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Une belle œuvre rare

Torino
Teatro Regio
04/12/2005 -  et 14, 17, 20 et 24 avril 2005
Italo Montemezzi : L’amore dei tre re
Roberto Scandiuzzi (Archibaldo), Antonello Palombi -12, 14, 17- / Francisco Casanova - 20, 24- (Avito), Francesca Patanè (Fiora), Carlo Vratogna (Manfredo), Bruno Ribeiro (Flaminio)
Orchestre et Chœur du Teatro Regio, Oleg Caetani (direction musicale)
Guy Montavon (mise en scène), Luisa Spinatelli (décors et costumes), Andrea Anfossi (lumières)


Nul n’est prophète en son pays. En ce début du XXème siècle, si on avait demandé à Italo Montemezzi (1875-1952) où ses œuvres rencontreraient leur public, il aurait pu pointer sur l’Allemagne, post-romantique, ou la France, baignée d’impressionnisme debussyste. Mais c’est … aux Etats-Unis qu’en fait il rencontra ses plus grands succès, essentiellement avec son opéra le plus joué, L’amore dei tre re, L’amour des trois rois. L’Italie ne l’avait pas vraiment adopté, d’ailleurs il vécut longtemps en Californie. Artiste raffiné bien oublié aujourd’hui, Montemezzi, mérite pourtant l’attention. Issu du Conservatoire de Milan aux heures triomphantes du vérisme, il s’essaya à la synthèse d’une ligne vocale ancrée dans la tradition italienne, et d’une texture orchestrale en prolongement direct du wagnérisme.
De ses sept opéras, il ne reste vraiment au répertoire que cet Amore que le Regio de Turin vient de monter, en collaboration avec le Théâtre d’Erfurt.


L’œuvre fut créée à la Scala en avril 1913. Dès 1914, Toscanini, à New York, la propulsa vers la gloire d’une carrière internationale jamais démentie jusqu’au milieu du siècle dernier. Ecrite sur un livret du dramaturge Sem Benelli, réputé en son temps et oublié lui aussi, elle pourrait être qualifiée de « gothique » : une action située dans un Moyen Age très mythique, des personnages emblématiques, du poison, une dramatisation éperdue… Mais tout un faisceau de références plus modernes se greffe sur la trame narrative assez simple, parmi lesquelles symbolisme (les trois caractères masculins figurent, a-t-on dit, la jeunesse -un ténor-, la maturité -un baryton-, et la vieillesse -une basse) et jusqu’à des relents freudiens. Pris au jeu de ces références, le spectateur en appelle à Tristan, à Pelléas, à Boris Godounov, etc… ; de Tristan on retrouve le désir de mort du héros, de Pelléas, l’atmosphère générale désincarnée et la distribution des protagonistes (mais nullement sa composante lyrique), de Boris, bien sûr la figure centrale d’un vieil homme tourmenté et dominateur, à la tessiture de basse profonde. Toutefois la musique se révèle être loin du patchwork. Ce qui frappe le plus c’est cette prééminence de la couleur orchestrale, la densité des accords soutenus par les vents, la concision des phrases aux cordes, des pianissimi pointillistes, voire quelques fulgurances toutes straussiennes. Les arias sont jetés aux orties. Cette allure de poème symphonique tranche avec le substrat vériste ambiant dans lequel s’inscrivait l’opéra.


La réalisation de Turin est exemplaire. Mise en scène très resserrée de Guy Montavon ; peu d’effets, c’est l’action elle-même qui impose sa propre scénographie. L’unicité du décor sculpté de Haut Moyen Age, sauvage et sombre, laisse à de beaux éclairages le dessein de ponctuer l’action. On peut tout au plus regretter que l’unique entr’acte soit situé entre le 1er et le 2e acte, soit après moins de 30 minutes de musique, un déséquilibre assez déconcertant pour la progression de l’action. Oleg Caetani conduisait l’orchestre avec flexibilité, gommant le pathos tout en jouxtant au grandiose, en particulier dans le final du 2e acte.


L’amore dei tre re est un opéra idéal pour une belle voix de basse. Roberto Scandiuzzi, couronné et fort apprécié dans la péninsule, se montre étonnant de présence et possède une voix d’une grande noblesse. Son timbre se déploie magnifiquement. Le rôle de vieillard aveugle, cruel mais complexe, condensé de Golaud et d’Arkel, domine l’opéra. Autour de lui on a noté la belle prestation de Carlo Vratogna, mari qui pour être délaissé et trompé par sa femme n’en est pas moins bouleversant d’humanité, voix bien projetée, diction claire, et de Francesca Patanè, son épouse Fiora, un peu perverse, un peu candide, volontaire, très loin du personnage de Mélisande à qui elle fait immanquablement penser. C’était le ténor Jon Villars qui était programmé pour chanter le rôle flatteur du jeune amant. Indisponible, il fut remplacé à l’improviste. Francisco Casanova, peu crédible physiquement dans le personnage, essaya vaillamment de faire face, malgré des ennuis de santé annoncés d’entrée par la Direction du théâtre.





Alain Dornic

 

 

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