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Bel hiver

Paris
L'Archipel
11/30/2005 -  
Suzanne Giraud: Le Bel Eté – Zéphyr – Elaboration – Afin que sans cesse je songe – Voici la lune
Isabel Soccoja (mezzo), Clara Novakova (flûte), Delphine Anne (alto), François Kerdoncuff (piano)


Au sein d’une programmation musicale très diversifiée, L’Archipel accueille entre autres des concerts monographiques. Ainsi, après Nicolas Bacri en mars dernier (voir ici), c’est une autre pensionnaire de la Villa Médicis au début des années 1980, Suzanne Giraud, qui était à l’honneur en cette glaciale soirée d’hiver, commentant pour un public fidèle et attentif cinq œuvres qui, couvrant la quasi-totalité de son activité créatrice, de son «opus 1» jusqu’aux années récentes, auront confirmé que ce compositeur se remet sans cesse en question et n’est pas de ceux qui vivent confortablement de formules ou procédés.


Originellement écrit pour baryton, Le Bel Eté (2003), sur un poème d’Yves Bonnefoy, tient à la fois de la mélodie et du cycle, comme une succession de haïkus finement accompagnés par le piano (voir ici). Destinataire de cette adaptation pour mezzo, Isabel Soccoja, sans doute pas au meilleur de sa forme, possède une voix dont l’ampleur contraste en outre avec l’économie de moyens qui caractérise cette musique.


On a d’ailleurs peine à croire que la même plume ait pu être capable des excès et cataclysmes de Zéphyr (2000), mais on comprend en revanche aisément que maint pianiste ait d’ores et déjà été séduit et ait inscrit à son répertoire, malgré son effroyable difficulté, cette pièce d’un quart d’heure, lisztienne dans la fascination de la grande «boîte noire» qu’est le clavier et dans son foisonnement de notes, de trilles et d’arpèges, mais se plaçant également dans la descendance des grandes pages «éoliennes» de la littérature pianistique française (Une barque sur l’océan, Ce qu’a vu le vent d’ouest). François Kerdoncuff déploie le jeu à la fois puissant et coloré, virtuose et raffiné qu’appelle un tel déferlement sonore.


Elaboration (2000) associe les deux instruments que Suzanne Giraud connaît sans doute le mieux pour les avoir longuement pratiqués. Rythmées et ludiques comme ne le laisse pas nécessairement entendre un titre qui oriente sans doute inconsciemment vers quelque chose de plus… laborieux, ces quatorze minutes font, comme Zéphyr, la part belle aux tremolos et notes répétées, mais dans une perspective tout à fait différente, celle d’une partie de cache-cache, où l’alto de Delphine Anne et le piano de François Kerdoncuff s’imitent, s’éloignent puis se rejoignent à nouveau.


Avec ses allitérations sifflantes qui suggèrent déjà la flûte, Afin que sans cesse je songe est le dernier vers d’une chanson de Janequin, dont le texte aussi bien que le thème inspirent cette pièce achevée en seulement quatre jours de juin 2002. Poussant le principe de la variation jusqu’à l’obsession et à l’exaspération évoquées par le musicien de la Renaissance, le propos prend un tour inattendu, rappelant l’esprit d’Envoûtements VI: l’interprète est en effet invité(e) à frapper du pied, à chanter – le souffle se mêlant à la voix dans un geste quasi primitif, magique et incantatoire – mais aussi à mimer. C’est un(e) «flûtiste total(e)» qui est donc ici requis(e) et Clara Novakova assume crânement en même temps qu’avec humour ce solo de près de vingt minutes.


Récemment enregistrée chez Galun records, Voici la lune (1986) résulte d’un remaniement complet de Sept en exil (1982), mélodie pour mezzo, flûte et piano que Suzanne Giraud avait présentée pour son concours d’entrée en classe de composition au CNSMDP: nouveau texte (de Michel Leiris), matériau plus condensé, mais ces huit minutes ne se ressentent pas d’une entreprise pourtant difficile, au dire du compositeur, au point qu’elle s’est juré de ne plus jamais se lancer dans un tel travail de réécriture. Si le style en est sans doute moins personnel, avec une palette très «française» allant de Ravel à Boulez, difficile de résister à son pouvoir de séduction, d’autant qu’Isabel Soccoja, malgré une diction hélas perfectible, convainc davantage que dans Le Bel Eté.


Il était prévu que les quatre protagonistes de cette soirée joignent leurs forces pour donner la création de Rimbaud (d’après L’Eternité), mais ils n’ont pu trouver le temps de mettre en place une partition achevée seulement début novembre. Cette déception est toutefois compensée par l’annonce de la parution, courant 2006, d’un disque qui comprendra notamment Zéphyr et Afin que sans cesse je songe.


Le site de Suzanne Giraud



Simon Corley

 

 

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