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Rien que pour Roméo Villazon!

Vienna
Staatsoper
03/01/2005 -  et les 4, 7, 10, 13 mars 2005.
Charles Gounod : Roméo et Juliette
Rolando Villazon (Roméo), Juanita Lascarro (Juliette), Morten Frank Larsen (Mercutio), Cornelia Salje (Stephano), Daniela Denschlag (Gertrude), Marian Talaba (Tybalt), Markus Nieminen (Paris), Marcus Pelz (Grégorio), Alfred Sramek (Capulet), Walter Fink (Frère Laurent), Ain Anger (Duc)
Patrick Woodroffe (lumières), Birgit Hutter (costumes), Jürgen Flimm (mise en scène)
Orchestre de l’Opéra de Vienne
Claude Schnitzler (direction)

Pour cette reprise de Roméo et Juliette, le Staatsoper donne au jeune ténor Rolando Villazon l’occasion de faire ses débuts dans cette prestigieuse maison. Il se détache sans aucun problème au sein d’une distribution un peu chaotique et au milieu d’une mise en scène guère représentative de l’oeuvre.



La mise en scène de Jürgen Flimm est laide et assez inexistante: les chanteurs ne semblent guère dirigés. Dans les productions récentes, les metteurs en scène semblent oublier que le balcon est un élément indispensable dans cette histoire et il est ici remplacé par une plaque blanche qui se soulève. L’effet est assez réussi au point de vue esthétique mais Roméo n’aura pas grand mal à escalader ce balcon, en revanche rester en équilibre dessus est plus difficile… Les deux parties ennemies sont clairement distinguées: les hommes de Mercutio-Roméo sont habillés avec des vêtements en cuir et ceux de Tybalt avec des costumes soyeux et élégants. Il n’est pas évident de dater la période à laquelle Jürgen Flimm a voulu placer l’action mais il est certain que ce n’est pas à l’époque de Shakespeare mais plutôt dans un monde intemporel. Les quelques éléments de décor se résument à des échafaudages et les lumières jouent un grand rôle. Au début du second acte, des petites étoiles apparaissent peu à peu mais cet effet si poétique est vite gâché par des spots qui viennent remplacer les points de lumière. L’absurdité attend son comble dans l’air de Stephano où la chanteuse regonfle sa bicyclette: le rapport avec l’histoire et avec ce qu’elle raconte est toujours à chercher…


Rolando Villazon possède parfaitement le rôle de Roméo, rôle qui lui va magnifiquement. Il chante sa partie avec une facilité confondante, ce qui lui permet de tirer le maximum de l’oeuvre de Gounod et d‘apporter de multiples couleurs aux mots et aux notes. Au premier acte il propose un Roméo assez naïf, simple, totalement amoureux de sa Juliette mais dès que la situation devient plus intense, Roméo se sent bien plus responsable de l’action et le chanteur utilise alors des accents plus graves dans la voix et se comporte comme un véritable héros: on pourrait dire, en quelque sorte, que la première partie ressemble à son Nemorino et la seconde à son Hoffmann. La voix gagne de plus en plus dans les graves qui sont somptueux et d’une élégance infinie. Mais c’est surtout les nombreux mezza-voce qu’il convient de retenir comme dans l’air fameux “ah, lève-toi soleil” qui lui vaut un triomphe: il reprend la seconde partie avec une immense douceur pour encore mieux laisser éclater son amour. Mais Rolando Villazon ne serait pas Rolando Villazon s’il ne dispensait pas toute son énergie et toute la puissance de sa voix dans les passages beaucoup plus dramatiques comme dans la dispute entre Mercutio et Tybalt. Enfin s’il ne fallait retenir qu’un instant de toute la représentation, ce serait sans aucune hésitation le “va, repose en paix!” qui conclut le second acte: le chanteur est assis, totalement maître de ses moyens, de son souffle et le temps, l’émotion sont alors suspendus à ses notes. Un grand moment de musique!
Juanita Lascarro obtient un certain succès à la fin de l’opéra mais elle commence la représentation de manière catastrophique: les premières notes aiguës semblent venir de nulle part et elle interrompt la vocalise pour aller les chercher. Quant à la valse, elle se révèle très très laborieuse. Mais peut-être la chanteuse a-t-elle besoin de se chauffer un peu car la suite de l’opéra est assez bien chantée, sans être pour autant interprétée, et l’air périlleux du breuvage est correctement mené avec même une certaine recherche dans la folie amoureuse de Juliette. Mais ce n’est pas pour autant une grande Juliette sauf dans le duo final où elle est poussée par un Rolando Villazon plus déchaîné que jamais et qui la tire vers le haut. Seul vrai moment d’émotion de sa part!
Le reste de la distribution est honnête, voire très honnête à commencer par le Mercutio de Morten Frank Larsen qui interprète avec beaucoup d’expressivité la chanson de Mab. Le chanteur a une grande présence scénique et une franche puissance sonore. Cornelia Salje, en Stephano est également excellente et son air, malgré quelques aigus finaux étranges, est conduit avec intelligence et recherche dans l’interprétation notamment sur les divers “cependant”. Son français est remarquable aussi. Gertrude, chantée par Daniela Denschlag, est très bonne dans son rôle malgré une voix assez faible et un costume, assez déplacé, de japonaise… Marian Talaba débute mal l’opéra avec des premières notes remplies d’air mais ensuite il montre un instrument d’une puissance incomparable avec un timbre très intéressant. Les rôles plus secondaires sont bien tenus et le père de Juliette, Alfred Sramek,, se détache incontestablement.


La direction de Claude Schnitzler pose quelques problèmes car les musiciens et les chanteurs sont constamment en décalage, sans bien sûr parler du choeur qui a au moins plusieurs mesures d’avance. Le chef propose une lecture radicalement tragique de l’oeuvre et ce dès les premières mesures avec une ouverture tonitruante. Au fur et à mesure de la représentation, il apporte des couleurs plus douces notamment dans le magnifique interlude du troisième acte.



Comme il s’agit de la première, il est à souhaiter que les chanteurs vont s’aguerrir un peu et que Juanita Lascarro donnera un peu plus de poids à son personnage. Cette représentation n’a lieu d’être que pour la présence solaire de Rolando Villazon qui débute de manière somptueuse au Staatsoper de Vienne. Le public lui fait une ovation finale plus que méritée et confirme ainsi qu’il est l’un des plus grands ténors actuellement.


A noter:
- Rolando Villazon reprendra le rôle de Roméo à Munich les 23 et 29 avril 2005. Il vient également de sortir son nouveau récital consacré aux airs français (Faust, Roméo, Des Grieux…). Chez Virgin.


Manon Ardouin

 

 

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