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L'occasion d'entendre un jeune Rossini!

Reims
Grand Théâtre
02/14/2004 -  et le 15/02/2004*.
Gioacchino Rossini : L'occasione fa il ladro
Chantal Perraud (Berenice), Chantal Santon (Ernestine), Benoît Bénichou (Alberto), Jean-Claude Saragosse (Martino), Jacques Calatayud (Parmenione), Eric Trémolières (Eusebio)
Sylvie Martin-Hiszka (costumes), Arnaud Jung (lumières)
Dan Jemmet (mise en scène)
Ensemble Matheus
Jean-Christophe Spinosi (direction)

Oeuvre de jeunesse de Rossini (il n’a que vingt ans), L’occasione fa il ladro ne possède certes pas les qualités comiques de L’Italienne à Alger ou plus dramatiques de Tancrède mais elle compte déjà de bonnes idées qui s’épanouiront au cours des autres opéras du compositeur. Assez peu représentée et ne comptant qu’une seule référence discographique, cette petite comédie mérite largement d’être redécouverte et interprétée par de jeunes artistes qui y mettent tout leur coeur.



La mise en scène de Dan Jemmet est simple, efficace, jolie et assez drôle, par exemple, lorsque Alberto se présente à sa fiancée et lui offre un cactus qu’elle va ensuite poser à côté d’un grand nombre d’autres. Serait-ce une allusion au nombre de ses prétendants? Le metteur en scène s’aide des costumes de Sylvie Martin-Hyszka pour transposer l’action au far-west sûrement en partant de l’idée que Parmenione est un aventurier. Le décor de Denis Tisseraud est unique et l’action se situe dans un ancien wagon, dont le restaurant et les compartiments servent à délimiter les différents espaces scéniques. Les personnages se servent beaucoup des rideaux qu’ils tirent pour exprimer leur colère ou leur bonheur. Dans les opéras de Rossini, le final regroupe tous les personnages selon un certain code et, ici, Dan Jemmet joue à la fois sur la particularité musicale mais aussi sur la complexité de la situation et des échanges des identités des protagonistes en faisant passer les chapeaux de l’un à l’autre.


La distribution n’est pas vraiment homogène et c’est surtout Chantal Santon qui se détache. Cette jeune chanteuse commence à se faire remarquer notamment en participant à de nombreux concerts avec Gérard Lesne et son ensemble Il Seminario Musicale. La voix est claire, puissante, expressive et elle campe une Ernestine déterminée dans son amour. La chanteuse fait évoluer son personnage - ce qui est loin d’être évident dans un opéra aussi court - et si elle apparaît un peu en retrait au début de l’oeuvre car elle n’est que la servante-amie de l’héroïne, elle prend un autre reflet lorsqu’elle se fait reconnaître de Parmenione comme la sœur d’Alberto.
Après avoir remporté un grand succès dans Zémire et Azor de Grétry la saison dernière, Chantal Perraud déçoit beaucoup ici. Même si elle est très à l’aise sur scène, elle n’a pas vraiment l’agilité vocale et les qualités requises pour un tel rôle. La voix est assez belle et assez prometteuse sur certaines notes mais elle reste trop fluette, mince et peu puissante. Elle apporte toutefois au personnage de Berenice un air mutin, fin et se donne au maximum lors de son air “Vicino è il momento”.
Jean-Claude Sarragosse tient le rôle de Martino, sorte de Figaro avant l’heure, avec grand talent et il montre une rigueur de diction et de phrasé qui rappellent qu’il a commencé au sein du choeur des Arts Florissants. Il apparaît à l’aise scéniquement et remporte un grand succès avec son air du deuxième acte dans lequel il brosse le portrait de son maître en s’aidant de tout ce que contient la valise.
Jacques Calatayud possède des qualités évidentes mais pourquoi persiste-t-il à essayer de chanter à la manière de Ruggero Raimondi? On retrouve exactement les mêmes inflexions, le même timbre et la même manière d’arrondir les notes et qui n’appartiennent, normalement, qu’à la basse italienne. Ceci dit, le chanteur dévoile un timbre assez beau dans les passages qu’il contrôle moins car trop rapides ou trop aigus qui laisse penser qu’il devrait permettre à sa voix de prendre sa véritable couleur. Jacques Calatayud a beaucoup d’assurance en scène et il parvient même à rendre son rôle sympathique en conférant une certaine vérité dans l’amour qu’il éprouve pour Ernestine.
Benoît Bénichou a déjà une sérieuse carrière de ténor rossinien derrière lui et il possède ce phrasé si particulier à cette esthétique. Mais s’il est pétri de bonnes intentions, la voix ne suit pas toujours et elle reste assez peu puissante malgré un timbre assez agréable. Son jeu scénique est intéressant et il joue parfaitement les amoureux transis, un peu naïfs, et les rivaux luttant jusqu’au bout pour leurs belles. Il interprète son air “Se non m’inganna il core” avec une grande sincérité et une belle émotion et il amoindrit ses légers problèmes vocaux par un engagement rare.
Le tuteur d’Ernestine est joué, plutôt que chanté, par Eric Trémolières avec humour. Il se montre drôle et un peu dépassé par les événements et assume parfaitement le parti de faire de ce “père” un naïf et un impulsif.

Jean-Christophe Spinosi délaisse Vivaldi pour se tourner vers Rossini, un compositeur qui l’inspire aussi beaucoup et auquel il apporte un souffle intéressant et surtout vivifiant. Il n’accumule pas les effets en jouant vite ou en rendant cette oeuvre plus drôle qu’elle ne l’est mais en ajoutant des petites touches humoristiques par-ci par-là et surtout subtiles. Comme dans ses merveilleuses interprétations de Vivaldi, le chef sait apporter une certaine douceur à la musique et surtout il donne une lecture très intelligente de l’oeuvre. Dans l’ouverture, il sait faire monter le drame par étape, sans précipitation et avec minutie. L’ensemble Matheus sonne toujours aussi bien et on ne sait quel pupitre louer le plus tant les violons sont d’une précision parfaite (les notes hachées avant l’air de Parmenione dans le premier acte) et tant les vents savent se montrer astucieux.



L’occasione fa il ladro est une oeuvre réjouissante à écouter, servie par de jeunes chanteurs qui se prêtent au jeu avec enthousiasme et conviction. Espérons que de nouvelles(re)découvertes musicales seront envisagées dans les prochaines années car, après une Verita in cimento si magnifique, la collaboration entre Jean-Christophe Spinosi et l’Arcal semble des plus prometteuses.




A noter:
Cet opéra sera en tournée dans plusieurs villes (Le Mans 12 mars, Rennes 1 ,2 & 4 avril, …) jusqu’en avril et sera donné au Théâtre des Champs-Elysées le 29 mars 2004.


Manon Ardouin

 

 

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