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L’enfance, hier et aujourd’hui

Paris
Cité de la musique
01/31/2004 -  et 1er février 2004 (Maisons-Alfort)
Georges Bizet : Jeux d’enfants, opus 22
Salvatore Sciarrino : Efebo con radio
Claude Debussy : Children’s corner – La Boîte à joujoux (orchestrations Caplet)

Sonia Turchetta (soprano)
Orchestre national d’Ile-de-France, Tito Ceccherini (direction)


Suite du cycle «Enfances – Contes et récits» à la Cité de la musique, avec quatre regards distanciés – par le propos ou, tout simplement, par le simple effet du temps écoulé – sur l’enfance, ses figures obligées (jouets, danses, musiques et chansons), mais aussi cette attendrissement inévitablement teinté de mélancolie: une partition contemporaine et trois œuvres françaises qui, outre le fait de s’inscrire dans la thématique enfantine, ont toutes en commun d’avoir originellement été écrites pour piano. De la musique destinée à la jeunesse, sans doute, mais pas exclusivement, car non seulement elle s’adresse probablement à cette part d’enfance qui, dit-on, ne s’éteint jamais complètement en nous, mais aussi parce qu’elle se veut aussi une musique sur l’enfance.


Piano à quatre mains, à l’origine, pour Jeux d’enfants (1871) de Bizet, dont il a regroupé dès 1872 cinq des douze pièces en une «petite suite d’orchestre». De façon délibérée, le compositeur a privilégié une certaine distance en faisant primer, dans l’intitulé de chacun des morceaux, l’aspect formel plutôt qu’une référence directe à l’enfance, laquelle ne vient qu’ensuite, entre parenthèses. A la tête de l’Orchestre national d’Ile-de-France, Tito Ceccherini caractérise chacune de ces miniatures et si la trompette solo n’est pas heureuse dans la Marche (Trompette et tambour), l’Impromptu (La Toupie) est précis à souhait, le Duo (Petit mari, petite femme) délicieusement lyrique et le Galop final (Le Bal) mordant.


Children’s corner (1908) de Debussy a été orchestré en 1911 par le fidèle André Caplet. Si Docteur Gradus ad Parnassum constitue un défi difficilement relevé, le reste de cette courte suite destinée à sa fille Chouchou (Claude-Emma) est mieux venu: pour peu que l’on accepte un certain épaississement des textures et un côté moins allusif par rapport à la version originale, Caplet sait faire preuve d’un humour, d’une légèreté et d’un élan qui manquent parfois malheureusement à l’interprétation.


Double distanciation dans Efebo con radio (1981) de Salvatore Sciarrino, qui consiste en la description concrète – y compris chuintements dus aux changements de fréquences, parasites, «réclame» et «actualités» – de ce que l’on pouvait entendre dans les années 1950 à la radio, qui diffusait entre autres une musique surannée (années 1920), constituant donc elle-même un reflet du passé. Paradoxalement, cette distanciation passe, comme dans Autorittrato nella notte (1982), par… un autoportrait (voir ici), puisque Sciarrino fait ici revivre ses propres souvenirs. Au cours de ces dix minutes, il se montre parfaitement égal à lui-même: richesse conceptuelle de la démarche (outre la distanciation, on peut y voir une réflexion sur la réalité et son imitation), écriture virtuose et astucieuse (le bruitage est réalisé sans recours à la technique ou à l’électronique, même si les instruments sont parfois utilisés de manière inhabituelle), humour entre ironie et tendresse (la soprano conclut sur les mots: «Nous avons transmis, de Salvatore Sciarrino, Efebo con…»). L’orchestre, à effectif restreint (bois, cors et trompettes par deux, trombone, percussion, harpe et cordes), produit à la fois la musique et son brouillage, des bribes de chansons ou de texte finissant par s’imposer de plus en plus longuement, avant de céder à nouveau face au bruit, qui reprend peu à peu le dessus. Sonia Turchetta et Tito Ceccherini, familiers de l’univers de Sciarrino, restituent avec bonheur cet album musical jauni.


Si Children’s corner a rapidement donné lieu à une adaptation chorégraphique, Debussy a conçu d’emblée La Boîte à joujoux (1913) comme un ballet, qui devait initialement être confié à des marionnettes. Mais ici aussi, c’est Caplet qui achèvera l’orchestration pour une création (posthume) en 1919. Entrecoupée d’(auto)citations, l’œuvre n’est sans doute pas la meilleure de Debussy, mais le jeune chef italien sait mettre en valeur l’efficacité dramatique de cette narration fragmentaire et décousue.


Inexplicablement, le public n’a rempli que les deux tiers du parterre de la grande salle de la Cité de la musique. Est-ce dû à la brièveté du programme (soixante-cinq minutes)? Car l’orchestre n’est décidément pas en cause, faisant preuve d’une belle sonorité d’ensemble, quoique peu aidée par l’acoustique très réverbérée d’une espace trop peu rempli. Et il faut se réjouir qu’un «chef principal» lui ait enfin été donné à compter de septembre 2005, en la personne de l’Israélo-Américain Yoel Levi, qui l’avait dirigé avec succès en mars dernier dans un programme Prokofiev comprenant notamment Pierre et le loup (voir ici): l’enfance, encore et toujours...



Simon Corley

 

 

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