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Une Italienne enlevée!

Paris
Opéra Garnier
09/11/2004 -  et les 14, 17, 20, 23, 27, 30 septembre et les 3, 5, 8 octobre 2004.
Gioacchino Rossini : L’Italiana in Algeri
Viviva Genaux (Isabella), Bruce Sledge (Lindoro), Simone Alaimo (Mustafa), Alessandro Corbelli (Taddeo), Jeannette Fischer (Elvira), Elena Zhidkova (Zulma), Luciano Di Pasquale (Haly)
Marina Draghici (décors et costumes), Guido Levi (lumières), Niky Wolcz (chorégraphie), Andrei Serban (mise en scène)
Choeur et Orchestre de l’Opéra National de Paris
Bruno Campanella (direction)

C’est avec une reprise de la toujours réjouissante Italienne à Alger que s’ouvre cette nouvelle saison de l’Opéra National de Paris, dans la production brillante d’Andrei Serban qui signe là un travail inventif, soigné et drôle. Pour l’occasion, quelques-uns des meilleurs spécialistes du répertoire rossinien ont été convoqués et ils prennent un réel plaisir à défendre cette partition.



Dès l’ouverture, la figure d’Isabella est présente car le rideau s’ouvre sur la vue d’une longue perche qu’entoure une femme en carton: préfiguration de l’héroïne à venir. Les décors sont assez simples et intemporels puisque la première partie se déroule dans des bains où Elvira est en compagnie de sa cour et les murs se résument à des briques rouges sur lesquelles trône un immense portrait de Mustafa. La grande salle du trône est symbolisée par des coussins dorés et d’un luxe tout oriental. Sinon la scène est assez nue et c’est à l’aide de toiles et de lumières que les différents lieux sont matérialisés. En revanche l’accent est porté sur les accessoires qui sont empreints d’un certain humour. Ainsi lorsqu’Isabella chante son air si langoureux “Per lui che adoro”, elle se retrouvée affalée sur un fauteuil rouge en forme de bouche. Les animaux occupent une grande place dans cette production puisque Mustafa se déplace rarement sans son tigre, exécutant des pas de danse comiques, et des flamants roses apparaissent çà et là tandis qu’un zèbre fait son entrée au deuxième acte. L’Italie est constamment mise en avant avec certains gags assez savoureux: ainsi dans l’air d’Isabella au deuxième acte, tout un ballet d’Italiens intervient avec des costumes aux couleurs nationales et les figurants forment avec des rochers le territoire italien sans oublier la Sardaigne. Dans la fameuse scène de la cérémonie du “Pappataci”, des danseuses arrivent, l’une portant une pizza aux poivrons, semble-t-il, en lieu et place de tutu et une autre, une immense bouteille de Chianti qui porte encore les marques de sa conservation grâce à la poussière.


