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La Parlement de Musique et l’Eglise Saint-Guillaume : un dialogue idéal

Strasbourg
Eglise Saint-Guillaume
10/05/2004 -  
Alessandro Scarlatti : La Giuditta
Céline Ricci (Giuditta), Adrana Fernandez (Ozias), Martin Oro (Oloferne), Vincenzo di Donato (Achiorre), Bruno Rostand (Il Sacerdote Ebreo)
Orchestre du Parlement de Musique, Martin Gester (direction)


Le Parlement de Musique dirigé par Martin Gester s’est acquis une notoriété enviable parmi les ensembles spécialisés dans la musique ancienne, mais il lui reste à s'installer de façon plus tangible et régulière dans la vie musicale strasbourgeoise. Car si les habitants de la métropole alsacienne commencent à mieux connaître «leur» ensemble de musique baroque, ils en gardent la perception quelque peu floue d’une formation qui se produit davantage dans des studios d’enregistrement et des festivals plus ou moins lointains, voire dans d’autres villes d’Alsace, que dans leur propre environnement quotidien. Situation paradoxale qui tend heureusement à se corriger ces dernières années, avec à présent une volonté plus accentuée de s’imposer sur place, dont on ne veut pour preuve que ce concert exceptionnel, accordant aux strasbourgeois la trop rare occasion d’apprécier le travail du Parlement de Musique dans une formation relativement fournie.


Autre sujet de satisfaction : le cadre idéal offert par l’Eglise protestante Saint-Guillaume, dont l’intérieur très sobre, datant pour l’essentiel du XVIIe siècle, immerge immédiatement l’auditeur dans un passé agréablement dépaysant (on se croirait presque à Saint-Thomas de Leipzig, impression d’ailleurs beaucoup plus saisissante qu’un pélerinage dans la vraie Thomanerkirche, tellement transformée qu’elle n’a plus grand chose de commun avec l’édifice paroissial qu’a connu J.S.Bach !). Si l’on ajoute que l’acoustique, pas trop réverbérée, est remarquable pour un édifice de ce volume, voilà certainement un lieu dont le Parlement de Musique gagnerait à faire un possible «chez soi» strasbourgeois, sous réserve évidemment d’une coexistence possible avec les propres institutions d’une paroisse dotée d’une tradition musicale ancienne et fort riche.


La Giuditta d’Alessandro Scarlatti (1693) est à vrai dire une vieille connaissance pour les musiciens du Parlement de Musique, qui l’ont déjà propagée lors de nombreuses tournées. Cette œuvre remarquable passe aujourd’hui légitimement pour un véritable « classique » de l’oratorio italien, genre lyrique complémentaire de l’opéra, stratégiquement très important dans toute la péninsule au XVIIe siècle, de Venise à Rome et Naples. Moins dispersé et bavard que l’opéra à la même époque, préservé d’une certaine futilité par des sujets religieusement et moralement édifiants, l’oratorio italien constitue aujourd’hui une inépuisable mine de découvertes, parmi lesquelles cette Giuditta peut continuer à passer pour un joyau exceptionnel. La qualité mélodique des airs, leurs proportions parfaites (on se situe historiquement ici juste avant la rigidification imposée à l’art vocal par la réforme métastasienne), un formidable sens du théâtre latent (la récurrence de l’étrange chanson belliqueuse d’une Judith presque en transe, pendant qu’elle s’emploie à endormir les derniers soupçons de méfiance d’Holopherne), des récitatifs cursifs, un admirable final d’ensemble...rien ici n'est anodin.


Confronté à un tel chef-d’œuvre, Martin Gester se garde de trop en faire. Gestique avant tout fonctionnelle, phrasés plutôt sobres, absence d’emphase : il s’agit moins d’une interprétation que d’une très belle mise en place, d’une honnêteté appréciable. Les musiciens le suivent avec tout le panache que leurs instruments anciens parfois rétifs sont susceptibles d’autoriser (ce qui ne va pas sans quelques errements pénibles : une pause supplémentaire pour réaccorder les violons au milieu de la seconde partie n’aurait pas été inutile). Quant aux chanteurs, ils ont parfois fort à faire pour rester en mesure dans leurs vocalises parfois redoutables. Petites imperfections qui passent sans problème en direct, mais qui ont sans doute désagréablement pimenté l’enregistrement de l’ouvrage pour la firme Assai, effectué la même semaine que ce concert (un CD attendu avec impatience, compte tenu de l’absence pour l’instant de version discographique pleinement satisfaisante de ce chef-d’œuvre à découvrir).


Côté solistes, les voix sont jeunes, parfois un peu trop d’ailleurs (la Judith émouvante mais à l’émission un peu fixe, voire acide, de Céline Ricci). Les très belles couleurs de l’Ozias d’Adriana Fernandez, l’abattage et l’humour de l’Oloferne de Martin Oro (un contre-ténor dont on entendra certainement reparler), voire la sensibilité de l’Achiorre de Vincenzo Di Donato, méritent en tout cas largement d’être propagés par le disque.


Rien de très nouveau, dans l’absolu, mais certainement la confirmation du génie de l’un des plus grands compositeurs du XVIIe siècle, dont les oratorios et surtout les opéras commencent tout juste à sortir de l’oubli. Et aussi la consécration strasbourgeoise du travail remarquable accompli par Martin Gester, un peu à l’écart des tapages médiatiques (un outil que d’autres ensembles spécialisés maîtrisent mieux), mais d’un professionnalisme appréciable.


Le site de l'église Saint Guillaume
Le site du Parlement de musique



Laurent Barthel

 

 

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