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Le triomphe de Sir John!

Saint-Cere
Théâtre de l'Usine
07/29/2005 -  et 3, 6, 11, 14 août 2005
Giuseppe Verdi : Falstaff
Franck Leguérinel (Falstaff), Anne-Sophie Domergue (Nannette), Jean-Baptiste Dumora (Ford), Brigitte Antonelli (Alice), Anne Barbier (Meg), Béatrice Burley (Miss Quickly), Stéphane Malbec Garcia (Fenton), Eric Vignau (Docteur Caïus), Jean-Claude Sarragosse (Pistolet), Jean-Pierre Chevalier (Bardolphe)
Chœur et Orchestre du Festival, Dominique Trottein (direction musicale)
Olivier Desbordes (mise en scène), Patrice Gouron (décors, costumes, lumières), Pascale Fau (maquillage)

Le festival de Saint-Céré laisse la part belle, cette année, à Verdi avec son dernier opéra et le Requiem. Cette production de Falstaff est un pur régal car elle s’appuie sur une mise en scène intelligente, drôle et inspirée et sur une distribution de chanteurs qui ne manquent pas d’enthousiasme et d’ardeur.



La mise en scène est très habile et rend hommage à la volonté de Verdi de faire de cet ouvrage une farce certes, mais avec une morale à la clé. Le théâtre de l’Usine en soi se prête très bien à l’oeuvre: les balcons sont en bois et ce décor permet de recréer au mieux l’ambiance de la Renaissance. La scène en elle-même est une grande table qui sert à la fois de scène et de support pour les aliments qui constituent le festin de Falstaff. Les spectateurs sont tout autour ce qui permet de voir au plus près les expressions des chanteurs mais surtout les maquillages assez fantaisistes: les femmes ont des faux cils immenses, les deux “amis” de Falstaff des nez pustuleux avec d’énormes boutons rouges, Fenton est également affublé de points rouges et noirs sur le visage. Peu de décors donc mais beaucoup d'ingéniosité pour utiliser les accessoires. Le dernier acte est particulièrement réussi puisque les personnages apportent eux-mêmes les feuillages qui, aux quatre coins de la scène, vont former la forêt. De même ce sont les quatre femmes qui plantent le décor de la seconde scène du premier acte avec les linges, les fils, etc… Quelques idées scéniques sont très bien trouvées: quand Falstaff reçoit dans son auberge Miss Quickly, il apparaît derrière un grand rideau rouge soutenu par deux tréteaux, rendant son entrée encore plus théâtrale. A la fin de l’opéra il se dépouille de son grand costume avec son ventre et apparaît seulement en chemise: Olivier Desbordes insiste ici sur le fait que la leçon a porté ses fruits et que Falstaff est un nouvel homme. Que dire aussi de l’arrivée de Falstaff déguisé en cerf et en épouvantail? Une toute petite nuance peut-être serait à apporter à cette production: parfois elle s’emballe un peu et les allusions obscènes sont parfois un peu trop présentes. Le metteur en scène a décidé de monter la version française de cet opéra, toujours sur un livret d’Arrigo Boito.