Globalement la distribution est exemplaire à l’exception du ténor Bruce Sledge. Couronné par le concours Operalia-Placido Domingo et par d’autres tout aussi prestigieux, ce jeune chanteur possède une qualité de voix assurément intéressante mais il ne parvient pas encore à nuancer son chant et à le plier aux exigences d’un rôle et d’une intention dramatique: son instrument reste assez peu coloré, ses attaques sont parfois légèrement fausses et ses vocalises ne sont pas d’une grande propreté. Ces quelques réserves apportées, on ne peut que louer son engagement scénique, comme dans la scène de la cérémonie du Pappataci, et la puissance de sa voix, ainsi que son habileté dans les passages épouvantables à articuler (duo avec Mustafa “Se inclinassi a prender moglie”)
L’adéquation de Vivica Genaux à l’univers rossinien n’est plus à démontrer. Ses vocalises forcent l’admiration ainsi que sa verve comique et sa présence scénique. Mais si elle possède des graves, ils restent toujours aussi laids et comme la partition d’Isabella est davantage écrite pour une contralto que pour une mezzo, cette partie de la tessiture est constamment convoquée. En revanche dès qu’elle passe dans le medium ou bien dans l’aigu, la chanteuse déploie un instrument magnifique, puissant (car les graves sont parfois inaudibles notamment dans les ensembles) et riche de nuances: elle sait se montrer mutine dans le duo du premier acte avec Taddeo en utilisant des sons doux. Elle dessine également une Isabella franche et énergique, n’hésitant à jouer les aguicheuses pour séduire au mieux Mustafa et cette femme sait parfaitement manipuler et Mustafa et Taddeo et Lindoro.
Simone Alaimo est un Mustafa qui frise l’idéal scéniquement et vocalement, même si la voix semble un peu métallique au début de la représentation. Il brosse un Bey autoritaire certes, mais également sensible et complètement stupide face à Isabella comme dans le finale du premier acte. Il apporte une touche d’humour à l’écriture de Rossini notamment dans son premier air où il amplifie, voire ridiculise, les longues vocalises. Mais c’est surtout quand il se fait ordonner Pappataci qu’il est le plus irrésistible, tranquillement juché sur une chaise dans les airs, et avalant un immense plat de spaghettis.
Alessandro Corbelli est parfait dans le rôle naïf et un peu idiot de Taddeo. Il sait très bien jouer les abrutis comme dans la scène de la cérémonie du Kamaikan où, monté sur les épaules d’un figurant, il avance avec peu de grâce, jouant sur son chapeau beaucoup trop grand: une sorte de bourgeois gentilhomme dans toute sa splendeur! Le chanteur apporte avec sa voix mille et une nuances pour enrichir son interprétation: il se montrer sensible quand il s’adresse à Isabella dans leur duo du premier acte, mais également tétanisé de peur devant la menace du pal de Mustafa où il donne un tremblement tout à fait dramatique à ses notes. Alessandro Corbelli est un des rares artistes à savoir ne pas jouer un personnage mais à être le personnage, ce qui le rend littéralement irrésistible dans son entrée en scène après le naufrage où chaussé de palmes il tente de faire la cour à Isabella.
Les rôles plus secondaires sont également très bien tenus à commencer par Jeannette Fischer qui campe une Elvira touchante et en même temps horripilante lorsqu’elle poursuit constamment son bey de mari. Rossini lui va décidément très bien et son joli timbre corsé lui permet de donner du poids à ce personnage, souvent laissé à des chanteuses avec peu de volume. La jeune Elena Zhidkova séduit par son timbre velouté et expressif: elle parvient à intensifier son rôle, assez annexe à l’intrigue, grâce à une présence scénique indéniable et à une voix qui sait briller dans les ensembles. Luciano Di Pasquale est un Haly plein de verve et son air si doux au deuxième acte laisse percevoir une grande musicalité qui ne demande qu’à s’épanouir dans des rôles plus importants.


Bruno Campanella est égal à lui-même et fait sonner magnifiquement un orchestre qui va devoir se plier au ballet des directeurs musicaux. Il dirige magistralement l’ouverture en apportant des ralentissements expressifs et en laissant peu à peu monter la tension. Il adopte un tempo très rapide pour le final du premier acte, mettant parfois à mal certains chanteurs, mais tout cela concourt à rendre très vivante cette partition. L’introduction de l’air “Per lui che adoro” est savoureux car il insuffle un certain humour dramatique aux notes piquées et aux solos de flûte, rendant la scène encore plus drôle. Les Choeurs, pour une fois, sont très bons et ils apportent des nuances intéressantes notamment dans le choeur initial.



Une bien joyeuse Italienne qui ne manquera pas de divertir un large public qui, d’ailleurs, n’a pas boudé son enthousiasme. Les artisans de cette production ne se ménagent pas pour apporter vie et drôlerie à une oeuvre qui est l’une des plus inventives de Rossini. Pour une fois qu’une mise en scène et une distribution se rencontrent pour offrir un spectacle de qualité, profitons-en!



A noter:
- on pourra retrouver Jeannette Fischer dans Le Barbier de Séville (Berta) du 20 décembre 2004 au 6 février 2005 à la Bastille.
- le trio Alessandro Corbelli, Simone Alaimo et Bruno Campanella se reformera pour un Don Pasquale très prometteur au Covent Garden du 27 novembre au 17 décembre 2004 (en compagnie de Juan Diego Florez)


Manon Ardouin

 

 

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