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Sans artifice

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/22/2004 -  
Ludwig van Beethoven : Bagatelles, opus 126
Franz Schubert : Sonate en la mineur, D. 845
Robert Schumann : Davidsbündlertänze, opus 6

Richard Goode (piano)


C’est Piano aux Jacobins qui présentait Richard Goode, déjà apparu dans ce festival toulousain en 2000 – comme Nelson Freire, venu écouter son confrère quatre jours après avoir donné, en ces mêmes lieux, un inoubliable Concerto de Schumann (voir ici) – et en 2002. Pour cette soirée, le pianiste américain, dont la renommée ne s’est réellement faite que tardivement, dans les années 1990, avait choisi trois œuvres formant un programme chronologiquement (1824-1837), géographiquement et esthétiquement concentré, dont deux qu’il avait déjà retenues il y a deux mois dans un récital new-yorkais (voir ici).


Dès les Bagatelles opus 126 (1824) de Beethoven, il impose une manière à la fois exigeante et personnelle, jouant moins sur la sonorité ou la couleur que sur la clarté de l’articulation, y compris dans les passages les plus véloces. N’hésitant pas à être sec, voire percussif, sans pour autant marteler les notes, il transcende le caractère de miniature de ces pièces par une approche tout sauf humoristique ou alanguie. Car si son visage, dont les lèvres semblent parfois énoncer le nom des notes, se montre toujours expressif et si l’on entend ici ou là des grognements quasi gouldiens, c’est en contraste avec l’économie des moyens employés, par lesquels il n’en parvient pas moins à suggérer beaucoup, par exemple dans l’Andante amabile e con moto de la dernière Bagatelle de ce recueil.


Avec la Sonate en la mineur D. 845 (1825) de Schubert, Goode démontre également son aptitude à maîtriser la grande forme. Ne trahissant pas la réputation de grand beethovénien qui le précède, il continue à délivrer un discours intimidant, péremptoire, d’une ampleur symphonique, violent, marqué par un refus des concessions ou de l’amabilité. Le phrasé de la question/réponse initiale, avec un gruppetto ciselé à la perfection, témoigne d’emblée d’une lecture éloquente sans être rhétorique, intelligente sans être didactique. Si la technique n’est jamais utilisée à des fins purement décoratives, elle ne s’en révèle pas moins à toute épreuve dans l’Andante poco mosso à variations, qui, sans être précipité, est néanmoins pris dans un tempo traduisant une considérable prise de risques. A nouveau, le Trio du Scherzo confirme cette capacité – sans doute héritée de son professeur, Rudolf Serkin – à dire tant en usant de si peu d’effets. Intransigeante, hautaine, impérieuse ou frénétique, sans le moindre à-côté anecdotique, sa vision de cette sonate n’est pas sans affinités avec ce que Badura-Skoda en avait fait plus tôt dans la saison (voir ici).


En seconde partie, les trop rares Danses des compagnons de David (1837) de Schumann, quoique peut-être un rien plus extérieures, conservent ce mélange de rigueur d’ensemble et de liberté dans le détail, avec des pièces vives particulièrement fantasques et versatiles, sans toutefois verser dans l’excentricité. Les pièces plus lentes, quant à elles, plus particulièrement la septième (Nicht schnell), la quatorzième (Zart und singend) et l’avant-dernière (Wie aus der Ferne), fascinent par une respiration qui paraît constamment naturelle et par une manière étonnante de faire naître l’émotion dans une atmosphère délibérément raréfiée.


Ce succès public sera couronné par trois bis qui n’offriront pas le moindre relâchement: le second Nocturne de l’opus 55 (1843) de Chopin, à la péroraison impalpable, puis le troisième des Klavierstücke de l’opus 119 (1892) de Brahms, très allant, droit et impeccable, et enfin la Sarabande de la Première partita (1726) de Bach, bien au-delà de toutes les querelles sur l’opportunité de recourir à un instrument moderne.



Simon Corley

 

 

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