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Soprano impétueuse et ténor subtil…

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Théâtre antique
08/04/2003 -  
Airs de Lalo, Verdi, Gounod, Donizetti…
Elizabeth Futral (soprano), Marcelo Alvarez (ténor)
Orchestre de la Suisse Romande
Pinchas Steinberg (direction).

Le concert lyrique de l’édition 2003 des Chorégies d’Orange est consacré aux airs d’opéras français et italiens. Annoncée souffrante Ruth Ann Swenson est remplacée par une autre américaine Elizabeth Futral, étrangement absente des scènes parisiennes. Reprenant une grande partie du programme initial établi par sa collègue, elle ajoute un échantillon des airs qui ont assuré son succès. Marcelo Alvarez commence à devenir un habitué de la scène du théâtre antique et il nous offre un portrait passionnant et magnifique de ses grands rôles présents et à venir.



Bien qu’en retrait dans la première partie du concert, le ténor poursuit son exploration du répertoire français avec grand bonheur. Après avoir enregistré un disque consacré aux célèbres airs français, peu à peu il interprète l’opéra complet sur scène. Marcelo Alvarez ouvre son récital avec la romance de Mylo ”Vainement, ma bien-aimée” tirée du Roi d’Ys. Il apporte des accents particulièrement doux et subtils à ce passage et entame l’air en mezza voce. Abordant Roméo d’ici peu, le chanteur distille l’hymne au soleil avec un immense talent. Il ne se montre avare ni dans les pianissimi, ni dans les retenues et encore moins dans les tenues de notes. Roberto Alagna, titulaire récent de ce rôle, n’a qu’à bien se tenir! Marcelo Alvarez choisit de chanter sans forcer Lalo, Gounod et malheureusement on perd beaucoup avec le vent qui, même s’il était relativement faible, ne permet pas d’apprécier toutes les notes et toutes les nuances.
Dans la partie italienne de ce concert, Marcelo Alvarez reprend le fameux air de Rodolfo de Luisa Miller et semble le posséder encore mieux qu’au moment des représentations londoniennes de ce printemps. Même s’il était parfait et s’il avait remporté un triomphe plus que mérité, son travail présentait une ébauche alors que maintenant, débarrassé d’une mise en scène certes inexistante mais frustrante, il peut laisser le personnage se développer et vivre. Quant à des Grieux, dont son interprétation est en passe de devenir une référence absolue, et à Edgardo de Lucia, ces deux rôles sont joués et chantés avec une totale maîtrise. Dans Manon, il lutte jusqu’au bout, tente de résister à Manon et sa voix traduit cette hésitation. S’appuyant sur une diction excellente et qui s’améliore au fur et à mesure des années, il enlève au personnage de Des Grieux tout ce côté mièvre.

Il est indéniable que Elizabeth Futral a une voix charmante, une technique solide mais elle ne semble pas utiliser tous ces atouts pour faire de son récital un moment d’exception. Qu’elle soit Juliette, Manon ou Lucia, peu semble lui importer, du moment qu’elle parvient à produire des belles notes. Très à l’aise en scène, elle tente de (sur)jouer les personnages au détriment d’une véritable expressivité vocale. Bien que Lakmé soit l'un de ses plus grands rôles, sa prestation est loin, très loin d’être convaincante. Détaché de son contexte, le fameux air des clochettes sert à faire briller les sopranos coloratures. Encore faut-il que les vocalises soient correctement exécutées, ce qui n’est pas le cas ici: les notes piquées (sans parler de la note finale) ne le sont pas, les gammes ne sont pas conduites jusqu’au bout et la dernière note est fausse d’un demi-ton. Pourtant Elizabeth Futral adopte un tempo assez lent ce qui devrait avantager se prestation… Il est possible de faire les mêmes remarques pour le “Caro nome” de Rigoletto. Tout cela reste bien lourd et à aucun moment elle ne parvient à trouver la légèreté que requiert ce genre de partition. Et presque l’ensemble du concert est consacré, pour sa partie, à des airs légers et virtuoses! Elle n’a guère non plus l’étoffe d’une Manon car, ici, sa voix est trop souple, trop aigue et pas assez grave, surtout pour le duo de Saint-Sulpice. Quant à sa diction du français, n’en parlons même pas. Même en connaissant le texte, il est très difficile, voire impossible de le reconnaître. Toutefois la chanteuse paraît plus à l’aise dans l’air “Regnava” de Lucia où, enfin, une émotion commence à poindre, même si elle semble confondre un petit peu Lucia avec Norina. Dommage…


La direction de Pinchas Steinberg est digne d’éloges et il reçoit un triomphe dès le premier morceau avec l’ouverture du Roi d’Ys de Lalo. Il tire le maximum d’une oeuvre qui ne brille ni par sa légèreté ni par son intelligence dans les transitions: après avoir commencé en douceur, le chef s’appuie beaucoup sur les crescendo pour tenter de donner un élan et peu à peu le drame s’échafaude sous ses doigts. A souligner l’excellent pupitre des vents, qui ajoute une émotion supplémentaire à cet extrait de Lalo. Son ouverture de La Force du destin est également remarquable et il privilégie une lecture tirant sur la folie: il ne laisse aucune chance au thème principal de se développer et accentue l’accord qui vient rompre la mélodie des vents. Mais çà et là, on peut noter quelques départs manqués avec les chanteurs et quelques décalages.



Comme toujours il faut attendre le bis pour que les deux artistes parviennent à leur meilleur niveau et le duo entre Adina et Nemorino de l’Elisir d’amore est un véritable régal. Ils s’amusent à rivaliser de virtuosité et de drôlerie et concluent un concert riche en émotion et en musicalité. Si Elizabeth Futral ne convainc pas entièrement, Marcelo Alvarez persiste et signe pour prendre la relève des grands ténors des dernières années.



A noter:
Marcelo Alvarez reprendra le rôle d’Edgardo dans deux productions: au Covent Garden en décembre prochain dans une mise en scène de Christof Loy et Herbert Murauer avec en Lucia, Alexandra von der Weth et Evelino Pido dans la fosse
au Chicago Lyric Opera en janvier-février 2004 aux côtés de Natalie Dessay et sous la direction de Jésus Lopez-Cobos.
Il fera également ses débuts dans Roméo et Juliette à Munich, 30 mai, 3, 6, 9, 12 juin et 18 et 21 juillet 2004 avec Angela-Maria Blasi en Juliette et à la baguette Marcello Viotti et au Staatsoper de Vienne 16, 19, 23, 27 et 30 juin 2004 cette fois avec Andrea Rost et toujours Marcello Viotti.


Manon Ardouin

 

 

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