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Monsieur 100 000 volts

Paris
Auditorium du Louvre
10/20/2004 -  
Paul Hindemith : Sonate n°1 «Der Main»
Ferruccio Busoni : Fantasia d’après J. S. Bach «Alla memoria di mio padre Ferdinando Busoni», K. 253
Johann Sebastian Bach : Komm, Gott Schöpfer, BWV 667 – Wachet auf, ruft uns die Stimme, BWV 645 – Nun freut euch, lieben Christen, BWV 734 – Nun komm der Heiden Heiland, BWV 659 (arrangements Busoni)
Serge Prokofiev : Cendrillon, opus 95, 97 et 102 (extraits)

Olli Mustonen (piano)


Dans sa série de concerts «Musique de chambre au Louvre», l’auditorium du musée accueillait, quelques jours après sa prestation dans le rare Second concerto de Schulhoff (voir ici), Olli Mustonen, familier du lieu depuis qu’il y a fait ses début parisiens voici quinze ans, pour un récital dont le programme, à la fois original, chargé et titanesque, rappelait d’autant plus Richter qu’il était donné partition sous les yeux et servi par un jeu d’une formidable puissance. Alors que la combinaison d’une technique impressionnante et d’une personnalité fantasque promettait une soirée captivante, le public, de son côté, n’aura hélas que médiocrement relevé le défi, la salle aux trois quarts pleine s’étant en outre quelque peu dégarnie après l’entracte.


Sous-titrée «Le Main», la Première sonate (1936) de Hindemith ne possède rien de véritablement descriptif, traduisant plutôt la consolidation d’un langage reconnaissable entre tous, fondé sur un riche contrepoint et une tonalité étendue, dont le compositeur allait amplement développer dans les années suivantes. Enchaînant les cinq mouvements de cette partition d’une grande complexité d’exécution, Mustonen y déploie une agilité et une énergie à toute épreuve et, surtout, un style vivant, instinctif, tout sauf tiède, soulignant parfois les accents de façon brutale et imprévisible mais parvenant à concilier hallucination du discours et lucidité des traits virtuoses. Associée à une gestuelle aussi excessive qu’incontrôlée (grands balancements du bras droit pour s’éponger le visage, petits frétillements des doigts pour laisser s’évanouir une sonorité, phrasés accompagnés de courbes aériennes dessinées de la main qui ne joue pas), cette manière, qui peut irriter dans d’autres répertoires (voir ici), présente ici au moins le mérite de sortir cette musique de l’austérité dont on l’accable trop souvent.


Le rapprochement avec Busoni, l’auteur d’une gigantesque Fantasia contrappuntistica, était tout à fait judicieux. Librement inspirée de thèmes extraits de l’Orgelbüchlein, sa Fantaisie sur J. S. Bach (1909) est marquée «A la mémoire de mon père Ferdinand Busoni». Mustonen ose un staccato gouldien dans ces dix minutes aux climats très variés, mais globalement plus méditatifs qu’extérieurs: quatre mois plus tard, la disparition de sa mère inspirera à Busoni sa célèbre Berceuse élégiaque.


A la même époque (1907-1909), Busoni écrit également ses propres adaptations de dix préludes de choral de Bach issus de différents recueils. Le pianiste finlandais en a choisi quatre, de caractère très contrasté: Komm, Gott Schöpfer (BWV 667) et son déferlement de notes, Wachet auf, ruft uns die Stimme (BWV 645), complètement désarticulé, Nun freut euch, lieben Christen (BWV 734), au babil ludique, et Nun komm der Heiden Heiland (BWV 659), dont il fait ressortir le chant douloureusement torturé.


Ainsi qu’il l’avait fait notamment de Roméo et Juliette, Prokofiev a tiré de sa Cendrillon (1940-1944), outre trois suites pour orchestre, trois séries (opus 95, 97 et 102) de pièces pour piano, cependant moins connues que celles extraites de son ballet shakespearien, peut-être aussi parce qu’instrumentalement encore plus exigeantes pour l’interprète. Mustonen en a sélectionné la quasi-totalité (seize sur dix-neuf), représentant au total plus de trente-cinq minutes de musique. Il s’y livre à une débauche de nervosité spectaculaire, de frénésie électrique et de percussion débridée, qui évoque davantage le Prokofiev des années 1910 (Toccata) que celui des années 1940: précédé par une Querelle acérée et réjouissante, même l’Amoroso conclusif de l’Opus 102 offre davantage de passion que de souplesse ou de moelleux. Cela étant, il sait aussi mettre en valeur le génie mélodique de ces miniatures, par exemple dans la Valse lente de l’Opus 95 ou dans le Pas de deux (Adagio) de l’Opus 97.



Simon Corley

 

 

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