Fricsay, Karajan/62 et 82, Giulini/82 -, l’auteur de ces lignes ne pouvant évidemment, lui aussi, s’empêcher d'afficher ses choix…). Bien malheureux destin, en définitive, que celui de cette Symphonie au XXe siècle : lieu commun rabâché jusqu’à la saturation et surtout symbole même de la musique vendue en conserve.


Accueillons donc pour ce qu’elle est l’exécution de cette 5e Symphonie par l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg au cours d’un concert d’abonnement : une belle démonstration de courage. Le critique y remarque quelques très bons passages (la transition, toujours vétilleuse, entre III et IV -lente désagrégation du «trio» fort bien détaillée et crescendo bien dosé-, bel élan ensemble de l’Allegro final…) et y ressent quelques frustrations (l’absence relative de tension dans la gestion des respirations du I, la flûte du II qui pourrait au moins s’efforcer de trouver une sonorité agréable quand Beethoven écrit dolce au-dessus de sa portée…). Mais ce qui importe surtout, c’est que le public puisse réécouter enfin cette symphonie sur le vif dans des conditions honorables.

Et puis c’est là aussi une excellente occasion pour Marc Albrecht de prendre la mesure de l’orchestre dont il aura l’entière responsabilité à partir de la saison prochaine. Un ensemble qui affiche un réel potentiel (des premiers pupitres en net progrès, notamment du côté des cors) mais aussi un manque d’assurance qui oblige le chef à parfois «sur-diriger», sans d’ailleurs obtenir forcément la fermeté d’attaque souhaitée. En tout cas, certainement un bon test, préalable à un travail de fond dont on regrette simplement qu’il ne puisse commencer de suite (aucun autre concert de Marc Albrecht n’est programmé d’ici la rentrée 2006).


L’autre grand chantier de ce nouveau mandat sera de faire évoluer en douceur les goûts d’un public plutôt conservateur, que les programmations courageuses mais parfois déconcertantes de Jan-Latham Koenig avaient notablement incommodé. À première vue, Marc Albrecht sait s’y prendre en douceur : enchaîné sans césure, le collage Wagner/Ligeti ménage ainsi une belle surprise, tour d’illusionniste qui permet de passer insensiblement des cordes étales du Prélude de Lohengrin à la musique de timbres et de bruits d’Atmosphères. Revers d’un tel effet : le centre de gravité d’Atmosphères, une pièce beaucoup plus rigoureusement structurée qu’il n’y paraît, devient plus difficile à déceler. En revanche le caractère novateur voire prémonitoire de l’orchestre wagnérien s’en trouve évidemment souligné.


Dans le 1er Concerto pour violon de Chostakovitch Christian Tetzlaff affronte crânement une partition géante, difficile à habiter sur la durée de phrases violonistiques interminables. Dans les deux mouvements modérés il est passionnant de suivre pas à pas le jeu du soliste, épousant chaque sinuosité d’un archet ferme, n’hésitant pas à écraser les cordes d’un instrument aux couleurs plutôt sombres. Les deux volets rapides déstabilisent en revanche quelque peu un violon devenu moins impérieux, très convaincant dans la Burlesque mais plutôt chahuté dans le Scherzo, où il semble abdiquer de son rôle moteur (des archets davantage solaires, Perlman ou Oïstrakh, ont laissé ici des témoignages plus impressionnants). Magnifique affrontement instrumental en tout cas, bien géré par Marc Albrecht à la tête d’un orchestre attentif.



Laurent Barthel

 

 

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