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Paris
Opéra Bastille
05/31/2000 -  et 3*, 6, 9, 14, 19, 22 juin 2000
Vincenzo Bellini : Norma
June Anderson (Norma), Sonia Ganassi (Adalgisa), Martine Mahé (Clotilde), Johan Botha (Pollione), Giacomo Prestia (Oroveso), Robert Woroniecki (Oroveso)
Yannis Kokkos (mise en scène, décors et costumes), Guido Levi (lumières)
Orchestre et choeurs de l’Opéra National de Paris, Bruno Campanella (direction)

La grande inconnue de toute représentation avec June Anderson reste l’état physiologique et psychologique (l’autre nourrissant l’un) dans lequel se trouvera la cantatrice ; après une soirée du 31 mai décrite par ceux qui ont assisté comme du plus haut niveau, l’artiste est apparue, le 3 juin, dans une condition assez similaire à celle, moyennement convaincante, de sa prise de rôle européenne en septembre dernier à Genève. On doute cependant qu’Anderson possède l’intégralité des moyens requis par un personnage si écrasant. Le problème réside moins dans la tessiture ou dans le timbre, car le médium est solidement intégré en dépit de sa minceur et les couleurs opalescentes de l’aigu fort séduisantes – avec des caractéristiques comparables, Sutherland parvenait à ses fins – que dans les limites du souffle indispensable à ces phrases crucifiantes et la difficulté manifeste à assumer une écriture faisant la part belle aux larges intervalles et aux attaques autoritaires sur lesquelles l’émission tend à éclater. Mettons les quelques accidents et l’incertitude d’intonation de l’aigu au passif de ce seul soir. Privée de sauvagerie et de grandeur, cette Norma peine à s’imposer durant la première partie de la soirée, sauf bien sûr dans le duo " O Rimembranza ", d’un lyrisme languide et prenant. Même réussite pour " Deh con te li prendi ", après une scène de l’infanticide mieux phrasée qu’incarnée. Tout le final à partir de " In mia man " voit l’artiste à son meilleur, grave à la concentration expressive et à la fragilité touchante, cantabile d’une noblesse et d’une émotion irrésistibles pour " Deh non volerli ", jeu à la fois éloquent et élégant. Les mêmes réserve que pour le chant s’appliquent toutefois à la tenue de scène en première partie de soirée, ce hiératisme tout en courbes ondoyantes et en longs gestes inachevés charmant l’oeil sans forcément conférer sa plénitude au drame ; l’absence de direction d’acteurs n’était pas un atout il est vrai. Pour le reste, la production demeure ce que l’on savait, avec cette forêt où Idéfix et quelques sangliers pourraient débouler à tout moment – moins gênante en fin de compte qu’un vaisseau intersidéral ou un camp de concentration, et magnifiquement éclairée par Guido Levi. Sonia Ganassi, comme à Orange, recueille les lauriers d’un rôle toujours payant : sa voix charnue, au vibrato un peu large mais bien contrôlé, contraste idéalement avec celle plus éthérée de sa partenaire, le style est sûr, le personnage très crédible dans sa sensualité pudique et son idéalisme juvénile. Botha hélas n’est qu’un Pollione bouche-trou (du volume et du timbre, mais pas de phrasé ni d’accents énergiques), Giacomo Prestia dévoile dans Oroveso de magnifiques moyens qu’on attend de voir ailleurs à l’ouvrage. Malgré certaines carences de mise en place (décalages, tendance à précipiter le tempo qui nuit parfois à l’articulation des cordes), Bruno Campanella dose avec un vrai sens théâtral les contrastes de la partition, osant dans le final une retenue et des rallentandi frappants.

De toute manière, la difficulté de l’ouvrage , exaltation belcantiste tournée vers la tragédie lyrique, est bien connue : il repose entièrement sur le rôle-titre, et il y a eu dans le siècle à peine cinq cantatrices capables de l’assumer véritablement. On n’en voudra certes pas à Anderson, avec la légitimité conférée par un parcours et des choix de répertoire d’une constante cohérence, avec ses qualités d’école et de présence aussi, d’avoir tenté de combler le vide, surtout avec l’assurance de l’y voir parvenir en quelques instants de grâce.



Vincent Agrech

 

 

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