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Festival d’Ambronay : 25 ans de musique ancienne, et quelques nouveautés

Ambronay
Abbatiale d'Ambronay
10/09/2004 -  
Samedi 9 octobre
Vivaldi : La Fida Ninfa
Ann Hallenberg (Licori), Alexandrina Pendatchanska (Morasto), José Moreno (Narete), Marie-Nicole Lemieux (Elpina/Giunone), Philippe Jaroussky (Osmino), Lorenzo Regazzo (Oralto/Eole).
Ensemble Matheus, Jean-Christophe Spinosi (direction)


Dimanche 10 octobre
Roland de Lassus : Motet Dulces Exuviae ; Missa Tous les Regretz ; Lamentationes a Cinque, pour le vendredi saint.
Ensemble Huelgas, Paul van Nevel (direction)


Monteverdi : Selva morale et spirituale III
Choeur de la Maîtrise St Marc, Nicolas Portes (chef de choeur)
Ensemble Elyma, Gabriel Garrido (direction)


Au fil des ans, le festival est devenu thématique (cette année Charpentier, un Français à Rome, co-organisé avec Catherine Cessac), et s’est développé de multiples manières. Il faut annoncer de grands changements : après la création en 2000 du Réseau Européen de Musique Ancienne (European Early Music Network, voir www.rema-eemn.net), Ambronay se transforme en « Centre culturel de rencontre » permanent. Tout au long de l’année vont se croiser élèves, enseignants, chercheurs, et divers publics. Dans cette lignée, Ambronay organisait les 17 et 18 septembre dernier un colloque sur les rapports entre musique et sacré, où l’on pouvait notamment entendre le philosophe Raymond Court et l’extraordinaire spécialiste de musique liturgique qu’est Jean-Yves Hameline. On ne peut que saluer une aussi belle réussite générale, qui mérite d’être soutenue au plus haut point.
Après la création l’an dernier d’un Orlando Furioso, Vivaldi revient sous la direction énergique de Jean-Christophe Spinosi. La Fida Ninfa, RV 714, opéra en trois actes recréé spécialement pour Ambronay en version concert est composé sur un livret du dramaturge véronais Scipione Maffei, à l’occasion de l’ouverture du Teatro Filarmonico de Vérone en janvier 1732.
L’intrigue est embrouillée comme il convient pour le répertoire seria. Tout commence déjà avec des hétéronymes : sur l’île de Naxos, on retrouve deux frères enlevés de l’île de Syros par le corsaire Oralto. Osmino, rebaptisé Morasto est devenu un lieutenant d’Oralto, tandis que Tirsi, captif, est repabtisé … Osmino. Bien sûr, l’un et l’autre ignorent leur parenté. Toute l’intrigue va se jouer sur la redécouverte de l’identité, qui coïncidera avec la redécouverte de l’ancien amour d’Osmino-Morasto sur Syros, et le serment de fidélité de Licori, récemment enlevée par Oralto. Il faudrait aussi signaler que Tirsi-Osmino et Oralto sont amoureux de la captive. Mais passons sur les détails et les chassés-croisés …
A l’inverse du scénario, le découpage dramatico-musical des scènes est bien caractérisé, et chaque moment se présente comme une unité, un élément de sens efficace. Dès l’ouverture, la direction tonique de Spinosi sait faire preuve de finesse et insiste sur les contrastes. Le premier air de Morasto met en scène des vagues de fond intérieures que Spinosi souligne avec le ‘ventre’ liant de l’orchestre, créant ainsi une sorte de plénitude de la complainte. Alexandrina Pendatchanska, qui se sort fort bien d’un rôle aigu, est remarquable dans plusieurs airs de déploration (magnifique Dite oimé de la scène 10, acte III), et de virtuosité (scène 11 de l’acte I par exemple). Si dans les scènes 10 de l’acte II et 6 de l’acte III elle rencontre quelques difficultés avec la longueur des vocalises, elle a l’art des terminaisons impressionnantes et parfaitement timbrées dans tous les registres. Lorenzo Regazzo a également une belle voix, mais gâtée par d’innombrables et constantes grimaces, sans doute pour atteindre quelque effet ‘théâtral’. Marie-Nicole Lemieux campe une convaincante Elpina, très joueuse et qui emporte la mise (scène 1 de l’acte III).
Du point de vue de la cohérence dialogique, signalons la disparition de la scène 5 de l’Acte II, de la scène 4 et 8 de l’acte III, et de nombreux autres récitatifs ; sans doute pour réduire cette partition à la taille humaine d’un simple concert. Mais ces légères remarques n’entament en rien le plein succès que fut cette soirée.

Paul van Nevel présentait un programme Lassus particulièrement bien préparé. La finition d’ensemble, qu’il s’agisse de la prononciation ou de la résonance était irréprochable. Le travail du matériau vocal est rôdé à l’extrême et permet de magnifiques tutti comme des passages infinitésimaux, à l’image de l’ensemble Hilliard.
On pourrait signaler qu’une enquête sur la parole religieuse devrait compter avec ce contexte curieux de proférations de paroles de croyance, de textes religieux dans ce rituel laïc du concert, au sein d’une société que l’on présente comme sécularisée. C’est l’un des biais de survie de la latinité finalement assez original. L’ordinaire de la Missa latine ne subsiste plus, dans beaucoup de pays, que par le biais de la musique ancienne …

Les liens entre le bouillant Gabriel Garrido et Ambronay sont forts et anciens. Souvent réinvité, enregistré et attentivement suivi, l’ensemble Elyma est particulièrement apprécié d’un bon public. En deux ans, ils auront donné ici l’intégrale de Selva Morale , un des sommets de l’oeuvre de Monteverdi, qui en compte beaucoup. On entendait cette fois le troisième volet. C’est désormais bien connu, le très dynamique chef sud-américain installé en Suisse promeut une interprétation pleine de sève. Toutefois, si la personne Garrido force la sympathie, il arrive que l’on soit plus mitigé sur le manque de finition et de rigueur de certaines représentations. Le début est frappant et réussi : il place en entrée l’incipit des fameuses Vêpres. Mais par la suite, il arrive que l’enthousiasme se meuve en rythmique un peu banale, et que l’ensemble se laisse porter par la partition. On retiendra toutefois de beaux moments, véritablement habités : Laudate pueri primo, a cinque concertato ; Sanctorum meritis secondo a voce sola, avec un Manfredo Kraemer en pleine forme dans ce dernier. L’aspect solistique du Salve Regina a tre voci permet de retrouver une grande subtilité et une véritable méditation.



Frédéric Gabriel

 

 

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