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“Voulez ouyr les cris de Paris? […] Si vous voulez plus ouyr, allez les donc querre!”

Metz
Eglise Saint-Antoine de Bar-le-Duc
07/03/2003 -  
Diverses chansons de Claudin de serminzy, Pierre Sandrin, Pierre Certon, Clément Janequin…
Bruno Boterf (ténor), Vincent Bouchot & François Fauché (barytons), Renaud Delaigue (basse), Eric Bellocq (luth et orgue)
Ensemble Clément Janequin
Dominique Visse (haute-contre et direction).

Né en 1996, le festival RenaissanceS de Bar-le-Duc offre une programmation très riche étalée sur cinq jours. Au menu de cette sixième édition: théâtre, animations de rue, conférences, repas gastronomiques, et bien sûr musique. En voulant axer le festival, cette année, sur le thème des machines, des inventions, les organisateurs accueillent divers ensembles spécialistes de la musique de la Renaissance dont Doulce Mémoire, Le Poème Harmonique… Cette charmante petite ville de la Meuse se prête idéalement, par ses ruelles et ses maisons anciennes, à cette ambiance du 16ème. Festival récent, certes, mais qui n’empêche pas un accueil chaleureux et original puisque quelques hôtesses ont revêtu des costumes d’époque.


Ce soir, l’Ensemble Clément Janequin propose, dans Les Cris de Paris, un voyage à travers la chanson parisienne de Claudin de Sermizy à Pierre Sandrin en passant, bien évidemment, par Clément Janequin. A la Renaissance, les chanteurs s’installaient autour d’une table et y interprétaient leurs chansons, cassant ainsi la notion de concert. La musique s’intégrait totalement à la salle et ne devait pas être considérée comme un divertissement à écouter religieusement. Les membres de l’Ensemble tentent de recréer cette tradition et ils se disposent donc autour d’une table, tandis que le luthiste se place un peu à l’écart. Cette petite mise en espace, ou du moins ce qui apparaît comme tel aujourd’hui, a le pouvoir de rompre immédiatement la glace entre le public et les musiciens.
Si l’Ensemble Clément Janequin privilégie les chansons légères et anecdotiques, ils proposent également quelques pièces aux accents plus sombres. Dans Au joly boys de Claudin de Sermizy, ils parviennent à une tonalité particulièrement lugubre sur la finale “ure” dans “j’endure” et “my dure”, deux mots-clés du texte. De même dans Qu’est-ce d’amours de Clément Janequin, les chanteurs sont rejoints par l’orgue qui apporte une touche solennelle à l’ensemble.
La première remarque qui vient à l’esprit quand on entend l’Ensemble Clément Janequin en concert, c’est l’extraordinaire homogénéité et en même temps la particularité et l’originalité propres de leurs cinq voix. Ils essaient avant tout d’harmoniser leurs voix, ou du moins la pose de leurs voix, et il est presque impossible de les différencier quand ils se rejoignent tous à la fin d’une chanson. En revanche, chacun utilise son propre timbre pour telle ou telle inflexion dans un passage. L’impressionnante basse Renaud Delaigue sert de basse continue tandis que les barytons, à tour de rôle, apportent une nuance plus lumineuse. Bruno Boterf, qui fait office de ténor, soutient l’ensemble et se présente comme une sorte d’intermédiaire vocal entre les voix graves et la voix élevée. Il ne manque pas d’humour et semble mettre une certaine distance entre son chant et son interprétation. Dominique Visse, en tant que chef de l’Ensemble, emmène tous ses chanteurs mais se sert également de son matériau vocal, si extraordinaire et presque irréel, pour apporter une touche d’ironie et d’expressivité au groupe. Même s’il tente de se fondre dans la masse, sa voix, incontestablement, se détache et dans Les Cris de Paris, il se lance dans des vocalises sans fin sur les différents “a” qui ponctuent les vers (notamment dans “Sa à boyre, ça!”).
Les chanteurs se montrent également très attentifs à tous les mots et essaient de leur donner un sens. Dans Que n’est-elle auprès de moy de Pierre Certon, ils insistent sur les “c” de “ cocu”, rendant le personnage cité encore plus ridicule. Dans le fameux Il est bel et bon de Passereau, Dominique Visse accentue fortement le “mère” de “commère” pour tenter de restituer l’image que l’on peut avoir d’une femme assez vieille, presque à cancaner avec ses voisines. Tout cela est très réaliste et ils ont sans cesse le souci de faciliter la compréhension des textes soit par une inflexion vocale soit par un appui fugitif.
La qualité de ce concert repose aussi sur la grande entente et la grande complicité qui règnent entre les musiciens. Ils prennent un immense plaisir à partager et à faire partager leur passion pour ce répertoire. Complètement déchaînés dans Je ne menge point de porc (à noter, le grognement final) et dans le Le chant des oyseaulx, ils sont incroyables de drôlerie dans La Chasse. Cette pièce, qui suit tout le déroulement d’une chasse, leur fournit l’occasion d’utiliser toutes les ressources de l’art vocal allant même jusqu’à imiter différentes “races” de chiens. Si les barytons et la basse trouvent un emploi comme gros chiens, un peu patauds, Bruno Boterf et Dominique Visse s’orientent plutôt vers des petits chiens aux aboiements pointus ou stridents. Les manifestations canines déclenchent des rires dans le public et les “chiens” ont eux-mêmes bien du mal à garder leur sérieux.

Eric Bellocq se montre un soutien essentiel et irremplaçable pour ces cinq chanteurs qui chantent pratiquement tout le temps a capella. Certes le son du luth est parfois étouffé par les voix des solistes mais l’instrumentiste donne un élan à l’ensemble. Dans La Guerre de Clément Janequin, le luthiste est très présent et marque sa partie au moment où ils chantent “Phifres souflez, Frapez tambours”. Mais son jeu, plein d’élégance et de douceur, s’épanouit dans les intermèdes de Pierre Attaingnant qu’il propose au milieu de chaque partie du concert. Dans les “Bransles Haulberroys” et “Bransles de Poitou”, il commence par jouer avec vigueur puis laisse peu à peu mourir sa musique. Cette pause instrumentale amène un certain apaisement et permet au public de se ressourcer avant de poursuivre l’écoute d’un programme si dense.


Un concert très agréable à écouter et qui reflète le travail méticuleux et passionné de l’Ensemble Clément Janequin, à la mesure de leur réputation bien établie. Avec ce concert, le festival de Bar-le-Duc s’assure une renommé que viennent confirmer les rendez-vous des jours suivants. Le tout dans un cadre de rêve qu’est l’église Saint-Antoine, illuminée pour l’occasion…




A noter:
- reprise de ce concert le 9 décembre 2003 à Saint-Quentin-en-Yvelines.


Manon Ardouin

 

 

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