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Les "musicales" : printemps schubertien à Colmar

Colmar
Théâtre Municipal
03/18/2004 -  
Franz Schubert : Quatuor n° 13 D. 804, Quintette pour cordes D. 956
Alexander von Zemlinsky : Quatuor n° 3

Quatuor Prazak, Marc Coppey (violoncelle)

L’offre touristique de la ville de Colmar ne se limite pas à un musée mondialement réputé et au charme de vieux quartiers où il fait bon flâner. Le dynamisme de quelques bonnes volontés locales y attire aussi chaque mois de juillet une appréciable cohorte de musiciens d’envergure mondiale : politique artistique empirique, qui relève parfois davantage de la cooptation et du maillage que d’un réel projet cohérent, mais qui vaut chaque été à un public fidèle de vivre quelques événements musicaux de premier ordre.

Plus prudente, la première édition printanière des « Musicales » de Colmar (nouvelle formule des « Jeudis au Vieux Colmar », manifestation auparavant placée en fin d’été et relativement confidentielle), affiche aussi des ambitions plus aiguisées. Structure légère, limitée à des concerts de musique de chambre, mais projet mieux ciblé et programme homogène, organisé cette année autour des chefs d’œuvre de Schubert. La lecture de l’affiche fait rêver à plus d’une reprise : le Quintette pour cordes par le Quatuor Prazak et Marc Coppey, le rare et fantasque pianiste Valery Afanassiev pour un récital et un concert en trio (avec David Grimal et Marc Coppey), le baryton Wolfgang Holzmair pour une soirée de Lieder, le Quintette « La Truite » et l’Octuor par une remarquable brochette de jeunes solistes à découvrir… difficile de proposer mieux. Un vrai professionnalisme est de rigueur, jusque dans l’équilibre des programmes (quelques excursions judicieuses : Haydn, Zemlinsky, la création du 3e Quatuor de Jacques Lenot…), le choix du lieu (la salle du théâtre de Colmar, rénovée, acoustiquement confortable), et même une amusante affiche, dessinée par Tomy Ungerer. Quant au principe d’accumuler tant de richesses en un laps de temps très court (huit concerts en quatre journées consécutives), il semble lorgner vers les folles journées nantaises, et sans doute à juste titre. On peut toujours épiloguer sur cette nouvelle tendance à « s’en fourrer jusque là », qui gaspille en quelques dizaines d’heures ce qu’on étale d’habitude sur une saison entière. Mais le public suit, et avec lui une couverture médiatique plus efficace, alors pourquoi pas ?

Ce jeudi soir l’auditoire du concert d’ouverture, encore un peu clairsemé, semble surtout local (il en aura peut-être été différemment lors des journées suivantes, le temps libre du week-end aidant). En tout cas silence et attention sont bien là, et permettent de s’imprégner tranquillement, de tout près, de l’étonnante sonorité du Quatuor Prazak. Niveau prestigieux, musicalité ensorcelante, homogénéité des attaques, et pourtant, constamment, de curieux clivages liés au jeu très personnel de chaque instrumentiste : violoncelle sonore et déboutonné, alto au contraire assez sourd, qui joue très « en dedans », second violon techniquement moins assuré que le leader, qui fait quant à lui assaut de traits aériens mais parfois en surface, d’un archet un peu court, dont on apprécierait parfois plus d’ampleur. Mais ce sont là davantage des particularités que des défauts, et on peut même supposer que cette individualisation des lignes, relativisée par une rythmique irréprochable, concourt aujourd’hui au succès des Prazak dans le paysage trop uniformisé du quatuor à cordes international. Difficile en tout cas de résister ici aux deux derniers mouvements du Quintette D. 956, où l’élégante présence du violoncelle de Marc Coppey ouvre encore davantage le faisceau des sonorités, source d’échanges d’une intensité mémorable.

Excellent programme aussi, qui interpole entre le 13e Quatuor et le Quintette D. 956 de Schubert une autre forme de mélancolie viennoise, celle du 3e Quatuor de Zemlinsky, dont les Prazak accentuent à plaisir les lividités fantomatiques et les émois atonaux, qui n’ont rien à envier en envergure et en richesse de construction à la Suite lyrique de Berg, presque exactement contemporaine.

Passionnante soirée inaugurale donc, pour une manifestation à laquelle on souhaite un bel avenir.



Laurent Barthel

 

 

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