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En entrée, improvisation au luth, en plat de résistance 24 chansons, en dessert, un concert très drôle…

Paris
Théâtre de Suresnes
03/29/2003 -  
Divers compositeurs (Clément Janequin, Paschal de l'Estocart, Philippe Coste…)
Dominique Visse (haute-contre), Bruno Boterf (ténor), Vincent Bouchot, François Fauché (barytons), Renaud Delaigue (basse), Eric Bellocq (luth), Jean-Louis Martinoty (mise en scène), Daniel Ogier (costumes), Tamara Adloff (décors et accessoires), Jean Grison (régie générale et éclairages), ensemble Clément Janequin - Dominique Visse (direction)

Après avoir été créé avec grand succès au Japon en 2000, la fameuse Fête chez Rabelais a parcouru de nombreuses salles et s’arrête pour un soir à Suresnes. Ce spectacle, d’une heure et demie, rassemble 24 chansons de divers compositeurs de la renaissance (de Clément Janequin à Guillaume Costeley en passant par Paschal de l’Estocart) entrecoupées de pièces de luth éphémères, servant essentiellement à distinguer les différentes parties de la fête.



Après une improvisation au luth, la scène s’ouvre sur la célébration d’une messe par cinq moines. Mais après avoir chanté un remarquable Kyrie eleison de Clément Janequin, ils quittent leur bure le temps de découvrir les plaisirs de la vie et de se conformer aux “exigences” d’une sorte d’abbaye de Thélème. Ils sont tous habillés de vêtements colorés sur lesquels sont accrochés des aliments, à la manière des portraits d’Arcimboldo; l’un est couvert de poissons, l’autre de tomates,… Le ton est donné et la première partie de la fête est consacrée au pêché de gourmandise, comme le soulignera la pancarte pendue au cou de l’un des moines. De manière très habile, chaque thème développé met en avant un des interprètes qui ne chante pas à ce moment-là. Celui-ci n’a pas retiré son habit monastique et se montre donc réticent à l’idée de manger. Mais les autres le forcent, à l’aide d’un entonnoir, à avaler du vin et de la nourriture jusqu’à ce qu’il soit vaincu et qu’il retire sa bure.


La transition avec le nouveau thème abordé - le sommeil - est le plus beau moment de toute la représentation. Ils utilisent la chanson de Tylman Susato Prière après le repas et ont une gestuelle très simple. Dominique Visse commence l’air et toutes les voix viennent se mêler à la sienne pour n’en faire plus qu’une et tout cela dans un tempo assez lent, ce qui confère une ambiance à la limite du sacré (à souligner la phrase "Plaise toy de celeste vin"). La deuxième partie voit les moines ripailleurs dormir dont un qui est particulièrement maltraité par les autres à cause de son inactivité prolongée. Ils chantent alors le Chant des Oiseaux et se servent de becs d’oiseau pour tourmenter le pauvre personnage. Les chanteurs parviennent, avec une grande aisance, à lier humour et précision dans l’accumulation d’onomatopées qui composent cette chanson.


Les thèmes suivants se succèdent mais à chaque fois ils prennent le soin de marquer le passage en conservant un des éléments de la partie précédente. Ainsi après avoir illustré l’amour avec quelques chansons de Clément Janequin et de Philippe Coste et des tableaux de l’École de Fontainebleau, ils dévient sur le sujet de la maladie, conséquence d’une vie amoureuse débridée. La thématique de la chasse et de la guerre est également abordée avec d’excellentes idées scéniques comme la mise en évidence d’un trophée animal.


La mise en scène de Jean-Louis Martinoty est truffée d’idées et remplie d’une élégance qui traverse tout le spectacle. Les costumes sont remarquables et les divers morceaux de tissus, servant à faire des nappes pour les coffres qui renferment les différents accessoires employés sont d’une grande somptuosité. Les cinq chanteurs ne sont à aucun moment livrés à eux-mêmes et le moine luthiste, qui ne joue pas souvent, est utilisé à des fins dramatiques notamment lorsqu’il tente de lire les textes religieux au fond de la scène dans le brouhaha des moines ou quand ces derniers remplacent sa main par un crochet, handicap quelque peu majeur pour rejouer ensuite du luth…


Que dire de l’ensemble Clément Janequin, si ce n’est qu’ils sont absolument extraordinaires. Scéniquement ils évoluent avec une intelligence et en même temps une certaine distance avec les personnages qu’ils sont censés interpréter: leur jeu est parfaitement maîtrisé dans une mise en scène qui leur demande beaucoup. Ce qui est assez remarquable, c’est la manière dont les objets s’agencent ainsi que leurs gestes. La scène est rapidement recouverte de multiples objets sans jamais provoquer l’impression d’un désordre. Chaque plat de nourriture, chaque tableau, chaque instrument prend une signification dramatique même lorsqu’il n’est plus directement utilisé: l’objet devient alors décor. Jean-Louis Martinoty leur demande beaucoup mais ils sont capables de performances incroyables et, en plus d’être des chanteurs hors pairs, ils sont aussi excellents comédiens comme en témoigne la scène de la chasse où le luthiste les tient en laisses avec un chapelet démesuré, tous représentant des chiens à la poursuite d’un renard empaillé (à noter le chien d’arrêt de D.Visse, absolument criant de vraisemblance!).
Vocalement, leur performance est magnifique et assez différente des enregistrements. Il est plus facile, dans les disques, de distinguer les différentes voix alors qu’ici elles semblent se mêler pour atteindre une harmonie parfaite. Autant les voix élevées que les voix graves sont d’une homogénéité excellente et surtout on ne peut que saluer leur souci constant de donner un sens à chaque mot.




Ce spectacle constitue une excellente introduction à la musique française de la renaissance et on ne peut que lui souhaiter une longue vie et espérer le revoir très bientôt…



(Autre date: 11 avril 2003 Toulouse-Blagnac)



Manon Ardouin

 

 

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