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Natalie Dessay: soprano lyrique léger? Oui.

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
07/01/2003 -  
Airs de Massenet, Donizetti, Bellini, Thomas.
Natalie Dessay (soprano)
Orchestre national de Bordeaux-Aquitaine
Evelino Pido (direction).

La saison 2002-2003 du Théâtre des Champs-Elysées se termine sur un véritable feu d’artifice vocal: le retour tant attendu de Natalie Dessay sur une scène française. La soprano française nous propose un aperçu des rôles qu’elle a l’intention d’interpréter dans les prochaines années: plus d’Olympia, plus de Reine de la nuit, mais Manon, Lucia et toujours Ophélie. Natalie Dessay a mis à profit ces longs mois de repos pour non seulement soigner ses ennuis vocaux, mais pour aussi affermir sa technique et développer son medium, afin d’élargir son répertoire. Depuis plusieurs années, elle se disait à l’étroit dans les rôles-types de colorature et souhaitait s’attaquer à de véritables héroïnes. C’est aujourd’hui chose faite puisqu’elle prévoit d’aborder à court et à moyen terme Manon, La Fille du Régiment et même Cléopâtre de Jules César.



Le récital s'ouvre sur un air de Chérubin de Massenet “l’Ensoleillad”, qui permet à Natalie Dessay de dresser un bilan de sa carrière. Tout y est: les vocalises admirablement menées, les notes élevées, les retenues sur la fin des phrases…
Les airs suivants sont davantage tournés vers sa nouvelle carrière. Ainsi deux scènes de folie concluent les deux parties du récital. La chanteuse connaît bien le rôle d’Ophélie et après avoir remporté un véritable triomphe en mai dernier au Covent Garden, elle le reprend ici détaché de son contexte. Certes, mais elle sait créer une scène de théâtre, donner une vie à son personnage. La scène de Lucia est également très théâtrale, très scénique mais moins assumée. Dans ces deux airs (les seuls chantés sur scène), Natalie Dessay semble se détacher des contraintes du concert et sous-entendre, par un geste, une inflexion vocale, que ces deux héroïnes ont un passé et elle intègre totalement les personnages aux airs. En revanche, dans les autres airs, elle a tendance à surjouer (notamment dans le récitatif de Manon “on s’incline, on baise ma main”), à trop contrôler ce qu’elle chante et exprime et elle ne se laisse pas assez envahir par la musique. Le grand air de Manon - rôle qu’elle abordera dans un an - lui fournit l’occasion de présenter ce que sera sa vision de Manon: une coquette dans le récitatif accompagné et une femme malheureuse et courant à sa perte dans l’air. Un bien beau projet!
Pour revenir à Hamlet, sa meilleure prestation, on a rarement vu un chanteur en récital autant pris par un jeu scénique, sans metteur en scène: il n’y a aucune différence dans ses gestes, dans son regard par rapport à son interprétation au Covent Garden. Elle semble habitée par l’idée de la folie et se sert de sa voix pour la rendre plus perceptible. Ainsi quand elle chante la chanson de la Willis, elle n’a plus de timbre et elle est prête à courir à la mort. Plus l’air avance, plus la voix devient blanche, inhabitée et les derniers mots “pour toi je meurs” prennent tout leur sens et deviennent crédibles.
Natalie Dessay fait ce qu’elle veut de sa voix ou presque. Certes le suraigu n’est peut-être plus aussi brillant qu’au début de sa carrière mais cela s’explique par l’évolution de son répertoire. Il serait aussi utile qu’elle soigne davantage ses attaques, surtout dans l’air de Bellini, car parfois elles ne sont pas assurées ou bien elles sont détimbrées - mais involontairement cette fois - . Mais ces petites réserves s’effacent immédiatement devant la couleur de sa voix, l’expressivité qu’elle met au service de la musique et surtout son total engagement. Après avoir chanté la version française de Lucia, elle interprète pour la première fois la célèbre scène en italien et s’y montre plus convaincante qu’à Lyon. Elle ajoute de nouveaux accents assez étrangers à son esthétique habituelle, comme la voix de poitrine qu’elle utilise pour souligner “il fantasma”.


Evelino Pido, comme toujours, conduit de main de maître l’orchestre de Bordeaux. Le chef italien est un habitué et un grand spécialiste des répertoires abordés ce soir et sa direction fait merveille, que ce soit dans Rossini ou dans Donizetti. Les deux ouvertures (Sémiramide et Don Pasquale) qu’il dirige, sont menées avec vigueur, précision et élégance. Celle de Don Pasquale est un véritable patchwork de l’opéra et Evelino Pido passe cette difficulté en soignant particulièrement les transitions. Il sait également nuancer et apporter des ralentissements intéressants dans Sémiramide. Le chef se montre aussi très attentif à Natalie Dessay et est un véritable soutien pour elle. Peut-être plus à l’aise que Louis Langrée, pourtant excellent, à Londres, dans la scène d’Hamlet, il distille chaque note, chaque nuance et tente, en accord avec sa soliste, de faire mourir Ophélie de manière logique. A eux deux, ils installent les décors, les costumes, la mise en scène…



On ne dira jamais assez que Natalie Dessay est une chanteuse extraordinaire et une musicienne admirable. Même si elle est apparue très tendue au début du concert et un peu en retrait, elle a rapidement repris son assurance après l’entracte et surtout au moment de l’unique bis où elle nous offre une superbe Juliette “Ah, je veux vivre”. La boucle est bouclée car cet air requiert les mêmes effets que celui de Chérubin. Un petit panorama bien construit, bien mené, cohérent, nous a permis d’entendre une panoplie de tous les dons de cette chanteuse, qu’ils soient vocaux ou expressifs. Une nouvelle Natalie Dessay est née!




A noter:
- reprise de ce concert à Santa Fe le 9 août 2003
- débuts dans la version italienne de Lucia au Chicago Lyric Opera en compagnie de Marcelo Alvarez et de Jesus Lopez-Cobos à la baguette en janvier-février 2004.
- prise de rôle dans Manon de Massenet du 15 au 27 juin 2004 dans une mise en scène de Alain Garichot et sous la direction de Patrick Davin.


Manon Ardouin

 

 

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