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Polyvalence

Paris
Théâtre du Châtelet
11/22/2004 -  
Wilhelm Stenhammar : Melodi – I lönnens skymming, opus 37 n° 2 – Gammal nederländare, opus 20 n° 3
Ture Rangström : En gammal dansrytm – Den enda stunden – Vingar i natten
Gabriel Fauré : Barcarolle n° 9, opus 101
Hector Berlioz : La Mort d’Ophélie, opus 18 n° 2
Cécile Chaminade : Ronde d’amour – Ma première lettre – Attente (Au pays de Provence) – La Lune paresseuse
Franz Schubert : An mein Herz, D. 860 – Abendstern, D. 806 – Erntelied, D. 434 – Ellens Gesang I, D. 837
Gustav Mahler : Blicke mir nicht in die Lieder, extrait des «Rückert-Lieder» – Ich ging mit Lust et Aus! Aus!, extraits de «Des Knaben Wunderhorn»
Erwin Schulhoff : Hot music (deux extraits), WV 92
Kurt Weill : Nannas Lied – Die Seeräuber-Jenny, extrait de «Die Dreigroschenoper» –Speak low et Foolish heart, extraits de «One Touch of Venus»

Anne Sofie von Otter (mezzo), Bengt Forsberg (piano)


Dans le cadre d’une série de récitals qui mettra également en vedette, d’ici le 7 juin, Violeta Urmana, Karita Mattila ainsi que Barbara Bonney et Angelika Kirchschlager en duo, le Théâtre du Châtelet accueillait Anne Sofie von Otter, robe rouge se détachant sur le piano et le fond pêche, dans un programme original et varié, mais remarquablement agencé, au travers duquel elle a démontré toute l’étendue de son talent.


La première partie proposait des mélodies suédoises et françaises, clins d’œil successifs à la patrie et au pays hôte – et occasion, sans doute pour beaucoup de spectateurs, de découvrir deux des grands spécialistes scandinaves du genre. D’abord Wilhelm Stenhammar (1871-1927), avec une Mélodie (1917) straussienne, puis A l’ombre de l’érable (1918), plus sibélien, et enfin Le Vieil Hollandais (1904), d’allure populaire. D’emblée, la mezzo suédoise s’impose par sa voix voix remarquablement ductile, apparemment libérée de toute contrainte, par son aisance dépourvue de facilité, par sa clarté d’émission ainsi que par une puissance et un vibrato déployés avec mesure.


Parmi les quelque deux cent cinquante mélodies que laisse Ture Rangström (1884-1947), von Otter en a choisi trois, contemporaines de celles de Stenhammar: Un vieux rythme de danse (1915), en l’espèce une valse, qu’elle mime autant qu’elle chante, L’Unique moment (1917), dont la ligne dépouillée est particulièrement périlleuse, et Ailes dans la nuit (1917), qui ramène aux lieder de Brahms ou de Schumann.


Changement de paysage, mais pas d’époque, avec la Neuvième barcarolle (1909) de Fauré: le pianiste Bengt Forsberg assure ainsi seul la transition vers le XIXe siècle français, même si l’on peut sans doute concevoir un style plus souple et fluide dans cette œuvre.


Avec une simplicité dépourvue de pathos, la cantatrice interprète ensuite La Mort d’Ophélie (1842) de Berlioz, faisant admirer un art des nuances grâce auquel elle peut se permettre de donner une couleur différente à la moindre note, tout en conservant une pureté quasi cristalline, à peine grevée, ici ou là, par quelques aigus pâles ou fragiles.


Son souci de la prononciation et de l’articulation se confirme dans quatre des cent vingt-cinq mélodies de Cécile Chaminade (1857-1944) – une compositrice qu’elle a contribué à faire redécouvrir au disque – au point d’en faire pâlir bon nombre de ses collègues françaises. Merveilleusement dits, ces petits bijoux sans prétention, délicieusement «fin de siècle», possèdent chacun leur charme: un pastiche mozartien (Ronde d’amour), une nostalgie qui annonce Poulenc (Ma première lettre), une maîtrise impeccable, un peu à la manière de Saint-Saëns (Attente), ou bien une subtilité toute fauréenne (La Lune paresseuse).


La seconde partie était dédiée au domaine germanique, du Kunstlied au cabaret en passant par le Volkslied, commençant par quatre lieder de Schubert. Si von Otter insiste peut-être trop sur les effets dans An mein Herz (1825) et dans Erntelied (1816), elle retrouve tout son naturel dans Abendstern (1824) et, surtout, dans Ellens Gesang I (1825), idéalement phrasé, où les mots sont mis en valeur par d’imperceptibles inflexions du timbre.


C’est fort logiquement que s’enchaînent alors trois pages de Mahler: Blicke mir nicht in die Lieder (1901), le troisième des Rückert-Lieder, obéré par le jeu assez dur de Forsberg, puis deux extraits du Knaben Wunderhorn, Ich ging mit Lust (1890), servi un sens inné de la narration et une délicatesse confondante, et Aus! Aus! (1890), où la comédienne s’épanouit pleinement.


Comme en première partie, un bref interlude pianistique nous conduit vers un autre univers, avec deux des dix courtes «études syncopées» regroupées par Erwin Schulhoff sous le titre de Hot music (1928): Forsberg se délecte de la fine ironie de ces rythmes de habanera et de ragtime, entre Ravel et Gershwin.


Avec von Otter, pas plus en allemand qu’en français on ne perd une miette des textes, ce que confirment deux chansons de Kurt Weill sur des poèmes de Brecht: Nannas Lied (1939) et le fameux Jenny-des-pirates tiré de L’Opéra de quat’sous (1928). La mezzo, tel un caméléon, change de registre, sans effort apparent, du récit au chant, en passant par une gouaille très «cabaret» ou une scansion à la Lotte Lenya. L’exercice n’est pas moins réussi dans deux songs extraits de One Touch of Venus (1943), capiteux sans excès, assortis de ce qu’il faut de second degré complice.


Au fil de huit rappels soutenus, elle consent trois bis: retour en Suède, d’abord, avec… Money, money, money (1976) de Benny Andersson et Björn Ulvaeus, l’un des tubes du groupe Abba, accompagné d’un jeu de scène volontairement appuyé;. Plaisir d’amour (1784) de (Johann) Martini et And so it goes (1989) de Billy Joel concluent de façon extrêmement contrastée une soirée riche en émotions.



Simon Corley

 

 

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