Franck Leguérinel se détache nettement de la distribution. Il offre un Falstaff étonnant grâce à son don pour la vis comica. Ce chanteur est bien connu du public parisien pour un Baron Puck déchaîné de La Grande-Duchesse de Gérolstein et pour son Momus plein d’humour de Platée. Le festival de Saint-Céré offre la possibilité à de jeunes chanteurs de commencer leur carrière et à d’autres plus confirmés de débuter dans des rôles lourds mais dans des conditions exemplaires de répétitions et de lieux. C’est le cas ici pour Franck Leguérinel qui fait des débuts fracassants dans le rôle. Il apporte beaucoup de douceur au personnage et Sir John n’en devient que plus sympathique. Le chanteur n’est pas avare de nuances, de demi-teintes et de mezza-voce et il s’en sert pour montrer la grande humanité du personnage et, aussi son intelligence. Certes Falstaff est dupé mais cette duperie ne marche que parce qu’il est trop bon et certes imbu de lui-même. Dans le “va vieux John”, il est particulièrement remarquable car il chante tout ce passage avec une grande distance, soulignant le vibrato naturel de sa voix à des fins dramatiques. Dans les différents “l’amour” à la fin du deuxième acte, il ouvre les “a” ce qui rend le personnage encore plus ridicule. Une très belle composition et surtout un grand bonheur vocal!
Le reste de la distribution est honnête avec quelques bons éléments à découvrir. Le Ford de Jean-Baptiste Dumora est une agréable surprise car il apporte beaucoup d’humanité à ce personnage tout en conservant sa colère (assez proche de la folie) dans son air dans l’auberge pendant que Falstaff va se préparer. Il sait également exprimer la douleur du mari trompé avec beaucoup de vérité. La voix est agile et non avare de nuances.
Brigitte Antonelli est une Alice énergique, très convaincante scéniquement mais qui connaît quelques problèmes avec la tessiture et surtout avec la justesse. Elle ne manque pas de verve pour tromper Falstaff et le séduire dans sa sérénade et sa présence scénique rachète quelque peu la déception vocale. Elle possède toutes les notes nécessaires mais son vibrato assez important gâche un chant qui pourrait être plus pur.
Anne-Sophie Domergue est, en revanche, une jeune soprano qu’il va falloir surveiller de près. Elle campe une très agréable Nannetta (ensuite une bien gentille Susanna dans Les Noces) et sa voix cristalline fait merveille dans le duo d’amour avec Fenton tout comme dans l’air du dernier acte, souvent escamoté: ici les notes sont filées sur un joli decrescendo final. Contrairement à certaines autres productions où le personnage est souvent présenté comme une oie blanche, Olivier Desbordes décide de faire de Nannetta une femme déjà formée à la tromperie et à la rouerie et qui est bien déterminée dans ses actions.
Béatrice Burley est une excellente miss Quickly autant scéniquement que vocalement. Elle est irrésistible dans les différents “révérence”, changeant à chaque fois la couleur dans sa voix en accord avec la mise en scène: le dernier est volontairement dit avec mauvaise grâce parce que Falstaff n’a pas été très large pour son pourboire!
Anne Barbier se donne corps et âme pour défendre le personnage de Meg mais malheureusement la voix n’est pas au rendez-vous. Un trop fort vibrato l’empêche de se développer et le chant reste instable. Dommage!
Parmi les quatre commères, ce sont Anne-Sophie Domergue et Béatrice Burley qui tirent le mieux leur épingle du jeu.
Stéphane Malbec Garcia est honnête dans le rôle de Fenton et il possède les notes di grazia pour tenir le rôle. Il apporte toute la naïveté et la fraîcheur nécessaires au personnage.
Enfin des petits rôles, on retiendra le Docteur Caïus d’Eric Vignau qui est ridicule à souhait grâce à un chant précis, incisif.


L’orchestre du Festival est vraiment excellent et la direction de Dominique Trottein est musicale, précise. Le chef ne manque pas de talent pour raconter une histoire en soulignant avec des instruments, par exemple, la folie des commères. Il fait également monter le tension avant le début de l’air de Ford pour laisser éclater toute la violence de la situation.



Une très très agréable soirée et même si les canons vocaux ne sont pas entièrement respectés, il ne faut pas bouder son plaisir et au contraire se laisser porter par la passion qui anime cette troupe de chanteurs. Rarement on aura vu un Falstaff aussi drôle et aussi ardemment défendu.



A noter:
- le spectacle tournera ensuite en France: du 7 mars au 3 juin 2006 (7 mars à Quimper, 10 à Montrouge, 11 à Dreux, 14 à Creil, 15 à Carquetou, 17 à Draguignan, 18 à Martigues, 19 à Clermont-Ferrand, 24 à Rodez, 25 à Albi, 31 à Dijon, 2 avril à Auxerre, 4-11 à Dijon, 9 à Châlon, 30 mai à Alès, 31 mai et 1er juin à Blagnac et 3 juin à Moulins)
- on pourra retrouver Franck Leguérinel dans La Bohème à la Bastille en octobre 2005 et dans Platée à Garnier en avril 2006.


Manon Ardouin

 

 

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