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Orages berlioziens à Baden-Baden

Baden-Baden
Festspielhaus
03/27/2004 -  
Hector Berlioz : Requiem « Grande Messe des Morts »
Paul Groves (ténor), Europa-Chor-Akademie, Joshard Daus (direction), Orchestre Symphonique du SWR de Baden-Baden et Freiburg, Sylvain Cambreling (direction)

Conçu sur un principe de rentabilité comparable à celui de l’Opéra Bastille, bâtiment auquel il ressemble un peu par ses imposantes proportions, le Festspielhaus de Baden-Baden apparaît toutefois mieux conçu, avec un moindre éloignement des places de catégorie moyenne, et surtout une meilleure acoustique. Même les ensembles de chambre et les orchestres baroques ne s’y diluent pas trop. Quant aux vastes formations, elles y tiennent à l’aise, sans effet de dispersion ni d’écrasement. Lieu idéal donc pour une œuvre hors normes comme le Requiem de Berlioz, dont on connaît les contraintes d’équilibre sonore. Une tradition malheureuse, initiée il est vrai par le compositeur lui-même, a fait de ce Requiem un mastodonte qui ne peut s’épanouir que dans une certaine surenchère d’effectifs. Ces ensembles pléthoriques posent des problèmes de place, et donc de salle, obligeant à quitter les lieux de concert conventionnels pour des solutions plus larges (théâtres antiques, basiliques, voire palais des sports) avec à la clé les déperditions acoustiques que l’on peut imaginer, voire l’appel à des renforts surnuméraires… une spirale sans fin! Ici, à Baden-Baden, le compromis trouvé se révèle idéal : un orchestre de grande dimension, mais qui n’a de démesuré que la surenchère de cuivres et de timbaliers expressément prévue par la partition, un confortable effectif de 150 choristes, et une salle à la réverbération raisonnable. La localisation de deux petits ensembles de cuivres sur les étroits balcons latéraux apporte un effet de spatialisation appréciable, sans pour autant les déconnecter visuellement du chef. Bref, ce sont là des conditions favorables comme le Requiem de Berlioz n’en trouve que rarement (sans même aborder ici le problème de l’écoute au disque, toujours réductrice et frustrante…).


L’Europa-Chor-Akademie est un ensemble choral à géométrie variable, alimenté par plusieurs universités allemandes, voire des délégations d’étudiants issus d’autres pays de la communauté européenne. Dans tous les cas il s’agit déjà de chanteurs de bon niveau, à la technique éprouvée et en pleine possession de leurs moyens. L’homogénéité d’âge et la préparation soigneuse de cette formation nous vaut ici une prestation remarquablement percutante, d’une plénitude qui permet à la masse chorale de se faire entendre (voire comprendre) même à travers les tutti orchestraux les plus violents (et tant le dies Irae que le Lacrymosa en comportent quelques-uns de tonitruants). Ce qui n’exclut pour autant ni nuances ni subtilité des phrasés (merveilleux Sanctus, ou tout le monde se met au diapason du raffinement de Paul Groves, excellent ténor soliste).


Quant à l’Orchestre Symphonique du SWR de Baden-Baden et Freiburg, dont on connaît pourtant l’habituel savoir faire, il laisse ici bouche bée. On est bien sûr impressionné par la sûreté des cuivres, digne d’une phalange américaine (les fanfares du Dies Irae, attaquées à froid et pourtant irréprochables) mais surtout par la palette des couleurs, inépuisable, manifestement acquise au cours d’une fréquentation assidue du répertoire contemporain. Il est évident que flûtes, trombones et petite harmonie n’ont pu s’inventer une telle variété d’intonations qu’au contact régulier des défis techniques imposés par Sciarrino, Kagel ou Globokar… de quoi mettre en avant les aspects les plus visionnaires de ce Requiem, qui supporte en tout cas remarquablement bien ce traitement décapant.


À Sylvain Cambreling ne reste plus qu’à encadrer la masse chorale avec une vigilance de tous les instants, voire à laisser ici ou là se déchaîner la violence orchestrale sans jamais perdre le contrôle de l’ensemble : un Requiem aussi peu sulpicien que possible, visionnaire, un peu déconcertant aussi, pour un public parfois perplexe, qui s’attendait peut-être à une œuvre plus facile d’accès. Mémorable soirée en tout cas, qui surchauffe le génie berliozien jusqu’à son expression la plus dérangeante. À réécouter ultérieurement à Lucerne, Freiburg, Leverkusen et Francfort (respectivement les 28/3, 31/3, 1/4 et 2/4/2004), mais peut-être pas dans des conditions acoustiques aussi privilégiées.




Laurent Barthel

 

 

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