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Vision intérieure

Paris
Opéra Bastille
04/12/2005 -  et 16, 20, 24, 28 avril, 4, 7 mai 2005
Richard Wagner : Tristan et Isolde
Ben Heppner (Tristan), Waltraud Meier (Isolde), Yvonne Naef (Brangäne), Jukka Rasilainen (Kurwenal), Franz-Josef Selig (König Marke), Toby Spence (Ein Hirt, Ein Junger Seemann), Alexander Marco-Buhrmester (Melot), David Bizic (Steuermann)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Paris, Esa-Pekka Salonen (direction)
Peter Sellars (mise en scène), Bill Viola (vidéo)


Sommet de la saison de l’Opéra de Paris, ce Tristan et Isolde, outre sa somptueuse distribution, attirait la curiosité par l’intervention du vidéaste américain Bill Viola, avec la complicité du metteur en scène Peter Sellars. Le dispositif mis en place sur la scène de Bastille sépare le plateau sur lequel évoluent les chanteurs de la vidéo projetée sur le fond de la scène, il n’y a aucune interaction entre les deux et l’absence quasi-totale d’éléments de décor (un lit stylisé) et d’accessoires (des couteaux à cran d’arrêt) fait que l’on peut avoir l’impression d’assister à une version de concert avec vidéo. L’utilisation de la vidéo était en effet plus intégrée à la mise en scène dans la récente Flûte enchantée de La Fura dels Baus (lire ici) avec l’utilisation des trois côtés de la scène pour des projections panoramiques, dans La Damnation de Faust du canadien Robert Lepage (lire ici) où elle est totalement intégrée au décor, ou dans Les Paladins de José Montalvo au Châtelet (lire ici) qui jouent sur l’interactivité avec les chanteurs.


Pour éviter le piège de la simple illustration, ce dispositif minimal oblige les images à posséder une force et une originalité peu communes, à se fondre dans l’œuvre, et celui qui est considéré comme le plus grand vidéaste en activité relève ce difficile défi. L’américain Bill Viola alterne des visions «brutes» (des corps, des visages, de l’eau, du feu) qui possèdent un impact évident, avec des images plus oniriques (un vieil arbre pour représenter le roi Marke, des images floues d’amants enlacés pour le duo du deuxième acte, des corps en apesanteur dans l’eau, un personnage marchant au loin pour symboliser l’attente de Tristan dans le troisième acte). L’approche un peu démonstrative du premier acte (scène de purification par l’eau des deux amants) fonctionne plus ou moins, mais les vidéos des deuxième et troisième actes, plus elliptiques, fusionnent quasi idéalement avec la musique, les sentiments, le texte et offrent une vision intérieure du drame tout à fait captivante.


Concernant le travail de Peter Sellars proprement dit, on s’était habitué à plus incisif, plus original, alors qu’ici on ne dépasse pas la version «semi-staging» avec, en plus, des incohérences dont on ne perçoit pas le sens : à la fin du deuxième acte, Melot frappe Tristan dans le dos alors qu’en réalité ce dernier lui fait face puis baisse la garde, ce qui ne signifie pas du tout la même chose ! A la fin du troisième acte, Isolde, après avoir retrouvé Tristan, reste plantée debout jusqu’à son air final au lieu de s’allonger auprès de lui (le roi Marke disant précisément «Alles Tot», «Ils sont tous morts», en arrivant) ! Mais, sur la durée, la direction d’acteurs se révèle convaincante.


Troisième américain (d’adoption) de l’équipe, Esa-Pekka Salonen, le directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Los Angeles, impressionne par la clarté et la souplesse de sa direction, globalement lente mais toujours animée. Ne s’imposant jamais, les cordes laissent s’exprimer les vents de façon à déployer une lumineuse polyphonie. La ductilité surnaturelle de l’orchestre et l’excellence des solistes nous rappelle qu’il manque une grande version discographique de Tristan avec un orchestre français… Conclusion : à vos magnétos pour la diffusion de cette production à la radio (le 7 mai à 19h sur France Musiques) !


Car la distribution réunie par l’Opéra de Paris s’établit au plus haut niveau que l’on puisse atteindre aujourd’hui avec, en premier lieu, la formidable Isolde de Waltraud Meier, capable d’infinies nuances de timbres et d’une puissance de projection exceptionnelle. Ben Heppner, au souffle parfois contraint, incarne un Tristan remarquable et signe un troisième acte d’anthologie. La splendide basse Franz-Josef Selig campe un roi Marke imposant et touchant, tandis qu’Yvonne Naef (Brangäne) et Jukka Rasilainen (Kurwenal) impressionnent par la maîtrise de leurs rôles.


Une production captivante, originale, qui ouvre une nouvelle porte sur cet opéra à part qu’est Tristan et Isolde.


Le site de Bill Viola



Philippe Herlin

 

 

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