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Coup d’envoi

Fontainebleau
Nemours (Chapelle des tanneurs)
05/14/2004 -  
Alexandre Tansman : Quatuor n° 3
Franck Krawczyk : Quatuor n° 2 «Coda»
Franz Schubert : Quatuor n° 15, D. 887

Quatuor Aviv: Sergey Ostrovsky, Evgenia Epshtein (violon), Shuli Waterman (alto), Rachel Mercer (violoncelle)



Fondée en 1987 et toujours animée par Georges Zeisel, l’association ProQuartet, dont le centre des activités est situé à Fontainebleau depuis 1997, organise jusqu’au 13 juin ses cinquièmes «Rencontres musicales»: sept concerts au Château (Salle de la Belle cheminée ou Salle des colonnes), présentant les vedettes (les quatuors Alban Berg, Szymanowski et Diotima, les pianistes Brigitte Engerer, Leon Fleisher et Vladimir Krainev, ...), et dix «promenades musicales» dans les églises de Seine-et-Marne, destinées aux «jeunes talents» du quatuor, parmi lesquels on relève toutefois des formations qui ont déjà acquis une certaine notoriété (Aviv, Castagneri ou Psophos). Cette année marque également le lancement des travaux du Centre européen de musique de chambre qui, implanté dans la Cour des offices (Quartier Henri IV), désaffectée depuis 1967, permettra, à l’horizon 2006, de regrouper sur un même site les missions de l’association (enseignement, concerts, expositions, conférences, médiathèque, auditorium).


L’édition 2004 des Rencontres musicales permet, au-delà du grand répertoire classique, romantique et moderne, de saluer, après la République tchèque (2002) et la Hongrie (2003), la Pologne, dans le cadre de «Nova Polska» (la saison polonaise en France), avec Szymanowski, Bacewicz, Lutoslawski, Penderecki, Panufnik et Gorecki, mais aussi deux Polonais dont le nom demeure plus particulièrement attaché à Paris, Chopin et Tansman.


La Chapelle des tanneurs de Nemours (un ancien orphelinat des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul racheté et transformé par la ville en centre social et culturel) accueillait le Quatuor Aviv, quatre Israéliens dont la jeunesse ferait presque oublier qu’ils font équipe depuis sept ans et qu’ils ont à leur actif un deuxième prix ex-aequo obtenu en 2003 au concours de Bordeaux. On regrettera dès lors que l’acoustique puissamment amplificatrice du lieu n’ait pas permis d’apprécier toutes les nuances de leur jeu ou l’équilibre entre les pupitres, avec la sensation, dès le mezzo forte, d’entendre un orchestre de chambre.


Alexandre Tansman (1897-1986) fait partie de cette Ecole de Paris qui, durant l’entre-deux-guerres, rassembla autour d’une esthétique néoclassique, des personnalités essentiellement originaires d’Europe centrale et orientale, au premier rang desquelles Martinu, mais aussi Harsanyi, Mihalovici ou A. Tchérepnine. Né à Lodz, Tansman, comme Harsanyi ou Mihalovici, prit la nationalité française en 1938 (et, pour la petite histoire, épousa la même année la pianiste Colette Cras, fille du compositeur breton). D’une durée d’un quart d’heure, son Troisième quatuor (1925) obéit à la forme habituelle en quatre mouvements. Délicat divertissement aux couleurs bien françaises, d’une écriture plaisante, à la fois claire et contrapuntique, l’œuvre rappelle Milhaud, notamment dans un Rondo final qui intègre des éléments populaires, mais aussi les premiers quatuors de Malipiero (qui, comme Tansman, en écrivit huit).


Benjamin de ces Rencontres musicales, Franck Krawczyk (trente-cinq ans) présente avec un certain sens de l’autodérision son Second quatuor (1996), dédié aux Ysaÿe. Il y a d’ailleurs quelque provocation à sous-titrer une pièce «Coda»: cependant, comme il l’indique lui-même, non seulement ce quatuor d’une dizaine de minutes tient, par son langage, une place tout à fait part dans sa production, mais il faut comprendre «coda» comme le moment où, traditionnellement, les conflits tonaux se résolvent. Cela dit, grâce un discours original (quoique d’une remarquable économie de moyens, fuyant les effets spéciaux), l’atmosphère tonale ne se transforme pas pour autant en manifeste néotonal, mais évoque davantage la «nouvelle simplicité» de Wolfgang Rihm, avec son caractère énigmatique, répétitif et finalement peut-être mélancolique, fait de références et de souvenirs davantage que de citations. Les trois courtes sections consistent successivement en une sorte de lamento sur des notes longuement tenues, en la répétition de petites cellules de plus en plus brèves, jusqu’à une impression de disque rayé (métaphore de l’impossible coda?), et une conclusion plus lyrique, bien que toujours fondée sur des microstructures mélodiques.


Du Quinzième quatuor (1826) de Schubert, contemporain des derniers quatuors de Beethoven, mais dont les modulations, le discours et la dilution des repères temporels annoncent plutôt Bruckner, les Aviv donnent une lecture passionnée, dramatique et symphonique, sans verser dans un pathos permanent, à l’image de la haute tenue du violoncelle de Rachel Mercer dans l’Andante un poco moto. Violent et précis, le Scherzo contraste avec la gracieuse indolence du Trio. Tourbillon fantastique et ininterrompu, aux accents très marqués, l’Allegro assai final traduit une importante prise de risques.


En bis, les musiciens choisissent Tchaïkovski, un relatif outsider dans le domaine du quatuor, avec l’Adagio cantabile de son Premier quatuor (1871), auquel le premier violon Sergey Ostrovsky confère un charme délicieusement désuet. Choix d’autant plus judicieux que le jeu avec sourdines prescrit par la partition convient nettement mieux à l’acoustique.


Si, malgré la satisfaction visible des spectateurs, la greffe n’a pas encore tout à fait pris à Nemours (12000 habitants), il faut décidément espérer que les autres «Promenades musicales», qui prendront place dans des villages de Seine-et-Marne, trouveront un public à la hauteur de la qualité de ces manifestations.



Simon Corley

 

 

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