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Théâtre mental

Paris
Opéra Bastille
01/24/2005 -  et 26, 29 janvier, 1, 4, 7, 10, 12, 15, 18, 20 février 2005
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zauberflöte
Paul Groves (Tamino), Mireille Delunsch (Pamina), Stéphane Degout (Papageno), Erika Miklosa (Königin der Nacht), Ain Anger (Sarastro), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Monostatos), Claire Ormshaw (Papagena), Ingela Bohlin (Erste Dame), Marina Comparato (Zweite Dame), Ekaterina Gubanova (Dritte Dame), Olaf Bär (Der Sprecher), Scott Wilde (Erste Priester), Christian Elsner (Zweiter Priester), Sébastien Ponsford / Jun Suzuki / Alexandre Leprince-Ringuet (Drei Knaben)
Orchestre de l’Opéra National de Paris, Marc Minkowski (direction)
La Fura dels Baus, Jaume Plensa (mise en scène)




C’est à une soirée exceptionnelle, peut être historique, que nous convient le groupe catalan «La Fura dels Baus» et le plasticien Jaume Plensa avec cette Flûte anchantée que l’on semble redécouvrir. L’approche est radicale (mais l’humour est sauf, soyons rassurés) : les personnages de l’opéra apparaissent comme les patients d’un hôpital psychiatrique dont Sarastro serait le grand psychiatre en chef entouré d’aides soignants (les machinistes) habillés de blouses blanches. Mais on ne joue pas ici - heureusement - sur l’oppression et l’enfermement du lieu mais au contraire sur l’exploration mentale qu’il permet : sur les grands murs blancs de la scène sont en effet projetées des images vidéo composées par ordinateur qui représentent les états psychologiques des protagonistes (la peur avec un serpent constitué de mots, l’avidité avec Monostatos se filmant approchant Pamina, la mort avec un cercueil planant comme un oiseau au moment où Pamina veut se suicider) tandis que des modules gonflables de six mètres par trois - sorte de grands matelas - sont dégonflés, regonflés, empilés, juxtaposés, servent de labyrinthe vertical à des figures féminines, et composent ainsi un décor organique, une sorte de matérialisation de la pensée. On ne sait, finalement, si la Reine de la nuit ne serait pas une hallucination de Pamina, elle-même en étant une dans l’esprit de Tamino... Plus que de «théâtre dans le théâtre» nous assistons ici à une déconstruction de l’opéra, à une focalisation sur l’univers mental des personnages, de préférence à la manifestation concrète de leurs interactions. Après le travail sur le texte et le «sens caché» réalisé par les metteurs en scène de théâtre à l’opéra à partir des années soixante-dix, peut être assistons-nous, avec des vidéastes et des plasticiens (après la Damnation de Robert Lepage ici et avant le Tristan de Peter Sellars et Bill Viola en avril), à l’émergence d’un travail sur les représentations mentales des personnages. Une perspective passionnante s’ouvre sans doute devant nous...


Ceci dit, voulant sans doute pousser trop loin son avantage, La Fura dels Baus a souhaité faire réécrire les dialogues parlés par un dénommé Rafael Argullol qui, malheureusement, ne garde rien du livret (et le rend incompréhensible au béotien), nous assène une «poésie» grandiloquente et nulle, et traite le spectateur de «petit lâche» : on lui retourne le compliment pour n’avoir pas su se montrer plus respectueux, du public comme du texte.


L’œil est captivé, les méninges sollicitées (les nôtres aussi !), et l’oreille gâtée : la distribution s’avère en effet remarquable avec un Paul Groves parfait en Tamino, une Mireille Delunsch séduisante et très convaincante en Pamina, l’un des meilleurs Papageno que l’on puisse trouver aujourd’hui (Stéphane Degout), trois dames impeccables, une Reine de la nuit (Erika Miklosa) qui domine la pyrotechnie vocale de ses deux airs, un impressionnant Sarastro (le jeune estonien Ain Anger, un nom à retenir), et, une fois n’est pas coutume, un très bon Monostatos (Wolfgang Ablinger-Sperrhacke). A la tête de l’Orchestre de l’Opéra, Marc Minkowski excelle et prouve son intelligence de la partition en alliant la vivacité à, quand il le faut, la profondeur et l’ampleur du tempo.


Une parenthèse : suite, et pas fin, de notre petit feuilleton concernant les distributions : elles sont désormais imprimées, merci, mais seulement «mises à disposition» du public au vestiaire et non pas offertes dans la salle (comme cela se passe pour la danse à Garnier), résultat, très peu de spectateurs les ont effectivement : c’est mieux que rien mais des progrès restent à faire !


Une soirée qui aurait touché à la perfection sans les élucubrations d’un obscur poète catalan.



Le site de La Fura dels Baus


Philippe Herlin

 

 

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