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Entre Bach et Wagner

Paris
Théâtre Mogador
02/23/2005 -  et 24 février 2005
Bohuslav Martinu : Pamatnik Lidicim, H. 296
Johannes Brahms : Ein Deutsches Requiem, opus 45

Michaela Kaune (soprano), Matthias Goerne (baryton)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Didier Bouture et Geoffroy Jourdain (chefs de chœur)
Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)


Dans le cadre d’un «Festival Brahms» qui, un an après le cycle proposé par l’Orchestre national et Kurt Masur, permettra à nouveau d’entendre dans la capitale, d’ici le 24 mars, l’intégrale de ses symphonies et concertos, l’Orchestre de Paris et Christoph Eschenbach abordent Un Requiem allemand (1868). Plus encore, sans doute, que d’autres partitions d’une durée comparable (soixante quinze minutes), le Requiem allemand doit il être précédé d’une autre œuvre? Si l’on répond à cette question par la positive, ce qui n’est déjà pas évident, il faut ensuite opter pour une pièce suffisamment longue pour justifier un entracte ou pour une pièce brève sans entracte, sachant que dans ce second cas, celle ci risque de ne pas «faire le poids».


En avril 1999, celui qui n’était alors que le directeur musical désigné de la formation parisienne avait enchaîné Un Survivant de Varsovie de Schönberg et le Requiem allemand, sans interruption et après recommandation au public de ne pas se manifester par des applaudissements (voir ici). Cette année, dans les mêmes conditions relevant presque du cérémonial, c’est le Mémorial pour Lidice (1943) de Martinu qui a été retenu (1). Avec ces deux initiatives originales, Eschenbach, dont l’enfance a été durement marquée par la Seconde Guerre mondiale, entend peut être orienter la «germanité» de ce Requiem vers un hommage à toutes les victimes de cette période tragique de l’histoire européenne.


Mémorial pour Lidice a été écrit immédiatement après la Deuxième symphonie, qui vient d’être programmée à Radio France (voir ici) et qui pourrait être qualifié de volet lumineux de ce diptyque ainsi consacré à la mère patrie. Bien loin d’une stèle granitique, froide et officielle – et même si l’on peut préférer la spontanéité des mouvements lents de certaines des symphonies de la même période (Première et Quatrième) – cette brève élégie à la mémoire d’un village tchèque qui, comme Oradour, fut martyr de la barbarie nazie, prend, sous la baguette d’Eschenbach un tour à la fois expressif et grandiose. Même si la péroraison cite non pas Brahms mais les quatre premières notes de la Cinquième symphonie de Beethoven (dont le rythme imprègne, il est vrai, le troisième mouvement du Requiem allemand) et même si les esthétiques ainsi confrontées demeurent assez éloignées, la transition se fait en souplesse, l’apaisement de la première semblant trouver sa réponse dans le début de la seconde.


Dans ce sommet du répertoire choral, Eschenbach privilégie paradoxalement une approche symphonique, qui met une fois de plus en valeur les immenses qualités des musiciens, avec – faut il ici incriminer à nouveau l’acoustique de Mogador? – un Chœur de l’Orchestre de Paris certes parfaitement malléable et excellemment préparé par Didier Bouture et Geoffroy Jourdain, mais très en retrait, notamment les voix d’hommes. Le chef allemand fait alterner deux conceptions opposées: d’une part, un hédonisme parsifalien, plus extatique que contemplatif, avec des sonorités moelleuses et fondues, une lenteur, un statisme et un souci d’adoucir les arêtes qui siéent mieux aux mouvements extrêmes qu’au troisième mouvement, dont la première partie, inhabituellement résignée et peu rythmée, manque de souffle; d’autre part, l’austérité d’une cantate de Bach, avec ses textures éclaircies, sa transparence, ses fugues aux tempi rapides et son refus du monumentalisme. Ce tableau contrasté est relevé par de rares maniérismes ou effets théâtraux, comme ces longs arrêts précédant aussi bien le départ de la fugue du troisième mouvement que l’accord conclusif des troisième et sixième mouvements.


Accueillie par deux cris aussi stridents qu’inexpliqués, alors qu’Eschenbach n’avait pas encore invité la salle à rompre le silence, cette interprétation aura également frappé par la performance de Matthias Goerne, dans des interventions dramatiques et très travaillées, servies par une souplesse, une ductilité et une rondeur admirables. Handicapée dans un premier temps par des problèmes de justesse, Michaela Kaune, quant à elle, se love sans peine dans l’écrin somptueux offert par l’orchestre.


(1) L’inconvénient tient néanmoins à ce que le Requiem allemand ne fait pas exactement appel aux mêmes forces orchestrales que Mémorial pour Lidice, cinq musiciens (cor anglais, troisième clarinette, deux percussionnistes et pianiste) étant ainsi amenés à quitter la scène au moment jugé le moins inopportun (après la troisième partie du Requiem).



Simon Corley

 

 

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