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Voyage au centre de la musique

Paris
Maison de Radio France
01/23/2005 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Fantaisie, K. 397
Joseph Haydn : Sonate n° 44, Hob. XVI.29
Franz Schubert : Sonate n° 17 «Reliquie», D. 840
Soong Fu Yuan : Atmosphère de minuit – Nuages épais – Jin Ke sur la rivière – Nostalgie
Frédéric Chopin : Polonaise n° 2, opus 26 n° 2 – Mazurkas, opus 50 – Polonaise-Fantaisie, opus 61

Fou Ts’ong (piano)


Avant de prometteuses «Figures françaises» du 18 au 20 mars, Radio France proposait, dans le cadre de son week-end de concerts gratuits intitulé «Figures de voyage Philéas Fogg», un récital au programme aussi copieux que recherché, invitant davantage à l’exploration intérieure qu’à l’exotisme bariolé et permettant surtout de retrouver Fou Ts’ong, un artiste bien discret sous nos latitudes, quoique résidant à Londres.


Frêle silhouette, mitaines et chaise à la Glenn Gould, le gendre de Lord Menuhin, qui fêtera ses soixante et onze ans le 10 mars prochain, tranche sur le tout-venant: au-delà d’une technique très au point, voici en effet un pianiste qui semble constamment sur le qui-vive et dont le jeu, étonnant mélange de distance, d’exigence et de maniérisme, ne mettra pas nécessairement tout le monde d’accord, notamment par sa tendance à souligner le trait, mais auquel on ne pourra certainement reprocher le souci d’avoir toujours quelque chose à exprimer et de captiver l’auditeur à chaque instant.


Dans la Fantaisie en ré mineur (1782) de Mozart, il s’approprie les sautes d’humeur et les changements de tempo imposés par le texte, enchaînant sur une Quarante-quatrième sonate (1774) de Haydn tout aussi fantasque et travaillée, tout à fait dans l’esprit d’un Carl Philip Emmanuel Bach: original sans être excentrique, il sonde jusqu’au plus profond ces trois mouvements dont il ne se contente pas de l’apparence légère ou délicate, même s’il retient des tempi plutôt vifs et s’il sait faire place à la grâce et à l’humour.


Malgré son sous-titre de Reliquie, la Dix-septième sonate (1825), avec ses deux seuls mouvements achevés, appartient au meilleur Schubert et trouve sans doute sa place, par l’entremise de la figure du Wanderer, dans une thématique consacrée au voyage. Sans renoncer à un sens inné des nuances, il rend justice à la portée symphonique du Moderato – qui annonce d’ailleurs le motif initial de la Dixième symphonie et dont il observe la reprise – et respecte le caractère allant, précisément à l’image du Wanderer, de l’Andante.


L’allusion au voyage était sans doute plus explicite en seconde partie, mais tant les souvenirs de la terre natale que ceux des premiers succès n’accorderont aucune concession à la carte postale. Fou Ts’ong a d’abord choisi de présenter quatre brèves pièces (huit minutes) de Soong Fu Yuan, un compositeur américain originaire, comme lui, de Chine: essentiellement contemplatives, à l’exception d’un torrentiel Jin Ke sur la rivière, et s’inspirant pour deux d’entre elles de poèmes chinois anciens (Ve et VIIe siècles), elles restent tributaires d’une esthétique debussyste, mais ne cèdent jamais à la tentation de verser dans la facilité de la couleur locale.


Troisième prix du Concours de Varsovie en 1955, juste derrière Vladimir Ashkenazy, Fou Ts’ong conclut par quelques pièces «nationales» de Chopin, mais passées au scalpel d’une analyse rigoureuse comme destinée à en ôter toute trace anecdotique. La seconde des Polonaises de l’opus 26 (1835) n’en est pas moins altière et inquiète, introspective aussi bien que narrative et dramatique. Virevoltantes et versatiles autant que fermement dessinées, les trois Mazurkas de l’opus 50 (1842) précèdent une extraordinaire Polonaise-Fantaisie (1846), qui, dans une telle lecture, fusionnant construction d’ensemble et attention au détail, n’a rien à envier aux sommets du dernier Beethoven.


Remerciant le public, qui avait entièrement garni les rangs de l’auditorium Olivier Messiaen, Fou Ts’ong offre en bis la septième des Etudes de l’opus 25 (1836), où il donne le sentiment, par son intense concentration, de raréfier l’expression au point d’abolir tout repère temporel: plutôt qu’au Tour du monde en quatre-vingts jours suggéré par Philéas Fogg, c’est bien à une sorte de Voyage au centre de la musique qu’il nous aura convié.



Simon Corley

 

 

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